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«Lâche agression», «aventurisme» : le monde réagit à l’assassinat de l'Iranien Qassem Soleimani

L'opération menée par les Etats-Unis en Irak au cours de laquelle Qassem Soleimani, chef de la force al-Qods a trouvé la mort a suscité de nombreuses réactions internationales. Largement critiquée, l’initiative divise aussi les Américains.

Après la mort du général iranien Qassem Soleimani, chef de la force al-Qods, branche des Gardiens de la Révolution chargée des opérations extérieures, par ailleurs émissaire de Téhéran pour les affaires irakiennes, le 3 janvier lors d’un raid américain mené sur l’aéroport de Bagdad, de nombreux pays ont réagi à cette annonce.

Le président russe Vladimir Poutine a mis en garde quant au risque de «sérieusement aggraver la situation» au Proche-Orient que faisait peser cet assassinat. «Il a été constaté que cette action peut sérieusement aggraver la situation dans la région», a indiqué le Kremlin dans un communiqué, précisant que Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, , qui se sont entretenus par téléphone ce 3 janvier, avaient tous deux exprimé leur «préoccupation» après la mort du général iranien.

S’exprimant auprès des agences RIA Novosti et TASS, le ministère russe des Affaires étrangères a fustigé l’opération américaine. «Nous considérons le meurtre de Soleimani à la suite du raid mené par les Etats-Unis dans les environs de Bagdad comme une démonstration d'aventurisme qui entraînera une augmentation des tensions dans toute la région», a souligné le ministère, exprimant ses «sincères condoléances au peuple iranien».

«On se réveille dans un monde plus dangereux», estime la diplomatie française

Emmanuel Macron a pour sa part assuré qu'il allait rester en «contact étroit» avec le président russe sur la situation en Irak, afin d'«éviter une nouvelle escalade dangereuse des tensions et appeler toutes les parties à la retenue», selon l'Elysée. Lors de son entretien avec son homologue russe, le président français a «rappelé l’attachement de la France à la souveraineté et à la sécurité de l’Irak et à la stabilité de la région». Il a en outre appelé l’Iran à «revenir rapidement au plein respect de ses obligations nucléaires et à s’abstenir de toute provocation», ajoute la présidence dans un communiqué.

Présente sur le plateau de RTL, la secrétaire d'État aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin, a condamné l’intervention américaine : «On se réveille dans un monde plus dangereux. L'escalade militaire est toujours dangereuse […] Quand de telles opérations ont lieu, on voit bien que l'escalade est en marche alors que nous souhaitons avant tout la stabilité et la désescalade.» Elle a ajouté que «tous les efforts que la France mène [...] dans toutes les régions du monde, c'est nous assurer que nous créons les conditions d'une paix en tout cas d'une stabilité.» «Notre rôle, ce n'est pas de se placer d'un côté ou d'un autre c'est de parler avec tout le monde», a-t-elle enfin fait savoir.

Sur Twitter, l’ambassade de France en Iran a elle «recommandé aux Français de se tenir à l’écart de tout rassemblement, d'adopter un comportement prudent et discret, et de s’abstenir de prendre des photographies dans l’espace public».

Lors d’une conférence de presse Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise, a appelé au «calme», faisant par ailleurs part de sa «préoccupation». «Nous demandons instamment à toutes les parties concernées, en particulier aux Etats-Unis, de garder leur calme et de faire preuve de retenue afin d'éviter une nouvelle escalade des tensions», a-t-il fait valoir, précisant que «la Chine s'oppose de longue date au recours à la force dans les relations internationales». Il a également demandé a ce que soient respectées la souveraineté et l’intégrité du territoire irakien.

«Lâche agression américaine» selon Damas

La Syrie a de son coté vilipendé une «lâche agression américaine» selon une source du ministère des Affaires étrangères citée par l’agence officielle Sana. «L’agression lâche des Américains […] ne fera que renforcer la détermination à suivre le modèle de ces chefs de la résistance» a-t-elle expliqué.

Le chef du Hezbollah, mouvement chiite libanais et allié de l’Iran, Hassan Nasrallah, s’est lui exprimé auprès d’Al-Manar, chaîne télévisée financée par l’organisation. «Apporter le juste châtiment aux assassins criminels [...] sera la responsabilité et la tâche de tous les résistants et combattants à travers le monde», a-t-il prévenu.

Dominic Raab, ministre britannique des Affaires étrangères, a mis en ligne un communiqué de presse exhortant le Royaume-Uni à «résister aux actions belliqueuses et à la rhétorique venant des États-Unis». «Nous avons toujours reconnu la menace agressive posée par la force iranienne Qods dirigée par Qassem Soleimani. Après sa mort, nous exhortons toutes les parties à la désescalade. Un autre conflit n'est aucunement dans notre intérêt» a-t-il encore insisté.

La porte-parole du gouvernement allemand Ulrike Demmer a qualifié, lors d’une conférence de presse à Belin, l’opération américaine de «réaction à une série de provocations militaires dont l'Iran est responsable». «Nous regardons également avec une grande inquiétude les activités de l'Iran dans la région. Nous sommes face à une escalade dangereuse» a-t-elle toutefois concédé.

Les Etats-Unis partagés

Les réactions Outre-Atlantique ont été plus mitigées. Si les républicains ont été prompts à se féliciter de l’opération, les démocrates se sont montrés plus réservés à moins d’un an de l’élection présidentielle. «J'apprécie l'action courageuse du président Donald Trump contre l'agression iranienne. Message au gouvernement iranien : si vous en voulez plus, vous en aurez plus» a confié sur Twitter le sénateur républicain Lindsey Graham, proche de Donald Trump. «Si l’Iran continue d’attaquer les Etats-Unis et [ses] alliés, ils devront payer le plus lourd des tributs, ce qui inclut la destruction de ses raffineries. Au gouvernement iranien : si vous voulez rester dans le commerce de pétrole laissez les Américains et [leurs] alliés tranquilles et arrêtez d’être l’Etat qui soutient le plus le terrorisme dans le monde», a ajouté l’élu de Caroline du Sud.

Même son de cloche chez le sénateur républicain Marco Rubio, toujours sur le réseau social : «L’action défensive que les Etats-Unis ont mené contre Iran et ses mandataires est conforme aux avertissements clairs qu’ils ont reçus. Ils ont choisi d’ignorer ces avertissements croyant que le président des Etats-Unis ne pourrait pas agir à cause de nos divisions politiques internes. Une erreur de jugement».

Les démocrates qui ont approuvé le mois dernier à la Chambre basse du Congrès le renvoi du président en procès pour destitution se sont montrés plus mesurés. «Le président Trump vient de jeter un bâton de dynamite dans une poudrière et il doit au peuple américain des éclaircissements sur la stratégie et le plan visant à protéger nos soldats et notre représentation diplomatique sur place», a déploré l’ancien vice-président Joe Biden, en lice pour la primaire démocrate, dans un communiqué.

Des réserves partagées sur Twitter par l’autre favori de la primaire démocrate, Bernie Sanders : «La dangereuse escalade de Trump nous rapproche d'une autre guerre désastreuse au Moyen-Orient qui pourrait coûter d'innombrables vies et des milliards de dollars de plus. Trump a promis de mettre un terme aux guerres sans fin, mais cette action nous met sur la voie d’un autre conflit».

Le chef démocrate de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Eliot Engel, s’est lui inquiété dans un communiqué que le président américain n’ait pas avisé le Congrès de son opération. «Cette frappe s'est effectuée sans notification ni consultation du Congrès. Mener une action de cette gravité sans impliquer le Congrès soulève de graves problèmes juridiques et constitue un affront aux pouvoirs du Congrès […] Même si cette frappe a été réalisée en état de légitime défense, aucune autorisation actuelle du Congrès ne la couvrait et le président doit en informer le Congrès dans les 48 heures», a-t-il rappelé.

Enfin, la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, a mis en ligne un communiqué dans lequel elle a assuré que «les Etats-Unis et le monde ne peuvent pas se permettre une escalade des tensions qui atteindrait un point de non-retour».

Dans le même temps, l’ambassade américaine en Irak, cible d’une attaque le 31 décembre, a exhorté dans un communiqué de presse ses ressortissants dans le pays à le quitter «immédiatement» par «voie aérienne dans la mesure du possible, et à défaut, par voie terrestre» pour se réfugier dans «d’autres pays».

Alexis Le Meur

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