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Législatives en Israël : le pays s’enfonce dans une impasse politique

Après des législatives qui n'ont pas fait émerger de vainqueur clair capable de former une coalition, Israël se retrouve de nouveau dans une impasse institutionnelle. Reuven Rivlin doit maintenant choisir qui aura la charge de former le gouvernement.

La commission électorale israélienne a annoncé, ce 20 septembre, les résultats quasi définitifs des élections législatives qui se sont déroulées dans la semaine. D’après ces premiers chiffres, la formation centriste Bleu-blanc, emmenée par Benny Gantz et Yaïr Lapid, arrive en tête avec 33 sièges contre 31 pour le Likoud du Premier ministre sortant Benjamin Netanyahou. Chacun des deux camps aura donc échoué à accentuer son avance sur l’autre en vue de la formation d’une coalition gouvernementale, les résultats étant semblables à ceux des dernières législatives du mois d’avril.

Derrière les deux mastodontes, la Liste unifiée des partis arabes israéliens obtient 13 sièges, talonnée par le parti ultra-orthodoxe Shass (neuf élus). La formation nationaliste Israel Beytenou, de l’ancien ministre de la Défense Avidgor Lieberman, comptera huit députés, à égalité avec les ultra-orthodoxes de Judaïsme unifié de la Torah. Suivent la liste de la droite radicale Yamina (sept députés), le parti travailliste (six députés) et enfin la liste de gauche Camp démocratique (cinq élus). A noter que la commission électorale doit encore décompter les résultats de 14 bureaux de vote dans lesquels des irrégularités ont été constatées.

Le pays à nouveau dans l’impasse

Mais comme en avril lors des dernières élections, aucun des deux camps n’est en mesure de former une coalition gouvernementale en atteignant la barre fatidique des 61 députés. Benny Gantz et ses alliés de la gauche, auxquels pourraient s’ajouter les partis arabes, obtiendraient 57 sièges tandis que Benjamin Netanyahou, soutenu par la droite et les religieux, ne réunirait que 55 députés. Des chiffres très proches de ceux observés lors du dernier scrutin.

En avril, l'ancien ministre des Affaires étrangères avait préféré dissoudre la Knesset plutôt que de voir le président, Reuven Rivlin, confier à son opposant la possibilité de former une coalition. Un scénario qui, s’il se reproduit, entraînerait Israël dans une crise politique sans précédent. C’est pourquoi les deux leaders ont plaidé, le 19 septembre, pour un gouvernement d’«union nationale». Une main tendue acceptée par Benny Gantz à une seule condition : que Benjamin Netanyahou soit exclu du gouvernement.

Au milieu des tractations, le leader d’Israel Beytenou, Avigdor Lieberman, ancien ministre des Affaires étrangères, se retrouve dans le rôle d’arbitre. Il pourrait à lui seul faire en sorte que l’un des deux partis obtienne cette fameuse majorité. Mais celui qui est né en URSS, dans la République socialiste de Moldavie, ne semble pas vouloir donner son blanc-seing à un des candidats. «Nous n’avons qu’une seule option : un gouvernement large, libéral, national, constitué de d’Israel Beytenou, du Likoud et de Bleu-blanc», a-t-il déclaré devant ses soutiens réunis à Jérusalem. L’ancien ministre des Transports semble vouloir jouer la carte du non alignement et se positionne donc comme un faiseur de roi. Dans cette éventualité, il pourrait bien faire son retour au gouvernement.

Entente impossible entre les deux leaders

Mais la solution proposée par Avidgor Lieberman ne semble pas ravir le leader de Bleu-blanc, qui craint d’être phagocyté par celui qui détient le record de longévité, 13 ans, à la tête de l’Etat d’Israël, devant l’historique David Ben Gourion. «Le parti Bleu-blanc que je dirige a remporté les élections […] Je vais former ce gouvernement et j’en prendrai la tête […] Nous écouterons tout le monde mais n’accepterons pas qu’on nous dicte des choses», a précisé Benny Gantz le 19 septembre, comme un message adressé à son adversaire.

Par ailleurs, les deux hommes s’opposent sur beaucoup de sujets, ce qui rend très improbable la constitution d’une large coalition. Tout d’abord en termes de politique internationale. Si ceux-ci s’accordent sur le fait que l’Iran représente la menace majeure pour l’Etat hébreu dans la région, Benny Gantz s’est dit ouvert à des concessions, notamment territoriales, envers les Palestiniens, tant que celles-ci ne portent pas atteinte à la sécurité d’Israël. De son côté, celui qui a été ministre des Finances sous Ariel Sharon s’était engagé, quelques jours avant le scrutin, à annexer une partie de la Vallée du Jourdain et avait même légalisé la colonie sauvage de Mevoot Yericho.

De plus, le leader de Bleu-blanc a axé une importante partie de sa campagne sur la lutte contre la corruption. Or, Benjamin Netanyahou est lui-même empêtré dans plusieurs affaires de corruption qui pourraient bien le conduire derrière les barreaux s’il ne réussit pas à se maintenir à la tête du pays. Enfin, la liste des partis arabes, qui se pose comme la troisième force politique du pays, a clairement annoncé vouloir barrer la route du Premier ministre sortant qui avait été qualifié par Ayman Odeh de «psychopathe sans limites qui veut voir du sang» et de «délinquant méprisable» le 11 septembre sur Twitter. Mais Bleu-blanc n’est pas encore assuré d’obtenir le soutien de la liste des partis arabes. Ces derniers n’ont en effet pour le moment pas indiqué s’ils soutiendraient Benny Gantz, qui était chef de l’armée lors de la guerre de Gaza en 2014.

Il incombe donc à Reuven Rivlin de nommer un des deux candidats pour tenter de former une coalition. Les consultations débuteront le 22 septembre, au lendemain du shabbat, et chacun des partis devra proposer un potentiel Premier ministre en mesure de construire cette alliance pour enfin sortir le pays de l’impasse politique dans laquelle il se trouve depuis le début de l’année.

Alexis Le Meur

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