Le pape François se dit «très affligé» par la conversion de Sainte-Sophie en mosquée
- Avec AFP
Le pape François s'est dit «très affligé» par le choix du président turc Recep Tayyip Erdogan de transformer en mosquée l'ex-basilique Sainte-Sophie. La voix du Pape s'ajoute aux nombreuses critiques internationales visant le président turc.
Après Washington et Paris en passant par l'Unesco et des pays orthodoxes comme la Russie et la Grèce, le pape François a joint sa voix ce 12 juillet au chœur de critiques visant la décision du président turc Recep Tayyip Erdogan de convertir en mosquée l'ex-basilique Sainte-Sophie, située dans la capitale Istanbul.
«Ma pensée va à Istanbul, je pense à Sainte-Sophie. Je suis très affligé», a exprimé laconiquement le pape argentin à l'issue de la prière de l'Angélus, sortant du discours prévu. Les paroles du pape représentent la première prise de position officielle du Vatican et de l'Eglise catholique après la décision turque.
«Sainte-Sophie, de musée à mosquée»
L'Osservatore Romano, le quotidien du Vatican, avait raconté la veille de manière factuelle les événements, citant les principales réactions internationales sans commenter, mais faisant la part belles aux critiques, dans un article intitulé : «Sainte-Sophie, de musée à mosquée».
Œuvre architecturale majeure construite au VIe siècle par les Byzantins qui y couronnaient leurs empereurs, Sainte-Sophie est un site classé au patrimoine mondial par l'Unesco et l'une des principales attractions touristiques d'Istanbul avec quelque 3,8 millions de visiteurs en 2019. Convertie en mosquée après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, elle a été transformée en musée en 1934 par le dirigeant de la jeune République turque, Mustafa Kemal, soucieux de «l'offrir à l'humanité».
Le 10 juillet, après la révocation par le Conseil d'Etat – plus haut tribunal administratif turc – du statut de musée de l'ex-basilique, Recep Tayyip Erdogan, issu d'un parti islamo-conservateur, a annoncé qu'elle serait ouverte aux prières musulmanes en tant que mosquée le 24 juillet. Il a par ailleurs rejeté en bloc le lendemain les condamnations internationales, arguant que cela relevait des «droits souverains» de son pays.
Une «provocation envers le monde civilisé», estime la Grèce
La directrice de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), Audrey Azoulay, a déploré cette décision «prise sans dialogue préalable» concernant «un chef-d’œuvre architectural et un témoignage unique de la rencontre de l'Europe et de l'Asie au cours des siècles».
Le gouvernement grec a condamné «avec la plus grande fermeté» la décision turque, la ministre de la Culture Lina Mendoni l'ayant qualifiée de «provocation envers le monde civilisé». Outre «son impact sur les relations gréco-turques», ce choix «affecte les relations d'Ankara avec l'Union européenne, l'Unesco et la communauté mondiale», a fustigé le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.
Du côté des chrétiens orthodoxes, le patriarche Bartholomée de Constantinople a averti le mois dernier que la transformation de Sainte-Sophie en mosquée pourrait «tourner des millions de chrétiens dans le monde contre l'islam». «Nous constatons que l'inquiétude des millions de chrétiens n'a pas été entendue», a renchéri le porte-parole de l'Eglise orthodoxe russe Vladimir Legoïda.
Le patriarche russe Kirill avait dénoncé dès le 6 juillet «toute tentative d'humilier ou de piétiner l'héritage spirituel millénaire de l'Eglise de Constantinople» dont la Russie se considère comme la principale héritière avec la Grèce. Le Kremlin avait pour sa part relevé que Sainte-Sophie avait «une valeur sacrée» pour les Russes, tout en jugeant que la question de la reconversion ou non du lieu relevait «des affaires intérieures de la Turquie».
Washington s'est dit «déçu» et Paris «déplore» la décision turque, tandis que le Conseil œcuménique des Eglises, qui réunit environ 350 églises chrétiennes, notamment protestantes et orthodoxes, a exprimé le 11 juillet «chagrin et consternation».
Ces nombreuses critiques n'ont cependant pas fait bouger d'un iota le président turc. «Ceux qui ne bronchent pas contre l'islamophobie dans leurs propres pays [...] attaquent la volonté de la Turquie d'user de ses droits souverains», a déclaré Recep Tayyip Erdogan le 11 juillet au cours d'une cérémonie en visioconférence. Et d'ajouter : «Nous avons pris cette décision non pas par rapport à ce que les autres disent mais par rapport à nos droits, comme nous l'avons fait en Syrie, en Libye et ailleurs.»