La Knesset ou la prison ? Législatives cruciales pour Benjamin Netanyahou

La  Knesset ou la prison ? Législatives cruciales pour Benjamin Netanyahou  © Ahmad Gharabli Source: AFP
Une femme passant devant une affiche de campagne de Benjamin Netanyahou, dans la ville d'Haïfa, le 4 avril 2019, à 5 jours des élections législatives.
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A l'approche des législatives en Israël, le Premier ministre sortant, Benjamin Natanyahou, pourrait être dans l'impossibilité de former une coalition. En outre, s'il ne les remporte pas, il pourrait risquer une condamnation à de la prison ferme.

«Bibi» rempilera-t-il ? Les électeurs israéliens, au nombre de 6,3 millions, sont appelés aux urnes le 9 avril prochain afin d’élire les 120 députés de la Knesset, leur parlement monocaméral national. Premier ministre sortant, Benjamin Netanyahou, 69 ans dont 13 ans au pouvoir, brigue un cinquième mandat et pourrait donc dépasser, mi-juillet, le record de longévité à ce poste établi par David Ben Gourion, chef du gouvernement de 1948 à 1954 et de 1955 à 1963. A l'issue du scrutin, il incombera au président Reuven Rivlin de choisir, parmi les députés, celui ou celle qui aura la charge de former une coalition gouvernementale. Aucun parti, dans la courte histoire institutionnelle israélienne, n’a jamais réussi à obtenir seul les 61 sièges (sur 120) nécessaires à la constitution d’une majorité absolue à la Knesset. Les gouvernants sont donc soumis à des logiques de blocs politiques.

L’exercice se révèle périlleux pour le Premier ministre sortant, visé par de multiples affaires de corruption, ayant vu sa coalition se déliter ces derniers mois comme l'illustre la démission du ministre de la Défense Avigdor Lieberman, en novembre 2018, et du départ de toute sa formation du gouvernement, Israel Beytenou, laissant Benjamin Netanyahou avec le minimum de sièges pour préserver la majorité (61 sièges) à la Knesset. Ces défections ont forcé la coalition gouvernementale à dissoudre le Parlement et à organiser des élections anticipées. Une procédure récurrente dans le pays puisque depuis 1988 aucun gouvernement n’est arrivé au terme de son mandat.

La recherche d’une coalition

On compte pour cette élection une quarantaine de listes enregistrées, soit des centaines de candidats aux idéologies diverses et variées. Le principal parti du pays, le Likoud, dirigé par Benjamin Netanyahou, qui dispose de 30 sièges dans la Knesset sortante, ne sera vraisemblablement pas en mesure de gouverner seul. Le natif de Tel-Aviv pourra compter sur Naftali Bennett, 46 ans, ministre sortant de l’Education et Ayelet Shaked, 42 ans, ministre de la Justice. Ardents défenseurs de la colonisation des territoires palestiniens occupés, ils ont quitté le parti religieux Foyer juif pour créer la Nouvelle droite et seront de fait des alliés naturels de Benjamin Netanyahou. Leur coalition accueillerait également la liste Droite unie, formée du Foyer juif, parti classé à l’extrême droite et de l’Union nationale, un parti nationaliste religieux. Enfin, les ultra-orthodoxes de Shass et Judaïsme unifié de la Torah, représentant les Haredims (les ultra-orthodoxes), soit 10% de la population, soutiendront Benjamin Netanyahou tant qu’il défendra, à leurs yeux, les intérêts particuliers de la communauté comme l’exemption de service militaire.

Pour s’opposer au Likoud, l’ancien chef d’état-major entre 2011 et 2015, le général Benny Gantz, âgé de 59 ans et nouveau venu en politique. Allié avec Yaïr Lapid, chef du parti Yesh Atid (11 sièges), au sein du mouvement Bleu-blanc, classé au centre, il se pose en rassembleur contre le système de corruption et les divisions de la société israélienne dont Benjamin Netanyahou est, selon lui, responsable. Parmi les cinq derniers sondages autorisés avant l’élection, quatre créditent Bleu-blanc de plus de sièges que le Likoud (entre 28 et 32 contre 26 ou 27) et un seul place le parti au pouvoir en tête avec 31 sièges, contre 30 pour leur principal opposant. Néanmoins, même si Bleu-blanc remportait plus de sièges que son rival, il sera très difficile pour l’alliance de former un gouvernement au vu de la relative faiblesse des forces politiques opposées au Likoud.

Le Parti travailliste, mené par Avi Gabbay, autrefois dominant, est de son côté crédité d’une dizaine de sièges, contre les 24 obtenus en 2015 lors de leur alliance avec Hatnuah, formation de centre-gauche. Restent les partis arabes, représentant les Israéliens arabes (17,5% de la population), qui avaient obtenu 13 sièges lors des dernières élections, constituant alors la troisième force du parlement. Unis en 2015, ils se présentent cette fois sur deux principales listes : Hadash-Taal, menée par Ayman Odeh et Ahmed Tibi, et Raam-Balad. Ils excluent de participer à une formation gouvernementale.

La sécurité au cœur de la campagne

De nombreux facteurs d’incertitude incitent les analystes à la plus grande prudence, notamment l'indécision de nombreux électeurs. Selon un sondage conduit pour le quotidien Israel Hayom, pro-Netanyahou, 28% des personnes interrogées ne savent pas encore si elles voteront pour la droite, la gauche ou le centre. Autre inconnue : plusieurs listes incluses dans la potentielle coalition de droite pourraient ne pas atteindre le seuil de 3,25% des voix nécessaire pour disposer de sièges.

Parmi les préoccupations principales des Israéliens figure la sécurité. Dans un contexte régional sous haute tension, les Israéliens se sentent menacés par le Hamas palestinien à Gaza, le Hezbollah au Liban et l’Iran. Par conséquent, le Premier ministre sortant s’est positionné durant la campagne en homme fort de la nation. Les rencontres de Benjamin Netanyahou avec Donald Trump, Vladimir Poutine mais aussi Jair Bolsonaro – se fendant au passage d’une vidéo avec Neymar –, très médiatisées, peuvent en partie être vues à travers ce prisme. Les signaux internationaux positifs pour Israël se sont d'ailleurs multipliés récemment, comme la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan syrien occupé.

Pour renforcer cette image d'homme fort, Benjamin Netanyahou présente Benny Gantz et sa formation comme un agglomérat de forces politiques trop timorées sur les questions sécuritaires. Pour le Premier ministre sortant, l’élection se résume en un slogan, «Bibi ou Tibi», en référence au député arabe israélien Ahmad Tibi, ancien conseiller du leader de l’OLP et du Fatah Yasser Arafat mort en 2004, qui pourrait selon lui soutenir une coalition menée par Benny Gantz. Un scénario pourtant jugé très invraisemblable. 

En outre, face à l’ancien chef d’état-major, tête de liste deBleu-Blanc, ainsi qu’aux deux anciens commandants des armées placés en troisième et quatrième place de cette liste, l'angle d'attaque de Benjamin Netanyahou, consistant à présenter ses adversaires comme des potentiels dirigeants faibles, s’avère difficile.

Autre sujet central et constant dans la vie politique israélienne : la question palestinienne. Benjamin Netanyahou réfute la solution dite «des deux Etats», impliquant la création d’un Etat palestinien. Quant à l’alliance Bleu-blanc, elle préconise une «séparation» avec les Palestiniens sans aborder la «solution à deux Etats».

Par ailleurs, un récent sondage de l'Institut de la démocratie en Israël indique que pour un quart des Israéliens la considération principale au moment de voter sera la position des candidats sur les questions socio-économiques. Malgré un chômage très bas et une inflation quasi-nulle, plus de 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Elections à risques pour Netanyahou

A ces thématiques de campagne s’ajoutent les déboires judiciaires de Benjamin Netanyahou. Le Premier ministre est en effet soupçonné de corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires. Il clame son innocence et dénonce une «chasse aux sorcières».

Si le peuple israélien ne confirme pas Benjamin Netanyahou dans les urnes, les prochains mois pourraient être un chemin de croix pour ce dernier, qui risque une condamnation à de la prison ferme. Dans une interview accordée au Times of Israël, Yaïr Lapid analyse : «Si [Benjamin Netanyahou] gagne, il aura la durée du mandat pour [les] faire stopper.» Il ajoute que ce dernier «veut le pouvoir parce que le pouvoir lui permettrait de se sauver. En ce qui le concerne, s’il n’accède pas au pouvoir, il finira en prison». Rappelons qu’Ehud Olmert, Premier ministre d’Israël entre 2006 et 2009, avait été condamné à 18 mois de prison ferme pour corruption, puis incarcéré en février 2016. Il a été libéré le 2 juillet 2017 après avoir effectué les deux tiers de sa peine.

Entre la centralité de ses affaires de corruption supposée et l'insistance du Premier ministre à apparaître comme l'homme fort et protecteur de la nation israélienne, ces élections législatives pourraient apparaître, avant tout, comme un plébiscite ou un rejet de la personne de Benjamin Netanyahou.

Alexis Le Meur

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