La guerre des robots que les Nations unies ne parviennent pas à empêcher
D’après un certain nombre de spécialistes, la lenteur des négociations de l’ONU autour des armes robotisées pourrait se payer par la généralisation du déploiement de ce type d’armement.
«Si les discussions s’étendent sur plusieurs années, ce qui semble être le cas, beaucoup d’armes robotisées auront déjà été développées et utilisées», s’inquiète Noel Sharkey, professeur de robotique et d’intelligence artificielle à l’Université de Sheffield en Grande-Bretagne et co-fondateur du Comité international pour le contrôle des armes robotisées.
A l’image de plusieurs de ses confères, ce scientifique s’alarme de la lenteur et de l’inaction des Nations unies dans ses négociations avec les grandes puissances sur la question des drones. Leur crainte : que la production et le déploiement de cette technologie meurtrière aient le temps de se multiplier avant qu’un accord ne soit trouvé avec l’ONU.
@NoelSharkey 1914 Christmas armistice would never happen with #killerrobots
— Juan Pablo Hourcade (@jphourcade) 14 Mai 2014
Pour Christof Heyns, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, «il existe en effet un danger que le processus [de négociation] soit bloqué». «Beaucoup d’argent est dépensé dans le développement [des drones] et les gens veulent des retours sur investissements», explique-t-il, affirmant que «si aucune mesure préventive n’est prise concernant les armes autonomes, la situation sera extrêmement difficile à contrôler». Une inquiétude partagée par les observateurs des Nations unies qui ont fait savoir que les Etats-Unis et le Royaume-Uni continueraient à tester leurs drones jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé.
Why develop KillerRobots? Supposedly as 'force multiplier' & b/c armed conflict becoming too fast/complex for humans http://t.co/G5eZ9uXM41
— Stop Killer Robots (@BanKillerRobots) 2 Octobre 2015
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Si aucune arme entièrement robotisée n’est encore utilisée, beaucoup d’armes semi-autonomes sont en circulation. La Corée du Sud dispose d’un robot commandé à distance qui patrouille le long de sa frontière avec la Corée du Nord. Il s'agit en fait d'une machine armée de mitraillettes, capable de prendre la décision de tuer sans intervention humaine. Le long de la bande de Gaza, Israël déploie pour sa part des tours armées qui peuvent repérer automatiquement les intrusions palestiniennes. Le Royaume-Uni a de son côté mis au point des avions qui peuvent voler en totale autonomie, identifier et repérer des positions ennemies. Un appareil que le ministère britannique de la Défense décrit comme «presque sans besoin d’intervention humaine».
Face à cette montée en puissance de la robotique d’armement, des activistes, notamment dans les secteurs de la robotique et de la technologie, plaident depuis deux ans pour une interdiction préventive des drones.
Une lettre ouverte, parue en juillet 2015 et signée par plus de 1 000 chercheurs en intelligence artificielle, dont Stephen Hawkins, met en garde contre une augmentation tragique du coût humain des guerres.
Pour Noel Sharkey, laisser aux robots la décision de tuer est une hérésie. Une position qu’il a maintes fois défendue devant les Nations unies. «Ces armes ne se conformeront jamais aux lois de la guerre», avertit-il, soulignant qu’«aucun logiciel n’est apte à faire la différence entre une cible civile ou militaire».
Stephen Hawking and other scientists warn to 'ban killer robots' http://t.co/KgRGcjafF1
— UnlawfulExecutions (@executions_UNSR) 28 Juillet 2015
Seuls cinq pays ont aujourd’hui banni les armes robotisées à l’échelle nationale. Mais les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, invoquent l’argument selon lequel l’homme exercera toujours un «contrôle significatif» sur la capacité d’un robot à prendre la décision de tuer. Un argument qui fait débat, notamment auprès de la communauté scientifique qui s’inquiète du manque de limites qu’une telle vision des choses peut entraîner.
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