Venezuela : de nombreuses personnalités demandent à l'UE de respecter le résultat des législatives
Alors que Juan Guaido appelle au boycott du scrutin, de nombreuses personnalités ont signé une pétition pour exiger de l'UE qu'elle respecte le résultat des élections législatives au Venezuela, auxquelles une bonne partie de l'opposition participe.
Une pétition réclamant par anticipation à l'Union européenne le respect des résultats des élections législatives du 6 décembre 2020 au Venezuela a été signée par de nombreuses personnalités internationales. Parmi elles figurent le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon, l'ancien président équatorien Rafael Correa, le musicien engagé Roger Waters, l'ex-rapporteur spécial du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU Alfred de Zayas, ou encore l'artiste argentin et prix Nobel de la Paix, Adolfo Pérez Esquivel.
Le texte, lancé par le Réseau européen de solidarité avec la révolution bolivarienne et publié sur le site Les 2 Rives, rappelle d'abord qu'«au cours de l'année 2020, les discussions entre le gouvernement [vénézuélien] et une partie de l'opposition résolue à rejoindre le chemin constitutionnel ont conduit à l'établissement de nouvelles garanties électorales, unanimement acceptées par toutes les tendances politiques impliquées dans ce processus électoral».
Cet alignement sur la politique des pires faucons de Washington signe l’abdication d'une politique étrangère indépendante pourtant mise en avant dans de nombreux discours d’intention
Pour ces prochaines élections, le Conseil national électoral (CNE) a comptabilisé plus de 14 000 candidats issus de dizaines de partis, dont des mouvements d'opposition rivaux de Juan Guaido, autoproclamé président adoubé par Washington.
Les signataires de la pétition déplorent que l'UE ait «décidé de repousser l'invitation de l'Etat vénézuélien d'envoyer des observateurs comme garants du bon déroulement des élections». Ils estiment à cet égard que cette décision est le fruit des «pressions constantes de l’administration des Etats-Unis, embourbée au Venezuela dans une entreprise pour laquelle la priorité n'est pas le respect de la démocratie ni des processus électoraux, mais bien le "changement de régime", quel qu'en soit le coût».
Pour les signataires de la pétition, «cet alignement sur la politique des pires faucons de Washington signe l’abdication d'une politique étrangère indépendante pourtant mise en avant dans de nombreux discours d’intention».
En conclusion, le texte invite l'Union européenne à ne «pas soutenir la voie de la violence et de la confrontation au Venezuela», et à respecter «le verdict qui sortira des urnes le 6 décembre».
Guaido a-t-il encore une crédibilité ?
Loin de rassembler l'opposition à Nicolas Maduro, Juan Guaido a donc décidé de boycotter le scrutin, espérant bien saper la légitimité de celui-ci. L'opposant, qui a été reconnu après son auto-proclamation en janvier 2019 président du Venezuela par les Etats-Unis et leurs alliés (dont l'UE), a ainsi annoncé vouloir organiser une «consultation populaire» du 5 au 12 décembre pour demander aux citoyens s'ils rejettent «l'événement du 6 décembre organisé par le régime de Nicolas Maduro, et demander à la communauté internationale de l'ignorer». Dans cette consultation, il demandera également aux participants s'ils valident le principe d'une pression étrangère pour se débarrasser de Maduro. Ils devront ainsi dire s'ils soutiennent ou non «tous les mécanismes de pression, à l'intérieur comme à l'extérieur» du Venezuela pour organiser des «élections présidentielle et législatives libres».
Mais que va-t-il faire des résultats de cette consultation parallèle, organisée sans le concours du CNE ? Juan Guaido a la réponse : il estime que si sa consultation établit que les Vénézuéliens rejettent le scrutin du 6 décembre, alors le Parlement élu en 2015 devra continuer à siéger. Il pourra ainsi, de son point de vue, continuer à prétendre au poste de président de l'Assemblée nationale indéfiniment.
Quelque 20,7 millions de Vénézuéliens sont appelés aux urnes le 6 décembre. Les Etats-Unis ont déjà annoncé qu'ils ne reconnaîtraient pas ces législatives. L'Union européenne a demandé pour sa part qu'elles soient différées jusqu'à ce que la situation soit clarifiée, ce que le gouvernement de Maduro a refusé, estimant «inadmissible» cette demande.
De nombreux observateurs internationaux sont invités par les différents partis participant au scrutin. Fin octobre, le président Nicolas Maduro a annoncé la présence de 300 observateurs internationaux qui viendront d'Europe, Asie, Afrique, Amérique latine, Caraïbes, et même des Etats-Unis. Parmi eux figurent ceux du groupe de Puebla, composé de présidents, d'anciens présidents, de dirigeants du mouvement socialiste et d'universitaires. Seront également présents des observateurs du Centre des experts électoraux latino-américains (Ceela) qui a assuré qu'il accompagnera les élections législatives du 6 décembre prochain au Venezuela d'une mission «éminemment technique» et qu'il ne se prononcera pas sur la situation politique dans le pays.
L'Organisation des Etats américains (OEA), qui siège à Washington, et donc en très mauvais termes avec Caracas, n'a pas prévu d'observateurs. Comme le regrette la pétition, l'Union européenne, pourtant invitée, n'en a pas prévu non plus.
Nous devons arrêter d’écouter ces mauvaises rumeurs qui viennent de ces secteurs extrémistes et aller voter, car c’est le seul moyen. Ne nous laissons pas berner par ces offres incohérentes qui n'ont laissé que douleur et tragédie
À l'occasion de conférences de presse organisées fin octobre, les opposants au gouvernement chaviste ayant accepté le jeu électoral ont dénoncé l'extrémisme de ceux qui appellent au boycott et affirmé leur confiance dans le CNE. Le secrétaire national du parti historique Copei, Juan Carlos Alvarado, a déclaré que voter le 6 décembre était la solution et le moyen le plus efficace pour le peuple. Le leader d'Esperanza por el cambio, Javier Bertucci, pourtant fervent opposant au gouvernement, a assuré ses partisans de l'efficacité, de la transparence et du contrôle technique des nouvelles machines mises en place par le Conseil national électoral (CNE) dans le cadre des élections législatives. «Nous devons arrêter d’écouter ces mauvaises rumeurs qui viennent de ces secteurs extrémistes et aller voter, car c’est le seul moyen. Ne nous laissons pas berner par ces offres incohérentes qui n'ont laissé que douleur et tragédie», a-t-il déclaré.
Par «secteurs extrémistes», il faut évidemment comprendre une référence à l'équipe de Juan Guaido.
Meriem Laribi