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Iran : des comptes de médias et personnalités de langue farsi suspendus par Twitter

Le réseau social a décidé de bloquer les comptes du plusieurs personnalités et médias de langue farsi. Twitter invoque pour se justifier «le harcèlement coordonné [...] de la communauté bahaïe», mais les médias incriminés ne sont pas convaincus.

Plusieurs médias iraniens parmi lesquels l’agence de presse privée iranienne Tasnim, s'affirmant liée au ministère de la Défense du pays, parfois décrite comme un organe «semi-officiel» de Téhéran, ou PressTV, média de langue anglaise et française appartenant à l’entreprise d’Etat Islamic Republic of Iran Broadcoasting, ont fait état, le 20 juillet, de la suspension par Twitter de plusieurs comptes de médias de langue farsi, l’idiome majoritaire du pays.

Lorsque l’on tente d’accéder aux comptes en question, un message s’affiche : «Compte suspendu Twitter suspend les comptes qui enfreignent les Règles de Twitter.» Ces fermetures temporaires concernaient l’agence de presse officielle Irna, le Club des jeunes journalistes (YJC), détenu lui aussi par l’Islamic Republic of Iran Broadcoasting tout comme l’agence de presse Mehr.

Néanmoins, si les comptes en farsi de ces agences étaient bien clôturés momentanément, ceux en anglais ou en français étaient encore fonctionnels. Mehr a précisé sur son site en anglais qu’elle ne comprenait pas la raison de cette suspension ajoutant que Twitter «n’avait pour le moment fait aucun commentaire sur la violation des règles en question». Le YJC, qui publie en quatre langues (farsi, arabe, afghan et anglais), et qui ne disposait que d’un seul compte Twitter, a dénoncé, sur son site en anglais cette suspension, affirmant que «les agences ciblées n’avaient aucune autre vocation que celle de publier des informations».

Mais les médias n’ont pas été les seuls visés puisque le YJC dresse, dans un article mis en ligne dans sa version en langue perse, une liste des nombreuses personnalités qui ont également vu leurs comptes suspendus. Parmi elles, Alireza Zakani, ancien député conservateur, Nafiseh Sadat Moosavi, une poétesse ou Mahmoud Alizadeh-Tabatabaei, un avocat influent en Iran qui a notamment travaillé au service de la famille de l’ancien président Hachemi Rafsandjani.

Les médias iraniens pas convaincus par la justification de Twitter

De son côté, contacté par l’AFP, un responsable du réseau social a justifié ces suspensions par «le harcèlement coordonné et ciblé de membres de la communauté bahaïe [mouvement religieux messianique issu du chiisme] mené par ces organes», note l’agence de presse. Le bahaïsme est une religion fondée en 1836 par le Persan Mirza Husayn Ali Nuri. Elle revendique 7 millions de fidèles dans le monde, dont 300 000 en Iran, mais n’est pas reconnue par Téhéran comme une minorité religieuse à la différence du judaïsme, du christianisme ou du zoroastrisme, tous trois antérieurs à l’islam. Leurs centres spirituels se trouvent à Haïfa et Acre en Israël.

L’agence Mehr pense de son côté avoir été sanctionnée après un article sur l'arraisonnement du tanker Stena Impero dans le détroit d'Ormuz. «Depuis la nuit dernière, suite à la publication d'un article sur un pétrolier britannique arraisonné par le Corps de la Garde révolutionnaire iranienne (IRGC) dans le détroit d'Ormuz, le site de réseau social Twitter a suspendu l'accès aux deux comptes de la Mehr News Agency (MNA) et à des comptes en langue farsi», pouvait-on lire sur son site en anglais.

Le site du YJC se posait lui, dans sa version iranienne, la question de savoir qui était derrière cette interdiction. «La question qui est posée ces jours-ci dans le cyberespace, et en particulier sur Twitter, est de savoir qui est derrière la fermeture des comptes d'utilisateurs iraniens dans les réseaux virtuels», s'est demandé YJC arguant l'hypothèse qu’il pourrait s’agir de signalements dirigés par «une personne à l’étranger […] qui se présente comme un spécialiste des médias et des réseaux sociaux […] un étudiant diplômé en informatique qui avait quitté l’Iran en 2003». Le YJC a également précisé que cette personne en question avait récemment «mis en ligne un article en anglais qui perturbait les applications iraniennes sur iOS et avait provoqué le crash de nombreuses entreprises et start-ups iraniennes».

Une situation explosive

Ces événements interviennent alors que les incidents se multiplient dans le détroit d’Ormuz entre les Etats-Unis et l’Iran. Cette zone stratégique par laquelle transite une partie importante du brut mondial transporté par voie maritime, est le théâtre depuis plusieurs semaines d'une recrudescence des tensions  entre les deux nations.

 Le 13 juin, deux pétroliers, dont un japonais, avaient été attaqués en mer d’Oman, alors que le Premier ministre nippon était en visite en Iran. A la suite de l'incident, les deux camps s’étaient mutuellement accusés. Le 28 juin, l’Iran déclarait  avoir abattu un drone américain qui survolait son espace aérien. Les Etats-Unis s’en étaient défendus assurant que l’appareil se trouvait dans l’espace international mais avaient été contredits par Nikolaï Patrouchev, secrétaire du Conseil de sécurité pour la Russie. La République islamique avait décidé de porter plainte devant ce même Conseil de sécurité de l'ONU.

Le 18 juillet dernier, Donald Trump avait annoncé que l’USS Boxer avait abattu un drone iranien lors «d’une action défensive», ce que la République islamique avait fermement contesté, se demandant si les Américains n’avaient pas eux-mêmes détruit l’appareil. Les Gardiens de la révolution avaient par ailleurs diffusé, le lendemain, des images réfutant, d’après eux, les allégations américaines. De plus, le même jour, plusieurs médias américains avaient révélé le déploiement de 500 soldats étasuniens sur le sol saoudien, une première depuis l’invasion de l’Irak en 2003. L’information avait été confirmée par le ministère saoudien de la Défense, cité par l'agence de presse officielle SPA, ainsi que par le commandement central des forces américaines dans un communiqué.

Enfin, le lendemain, les Gardiens de la révolution annonçaient avoir «confisqué» un pétrolier britannique, le Stena Impero, dans le détroit d'Ormuz. Les Européens avaient pour leur part exhorté la République islamique à libérer le pétrolier.

Alexis Le Meur

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