«Bientôt, ils exigeront d'arrêter de respirer»: Moscou dénonce les sanctions US contre Nord Stream 2
Les sanctions américaines contre les entreprises associées à la construction du gazoduc russe Nord Stream 2, promulguées par Donald Trump, empêchent d'autres pays de «développer leur économie», a dénoncé la porte-parole de la diplomatie russe.
Moscou a fustigé, ce 21 décembre, les sanctions américaines contre les acteurs économiques participant au projet Nord Stream 2. «Un Etat avec une dette publique de 22 000 milliards de dollars interdit à des pays solvables de développer leur économie réelle», a déclaré Maria Zakharova sur sa page Facebook, dénonçant «l'idéologie américaine [qui] ne supporte pas la concurrence mondiale».
«Bientôt, ils exigeront d'arrêter immédiatement de respirer. Et beaucoup le feront», a-t-elle poursuivi, ajoutant : «L'idéologie américaine de la vie à crédit a échoué au niveau mondial, ce qui est bien confirmé par le département du Trésor des Etats-Unis avec son nouveau "mandat d'arrêt économique".»
Konstantin Kosatchev, le président de la Commission des affaires étrangères du Conseil de la Fédération de Russie a fait savoir que Moscou devait «poursuivre la mise en œuvre du projet Nord Stream 2 en temps opportun» et ne devait «absolument pas modifier sa stratégie». «Nous devons faire tout notre possible pour que tout se déroule comme prévu. Ce que les Etats-Unis cherchent à faire en utilisant l’énergie comme arme de manière cynique, c’est de se procurer un avantage compétitif unilatéral. Les pays européens doivent dénoncer de manière décisive cette démonstration de force, ce banditisme de force.», a-t-il encore conseillé.
«Les intérêts de l'Allemagne et la position de son gouvernement sont la dernière chose dont l'administration Trump se soucie»
Le sénateur russe, Alexeï Pouchkov, a pour sa part estimé : «Pour le moment, tout ce qu’on a vu, c’est que le ministre allemand des Affaires étrangères Maas a discuté avec Pompeo de "la forte opposition des Etats-Unis à l’égard de la construction de Nord Stream 2". Ces discussions, c’est tout ce à quoi on peut s’attendre, il me semble. Mais les intérêts de l'Allemagne et la position de son gouvernement sont la dernière chose dont l'administration Trump se soucie.»
De son côté, le département de l'information et de la presse du ministère russe des Affaires étrangères évoque le franchissement d'une «ligne importante» dans la politique étrangère des Etats-Unis, en commençant à imposer des sanctions «contre leurs propres alliés». Le département considère en effet que le souhait de nuire à l’exportation russe n’est pas le seul et principal enjeu de ces mesures mais que l'intention américaine est de priver les pays européens d'approvisionnement en ressource énergétique venant de Russie.
«La volonté d'imposer à l'Europe des importations de gaz naturel liquéfié des Etats-Unis, ce qui est plus cher que le gaz acheminé par les gazoducs russes, n’est pas non plus la moindre des raisons», ajoute le département concluant que de tout point de vue, «l’Europe est perdante».
Pointant un projet qui pourrait accroître la dépendance des Européens au gaz russe, le président de la commission des relations extérieures du Sénat américain, Jim Risch, avait annoncé le 23 novembre de nouvelles sanctions contre les individus et entreprises engagés dans la construction du gazoduc. Validées par le Congrès américain près d'un mois plus tard, ces mesures punitives ont ainsi été promulguées par Donald Trump le 20 décembre.
Construit à plus de 80%, le gazoduc sous-marin qui relie la Russie à l'Allemagne est censé entrer en service fin 2019 ou début 2020 et doit permettre de doubler les livraisons directes de gaz naturel russe vers l'Europe occidentale via l'Allemagne, principale bénéficiaire du projet. Il est d'une capacité de 55 milliards de m3 par an, autant que son frère aîné, Nord Stream 1. Comme le rapporte l'AFP, quelque 18% de la consommation annuelle de gaz naturel au sein de l'Union européenne provient actuellement de la Russie via l'Ukraine.
Un Gazoduc qui oppose Washington à l'UE
Principale bénéficiaire du projet, l'Allemagne a qualifié ce 21 décembre les sanctions américaines «d'ingérence dans [ses] affaires intérieures». «Le gouvernement rejette ces sanctions extraterritoriales. Elles affectent des sociétés allemandes et européennes et constituent une ingérence dans nos affaires intérieures», a réagi Ulrike Demmer, une porte parole d'Angela Merkel dans un communiqué.
En tout état de cause, l'annonce des sanctions visant les entreprises collaborant au projet avait déjà été dénoncée la semaine précédente par l'Union européenne. Une position réitérée ce 21 décembre par la voix d'un porte-parole de l'UE.
Le 12 décembre, avant l'adoption officielle des sanctions, le commissaire européen au commerce et plusieurs ministres et hommes politiques allemands avaient, en effet, fait valoir leur position. «Par principe, l'UE s'oppose à l'imposition de sanctions à l'encontre de toute entreprise de l'UE exerçant une activité légitime», avait affirmé le commissaire européen au commerce Phil Hogan cité par l’AFP. Le ministre des Affaires étrangères allemand Heiko Maas avait, pour sa part, écrit sur Twitter : «La politique énergétique européenne est décidée en Europe et non aux Etats-Unis. Nous rejetons par principe les interventions et les sanctions extérieures ayant des effets extraterritoriaux.»
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