Ecosse : craignant pour la liberté d'expression, «Mr Bean» s'oppose à une loi contre «la haine»
L'acteur anglais Rowan Atkinson, le célèbre interprète de Mr. Bean, s'oppose avec 20 autres personnalités au projet de loi écossais contre «la haine», qui menace selon eux la liberté d'expression. Ce projet vise à punir le fait «d'attiser la haine».
L'acteur Rowan Atkinson, mondialement célèbre pour son personnage comique de Mr. Bean, a joint sa signature à celles de 20 personnalités et organisations du monde des arts, du journalisme, de la littérature, de la comédie, de la politique et de la défense des droits de l'Homme, contre un projet de loi controversé sur les «crimes haineux et l'ordre public» en Ecosse.
Dans une tribune diffusée sur le site de la Humanist Society of Scotland, les signataires alertent sur le risque de réduction de la liberté d'expression, sous couvert de lutter contre les propos haineux. Si cette loi écossaise part d'une «bonne intention», notent-ils, ils craignent qu'elle finisse par «réprimer la liberté d'expression et la possibilité de critiquer les religions et autres croyances».
«Le droit de critiquer des idées, philosophiques, religieuses ou autres doit être protégé», affirment les signataires pour qui ce point est nécessaire pour permettre à une «société artistique et démocratique de fleurir».
Une loi écossaise contre «la haine» au cœur de vifs débats
Ce projet de loi contre «la haine» promue par Humza Yusaf, ministre de la Justice du gouvernement écossais décentralisé et membre du Scottish National Party (SNP, parti indépendantiste écossais), déclenche au Royaume Uni de vifs débats, ses détracteurs y voyant un risque majeur pour la liberté d'expression et d'expression artistique. «Tel qu'il est actuellement libellé, [ce projet] pourrait faire échouer le débat et la discussion rationnels qui jouent un rôle fondamental dans la société, y compris dans les activités artistiques», préviennent les artistes dans leur lettre.
La proposition la plus contestée du projet de Humza Yusaf consiste à punir le fait «d'attiser la haine» («stirring up of hatred», en anglais) en diffusant des propos étant «susceptible d'attiser la haine contre un groupe». Le caractère vague de l'énoncé, dans un pays où il est déjà interdit d'attaquer verbalement une personne sur sa couleur de peau, sa religion, son handicap, son orientation sexuelle ou de genre, fait craindre un fourre-tout dans lequel pourra s'opérer toute sorte de censure, au gré de l'interprétation.
Le gouvernement écossais assure pour sa part que le projet de loi offrira une plus grande protection aux victimes de la haine. La BBC rapporte en outre que Humza Yusaf insiste sur le fait que le gouvernement a été «absolument explicite» : la liberté d'expression n'est pas attaquée par ce projet.
«Un délit d'incitation à la haine sans que l'intention de l'auteur ne soit examinée»
Cependant, dans leur tribune, les signataires craignent que la législation puisse conduire des gens à être poursuivis alors qu'ils ne font que relayer du contenu sur les réseaux sociaux, sans qu'il s'agisse de leur propres propos. Ils se disent ainsi inquiets d'une loi qui «crée un délit d'incitation à la haine sans que l'intention de l'auteur ne soit examinée».
Le gouvernement écossais a souligné le 10 août que le projet de loi «ne cherchait en aucune façon à étouffer les critiques ou les débats d’opinion». «Les gens peuvent exprimer des opinions controversées, stimulantes ou offensantes tant qu'elles ne l'expriment pas d'une manière menaçante ou injurieuse qui cherche ou est susceptible d'attiser la haine», a notamment déclaré un porte-parole de l'exécutif dirigé par Nicola Sturgeon, Premier ministre écossais, cité par Marianne. Le projet de loi de Humza Yusaf est soutenu par l'association LGBT Equality Network, le Conseil écossais des communautés juives et Bemis, un organisme de soutien aux «minorités ethniques et culturelles en Ecosse».