Liban : le président Michel Aoun prône l'instauration d'un Etat laïc
- Avec AFP
Le président libanais se dit convaincu que «seul un Etat laïc est capable de protéger le pluralisme». Un nouveau Premier ministre sera prochainement désigné par le Parlement, ce qui ne fera probablement pas taire la contestation sociale.
Le président Michel Aoun a reconnu le 30 août la nécessité de changer le système politique au Liban et appelé à proclamer un «Etat laïc», à la veille de la visite du chef de l'Etat français Emmanuel Macron qui presse pour que soient actées des réformes.
«Je suis convaincu que seul un Etat laïc est capable de protéger le pluralisme, de le préserver en le transformant en unité réelle, je demande que le Liban soit déclaré Etat laïc», a affirmé le président libanais dans son discours à l'occasion du centenaire du Liban. «Il est temps d'améliorer, d'amender ou de changer le système libanais, appelez-le comme vous le voulez. Mais le Liban a besoin d'un nouveau système de gestion de ses affaires, basé sur la citoyenneté et un Etat civil.»
Le 30 août au soir, il s'est engagé à «appeler au dialogue les autorités religieuses et les dirigeants politiques afin d'arriver à une formule acceptable par tous» qui nécessiterait des amendements constitutionnels.
Le Hezbollah ouvert à la discussion
Quelques heures plus tôt, le chef du puissant Hezbollah chiite, pro-iranien, Hassan Nasrallah, allié de Michel Aoun, avait annoncé être prêt à discuter d'un nouveau «pacte politique» dans le pays, où les communautés religieuses se répartissent le pouvoir (chiites, sunnites, maronites).
«Nous avons entendu l'appel du président français au cours de sa dernière visite au Liban à un nouveau pacte politique», a déclaré Hassan Nasrallah lord d'un discours. «Nous sommes ouverts à toute discussion constructive sur le sujet [...] mais à la condition qu'il s'agisse d'un dialogue libanais et que ce soit la volonté de toutes les parties libanaises», a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron, premier dirigeant étranger à s'être rendue au Liban après la double explosion meurtrière au port de Beyrouth, avait pressé les responsables politiques d'entreprendre des réformes politiques. Il avait évoqué le 29 août les «contraintes d'un système confessionnel» qui ont conduit «à une situation où il n'y a quasiment plus de renouvellement [politique] et où il y a quasiment une impossibilité de mener des réformes».
Lors de sa première visite à Beyrouth le 6 août, le président Macron avait annoncé qu'il allait proposer un «nouveau pacte politique» avec des réformes nécessaires, sans quoi «le Liban continuera de s’enfoncer». Le président français doit à nouveau rencontrer les représentants des principaux partis politiques, dont le Hezbollah, le 1er septembre.
Désignation imminente d'un nouveau Premier ministre
Les annonces de Michel Aoun sont intervenues à la veille du début des consultations en vue de la désignation d'un nouveau Premier ministre – le chef du gouvernement Hassan Diab ayant démissionné le 10 août.
Moustapha Adib, choisi par les poids lourds de la communauté sunnite, contrairement aux attentes du mouvement de contestation qui accuse la classe politique d'être corrompue, fait office de favori des observateurs. A 48 ans, ce professeur d'université était depuis 2013 ambassadeur du Liban en Allemagne. Au Liban, le chef du gouvernement doit être sunnite, la présidence allant à un chrétien maronite et la présidence du parlement à un musulman chiite.
Je suis prêt à quitter la présidence si une preuve est établie de l'implication de l'un des membres de ma famille dans la corruption
Il devrait obtenir l'aval des principaux blocs parlementaires, notamment ceux du parti présidentiel, le Courant patriotique libre, et de ses deux alliés chiites, le Hezbollah et le mouvement Amal, mais également celui du courant du Futur dirigé par l'ancien Premier ministre Saad Hariri (sunnite). Les consultations parlementaires contraignantes ont commencé le matin du 31 août et verront défiler les blocs parlementaires et députés indépendants qui annonceront tour à tour leur choix.
Le mouvement de contestation populaire a averti qu'il rejetterait tout nom issu des consultations d'une classe politique dont il demande le départ.
Les responsables occidentaux qui se succèdent à Beyrouth se sont joints aux appels des Libanais pour un changement politique profond après la catastrophe du port de Beyrouth qui a fait au moins 188 morts, et dont la classe politique est rendue responsable par négligence voire corruption.
Un pays exsangue suite à l'explosion au port de Beyrouth
Le drame qui a secoué la ville, dû à la présence d'une énorme quantité de nitrate d'ammonium au port de Beyrouth au vu et au su des responsables, a alimenté la colère de la population.
La catastrophe a fait plus de 6 500 blessés et détruit ou endommagé les domiciles de quelque 300 000 personnes, qui n'ont reçu aucune aide du gouvernement.
L'explosion a également mis à genoux le pays qui ployait déjà sous le poids d'une crise économique d'envergure, aggravée par la pandémie de coronavirus.
Le 30 août, l'ONU a averti que plus de la moitié de la population risquait de manquer d'alimentation de base d'ici la fin de l'année en raison de l'aggravation de la crise économique et de la destruction des silos de blé au port de Beyrouth.
Le Liban a initié des négociations à la mi-mai avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir une aide financière, mais le processus est actuellement au point mort.
Talal Salman, un conseiller du ministère des Finances impliqué dans les négociations avec le FMI a expliqué le 30 août à l'AFP avoir présenté sa démission, emboîtant le pas à deux autres membres de l'équipe de négociateurs.
Soupçons de corruption
Après son allocution, le chef de l'Etat libanais a accordé un long entretien au journaliste Ricardo Karam. «Je suis prêt à quitter la présidence si une preuve est établie de l'implication de l'un des membres de ma famille dans la corruption», a-t-il notamment déclaré.
Dans une interview publiée le 27 juillet dans l'hebdomadaire français Paris Match, Michel Aoun avait déjà affirmé qu'aucun membre de sa famille n'était «impliqué dans la corruption», en référence aux accusations portées contre son gendre Gebran Bassil, leader du Courant patriotique libre et l'une des principales cibles du mouvement de contestation contre la classe dirigeante.