Retrouvez l'intégralité de l'interview du journaliste russe Ivan Golounov à RT

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Le journaliste d’investigation russe Ivan Golounov, a été arrêté par la police le 6 juin dernier, puis libéré quelques jours plus tard, après avoir suscité un large mouvement de soutien. RT l'a interviewé.

RT (Ilia Vassiounine, journaliste de RT) : Félicitations pour ta libération. Tu as passé toute la journée à la direction d’enquête principale du ministère de l'Intérieur. Que peux-tu dire sur ce qui s’est passé et quelles sont les dernières nouvelles sur l'affaire Golounov ? Parce que beaucoup de gens ont traditionnellement le sentiment qu’après le tollé général qui semble s'apaiser, les choses peuvent s’enliser. Que peux-tu dire de ce qui s’est passé aujourd’hui ?

Ivan Golounov : L’affaire évolue assez rapidement. Aujourd’hui, samedi, j’ai passé presque toute la journée à la Direction d’enquête principale, j’ai répondu à leurs questions. Voilà. Ça avance assez activement. Demain j’y retourne.

RT : C’est-à-dire qu'ils enquêtent non seulement sur la situation liée à l’introduction de la drogue dans tes affaires, mais aussi en général, ils essayent d'arrêter les personnes qui ont, en quelque sorte, fabriqué toute cette situation, je comprends bien ?

IG : Oui, dans l’ensemble oui, dans l’ensemble les questions concernent la situation, ce qui s’est passé, qui a fait quoi, et ainsi de suite.

RT : Tu as probablement raconté cela plusieurs fois. On devait se rencontrer avec toi, en fait…

IG : Et voilà, nous nous rencontrons finalement.

RT : Dix jours plus tard, comment ont évolué les événements ? Peux-tu revenir dessus ?

IG : Euh, je me rendais à ma rencontre avec toi, il ne me restait que quelques centaines de mètres à parcourir quand quelqu’un est arrivé de derrière en courant, des jeunes gens en civil. Ils ont dit qu’ils étaient de la police criminelle, que j’étais en état d’arrestation, et que je devais moi-même comprendre pourquoi. Sans plus de détails. Ils m’ont mis les menottes, ils ont sorti mon téléphone de mon jean, ils ont exigé que je le débloque, j’ai refusé, ils m’ont embarqué dans la voiture. Après cela ils m’ont montré leurs cartes de police ; un peu plus tard, ils ont dit qu’ils étaient de la police anti-drogue.

RT : Et ensuite vous êtes allés à la Direction des affaires intérieures du district Ouest de Moscou ?

Oui, cette arrestation s’est déroulée dans le district central de Moscou, mais pour une raison que j’ignore, on est allés à la Direction des affaires intérieures du district Ouest, ils ont dit que peu importait où ils travaillaient, l’important était qu’ils travaillent dans leur domaine.

RT : Ton téléphone était injoignable, puis il s’est allumé à un moment donné. Ont-ils essayé de le manipuler ?

IG : Ce sont des détails intéressants pour le procès, pour les enquêteurs, parce qu’ils ont éteint le téléphone, et à ce que je sache il n’a plus été allumé. En tout cas ils ne connaissaient pas les codes pour le débloquer, le téléphone n’a pu être allumé qu’après ma libération, quand j’ai recréé une carte SIM, car le téléphone a été envoyé pour expertise.

RT : De quoi ont-ils parlé ? Comment se sont passées les premières heures ? Ils ont appelé un avocat, ou non ? Ils t’ont donné à boire à manger ? A quoi cela ressemblait-il ?

IG : En fait, j’ai passé les premières heures les mains derrière le dos, attachées avec des menottes. Nous sommes arrivés dans le bâtiment de la direction des affaires intérieures du district Ouest, j’ai dit que je voulais informer de mon arrestation mes proches, mes collègues et toi, car si ça se trouve tu étais encore en train de m’attendre ; tu as attendu environ une heure, à ce que je sache. Et finalement, j’ai dit que si nous devions réaliser des procédures, j’avais besoin d’un avocat. Ce à quoi on m’a dit que non, ici c’est une mesure d’enquête, nous ne devons rien annoncer à personne, seul l’enquêteur peut appeler un avocat après que le protocole d’interpellation aura été présenté. Que je n’avais pas besoin d’avocat à d’autres moments car je pourrais prévenir les complices et ils allaient détruire toutes les preuves.

RT : As-tu signé quelque chose ? Comment évoluaient les événements ? Ils t’ont fait signer un protocole ? Ils t’ont posé des questions ?

IG : Je disais constamment que je veux informer de mon arrestation ma famille, que je veux un avocat, j’ai donné le nom de mon avocat, mais on m’a dit que non, aucun appel n’était possible et ainsi de suite. J’ai refusé de réaliser quelque procédure que ce soit sans avocat, je n’ai rien signé, la seule chose que j’ai signée c’est quand nous sommes allés dans un autre organisme, dépendant du département de la Santé, quand nous sommes allés au point d’examens médicaux. C’est un point d’examen médical des conducteurs,  il y a beaucoup de caméras, la surveillance est très stricte, donc j’ai décidé qu’ici ce serait plus difficile pour eux de détruire des preuves. D’ailleurs, en passant, aucun des documents que j’ai signés ne figurent dans le dossier, et il n’est mentionné nulle part que nous sommes allés là-bas avant ma libération, ce point a été exclu. Là-bas sur tous les documents, notamment sur les scellés où je devais signer, j’ai écrit partout qu’on m’empêche d’être représenté par un avocat, qu’on n’informe pas ma famille de l’endroit où je me trouve, que je considère les actions des policiers comme illégales, et que j’exige d’appeler une brigade de police pour attester de ce fait, et engager les procédures suivantes.

RT : Ces documents sont absents du dossier ?

IG : A ce que je sache, oui.

RT : Et tout ça au cours d’une soirée ?

IG : Tout cela s’est passé de 14h35 environ, le moment où on m’a arrêté, cela a duré toute la soirée, le matin suivant, le lendemain, le soir suivant, je n’ai pas dormi 42 heures.

RT : La perquisition  avait déjà eu lieu le matin ?

IG : La perquisition s’est déroulée le soir de mon arrestation. On m’a arrêté, on m’a emmené à la direction des affaires intérieures du district Ouest, ce n’est que là qu’on a réalisé une inspection de mes effets personnels, dans mon sac à dos on a découvert un sachet. Ils ont ouvert la poche principale du sac à dos et au-dessus, tout en haut, caché derrière un bloc-notes se trouvait un sachet avec des petits ronds colorés. Ensuite nous sommes allés prendre les empreintes digitales, j’ai dit que je ne les donnerais pas, enfin que j’étais prêt à le faire mais uniquement en présence d’un avocat. Là-dessus quelqu’un a proposé qu’on m’attrape les mains menottées et qu’on les prenne de force. J’ai crié… j’étais assez actif, j’ai répété la même chose concernant mon avocat et ma famille, etc. L’experte était un peu effrayée,  elle a dit que ce n’était pas possible et que le bout des doigts doit être mou. Alors on m’a emmené au point d’analyse médicale, et après à l’endroit où se déroulait la perquisition.

RT : Concernant la soi-disante « perquisition »… Si je comprends bien les policiers sont d’abord montés dans ton appartement avec tes clés, et tu toi tu attendais en bas ?

IG : Je ne suis pas au courant de ça. Nous sommes allés en voiture à l’examen médical, là-bas il y a eu un esclandre, les policiers m’ont traîné dans les escaliers, je me suis cogné. Après tout ça on est arrivés à l’adresse en question. Les policiers ont appelé quelqu’un,  on leur a dit : « On n’est pas encore arrivés, éloignez-vous de l’entrée de l’immeuble ». On s’est éloignés, on s’est garés à plusieurs endroits différents après avoir reçu des coups de fil car on n’était pas garés comme ils voulaient, apparemment ils nous voyaient, ou peut-être qu’ils ne nous voyaient pas mais étaient pressés d’arriver jusqu’à nous. Nous avons attendu environ une demi-heure, puis on a reçu un appel, on nous a dit d’approcher. Nous y sommes allés, il y avait déjà plusieurs voitures de police. Ensuite nous sommes montés dans l’appartement accompagnés d’une partie des policiers. Ils avaient les clés, mes clés avaient été saisies lors de l’inspection, nous sommes arrivés à l’appartement, un des policiers avait un gros trousseau d’environ 20 clés, il a rapidement identifié la bonne clé, et a ouvert la porte du premier coup. Voilà. Ensuite il a lu l’ordre de perquisition. Nous sommes entrés dans l’appartement, j’ai calmé le chien, et la perquisition proprement dite a commencé.

RT : Le chien était là tout le temps ?

IG : Le chien était dans l’appartement.

RT : La perquisition, ce fameux sachet supplémentaire…

IG : Un sachet supplémentaire, et même une balance pour qu’on puisse m’accuser de « trafic ».

RT : Si je comprends bien, ils ont recouru à la force quand tu as refusé l’examen médical ?

IG : C’était le moment principal, la première fois c’était, j’ai pas trop compris pourquoi, j’ai dit que je n’irais nulle part, et que je resterais ici tant que je ne serais pas en présence de mon avocat ou que n’arriverait une patrouille de police, ce qui est assez amusant prononcé dans un commissariat, d’appeler une patrouille de police. J’ai dit « Je n’irai nulle part, vous pouvez me porter ». Ca a énervé un agent, et il m’a frappé à deux reprises au visage. Je n’ai pas compris à quoi c’était lié, je ne crois pas que ce soit une phrase super insultante. Ensuite, quand j’étais dans l’établissement médical où il y avait beaucoup de caméras, j’ai expliqué la situation au docteur, j’ai dit que personne n’était au courant de mon interpellation, que je n’avais pas droit à un avocat, et j’ai demandé d’appeler la police pour enregistrer cette situation, qu’on m’envoie en chambre de sûreté dans l’attente de mon avocat et qu’on continue ensuite. Voilà. Le docteur n’a pas réagi. Les policiers ont commencé à me traîner, je me suis agrippé à un banc, à des objets, à une rampe dans l’escalier, à un moment nous sommes tombés, ils m’ont traîné dans les escaliers, ma montre a été arrachée. Si ça se trouve elle y est toujours, j’aimerais bien la récupérer. Voilà. Ensuite ils m’ont traîné dans la rue. Un policier est  allé chercher la voiture pour l’approcher, le deuxième m’a marché sur la poitrine. Voilà. Nous avons attendu la voiture dans cette posture. Ensuite ils m’ont pris par les pieds et par les mains et m’ont jeté sur le siège arrière de la voiture.

RT : Est-ce que tu ressentais de la peur ? Ou plutôt de la colère ?

IG : Je pense que ni l’un, ni l’autre. En fait j’avais un but. Je voulais un avocat. J’étais conscient qu’ils pouvaient introduire quelque chose dans mes affaires à mon insu, donc je devais être sur le qui-vive. Je n’éprouvais pas d’émotions comme la peur, la colère ou autre. On avait des discussions,  oui, on était en colère, ils essayaient de me dire « Si tu coopères, ça ira mieux pour toi », je leur ai dit de ne pas se lancer dans le thème de notre rencontre, car on ne trouverait pas clairement de compromis, soit on se tait, soit on parle du temps qu’il fait. 

RT : En te souvenant des événements, peux-tu dire que tu as commis des erreurs ? Ou que tu aurais pu agir plus efficacement ?

IG : Je n’avais pas vraiment conscience de ce qui se passait. Je ne vois pas d’erreur de mon côté, je n’avais aucune réflexion sur le fait que j’aurais pu faire quelque chose d’incorrect.

RT : Comme tu le dis, les enquêteurs sont maintenant plongés dans ton affaire, ils étudient... et prennent des mesures. As-tu toi-même une version sur la personne qui pourrait être impliquée dans cette situation, peux-tu donner des noms de famille ?

IG : Les policiers n’ont fait aucune allusion à ce sujet. A part des phrases mystérieuses comme : « Comme si tu ne savais pas pourquoi on t’a arrêté ». Je vois un lien avec mon activité professionnelle, les drogues c’est quelque chose d’assez absurde pour moi car je n’ai jamais eu de ma vie d’expérience liée aux drogues, ni consommation, ni stockage, ni trafic.  Si c'était une accusation plus crédible, j'éprouverais peut‒être des émotions, mais ici je me suis concentré en quelque sorte, et je n'avais pas d'émotions. Nous savons que l’article 228 (1). est souvent utilisé, il y a souvent des histoires d’introduction subreptice de drogues et ainsi de suite, dans mon cas, j'ai eu une version, et elle existe toujours, selon laquelle c'est un hasard, mais plus tard j'ai appris que ça avait été préparé par les employés depuis longtemps, que je n'étais pas un passant fortuit dans cette histoire, et en conséquence, c’est probablement à cause de mon activité professionnelle : soit à cause d’articles déjà sortis, soit de ceux en préparation.

RT : On a donc suivi ton travail ? On voulait empêcher la parution d’articles, c'est ça ?

IG : C’est possible. Il me semble juste que d'habitude, après la parution d’un article, il est assez étrange de lever les poings au ciel, sauf si c’est une sorte de vengeance étrange. Habituellement, si des mesures sont prises, c’est afin d'empêcher quelque chose, et non de se venger. Je travaillais sur les entreprises de pompes funèbres à Moscou et leurs liens avec certaines forces de sécurité.

RT : Est-ce la version que tu as évoquée au tribunal?

IG : C'est y compris la version que j'ai évoquée au tribunal. C'est le texte sur lequel je travaillais et que j'ai donné pour correction deux heures avant notre rencontre avec toi et l’arrestation. 

RT : Qu'adviendra-t-il de ce texte?

IG : Le travail continue. Pendant que j'étais en résidence surveillée, un collectif d'auteurs de 12 journalistes d'investigation de quatre journaux s'est réuni pour vérifier mes informations et recueillir plus d'informations sur ce texte. Nous aurons bientôt une réunion. Je sais tout cela en termes généraux, je n'ai pas encore vu toute l'étendue de leur travail. Mais ce sera le texte collectif d'un grand nombre de journalistes d'investigation.

RT : Les articles sur l'industrie des pompes funèbres seront donc publiés dans plusieurs médias ?

IG : Je ne sais pas encore comment ça sera publié, mais j’espère que ce sera un article écrit par une dizaine de journalistes d’investigation. Si cette version se confirme, il sera plus compliqué de travailler avec 10 personnes qu’avec une.

RT : Est-ce que tu ressens une menace pour toi, pour ta sécurité ?

IG : C’est la première fois que je me retrouve dans une telle situation. Je me sens mal à l’aise. Nous avons pris un certain nombre de mesures de sécurité.

RT : Avant cela, est-ce que tu avais le sentiment qu’on te suivait, qu’on surveillait ton appartement, ton portable ?

IG : Il y avait certains indices. Une fois, mes collègues et moi nous promenions, et ils ont remarqué qu’un homme nous suivait, bien que notre itinéraire soit assez complexe.

RT : Ce sont eux qui l’ont remarqué ?

IG : Oui, malheureusement, ce sont eux qui l’ont remarqué, et c’est ma plus grosse erreur. Par la suite j’étais plus attentif, mais je ne remarquais rien, aucune surveillance. Pourtant, comme je le sais désormais, à l’époque les policiers me suivaient déjà, et mes amis ne se sont probablement pas trompés.

RT : Ce n’était pas il y a très longtemps ?

IG : C’était à la fin avril. C’était une soirée consacrée au 20e anniversaire de Forbes où j’avais travaillé auparavant. On marchait avec mes anciens collègues, Alexandre Sazonov de l’agence Bloomberg et Igor Terentev, de la boîte Soho Rooms où cette soirée avait lieu, on se dirigeait vers la station de métro Loujniki en passant par des ruelles et des allées sinueuses. Pendant tout ce temps, un homme nous suivait et il a même pris le même train que nous. Et quand nous avons commencé à en discuter, il s’est évaporé.

RT : A l’époque tu écrivais un article sur… ?

IG : Oui, l’année passée j’ai publié un article sur ce sujet, je devais en écrire un second, et je travaillais sur cet article depuis le début février. J’ai commencé à travailler sur ce sujet avec une intensité variable. En mai, après la publication d’un nouvel article sur la fraude dans les institutions de microcrédit organisées par les ressortissants et les banques lettons, avec leur participation, je me suis mis à finaliser l’article sur l'industrie mortuaire.

RT : Est-ce que tu t’attendais à une telle réaction publique?

IG : La réaction à mon arrestation ?

RT : Oui.

IG : Non. J’ai été choqué. Avant le procès je n’étais pas au courant, parce qu’on me transpostait dans des fourgons cellulaires, et les fenêtres du bureau de l’enquêteur donnaient sur une cour. C’est seulement plus tard, quand l'affaire a été classée, que j’ai appris qu’il y avait beaucoup de gens devant le Département des affaires intérieures du District administratif ouest [de Moscou], que certaines sociétés livraient de la pizza gratuite aux gens qui étaient là-bas. Mais j’ai vu, ou plutôt entendu, un certain appui déjà au procès, quand on devait décider des mesures à mon encontre. J’étais derrière les barreaux, et à travers les fenêtres fermées on entendait des cris, des clameurs. J’ai été très ému par ça, mais avant, je n’étais pas au courant. Je pensais : « Peut-être mon histoire sera parmi les grands titres sur Yandex, puis elle sera oubliée ».  Mais j’ai été très surpris de recevoir reçu un si large soutien, j’ai été étonné et reconnaissant à tous ceux qui sont descendus dans les rues pour me soutenir.

RT : Est-ce que tu as envisagé de participer à la manifestation de mercredi ou dimanche ?

IG : Après ma libération, après le classement de l’affaire, j’essayais de récupérer le manque de sommeil, je ne lisais rien, je ne regardais pas de publications sur Internet. La première fois que j’ai allumé mon ordinateur, c’était pendant la manifestation. J’ai regardé la diffusion en direct sur la chaîne Dojd et j’ai vu des gens différents, notamment, l’écrivain Grigori Oster qui est venu me soutenir. J’ai voulu les rejoindre, j’ai commencé à m’habiller, mais on m’a dit que ça pouvait nuire à la sécurité des gens qui étaient réunis là-bas, parce que c’était une manifestation non autorisée. Donc, si les policiers s’approchent de vous, il faut dire que vous passez par-là, mais si je m’y rends, les gens commenceront à s’attrouper autour de moi, ce qui constituera un motif pour les arrêter. Donc, je voulais remercier et embrasser tout le monde, mais on m’a dit qu’il valait mieux ne pas y aller. Mais je suis très reconnaissant à tous ceux qui me soutenaient, sont allés à certaines manifestations, ont participé à d’autres activités. Je ne peux pas y croire quand on me dit qu’il y a eu une manifestation en ma faveur à Tokyo. Qu’est-ce que j’ai à voir avec le Japon ? Je n’ai même jamais visité les îles Kouriles… C’est fantastique. Je crois que c’est lié non seulement à moi, mais à une ambiance commune, quand les gens sont fatigués de ça, et il leur semble que ma situation est un cas flagrant. Ils sont descendus non seulement en ma faveur, mais plutôt pour eux-mêmes, pour montrer qu’ils n’étaient pas prêts à tolérer une telle injustice.

RT : On t’a déjà offert les journaux ? (2)

IG : Pour le moment, on ne m’a offert qu’un journal. Ils sont sortis quand j’étais en résidence surveillée, et quand mon frère m’a dit que lundi de tels numéros devaient sortir, je n’y ai pas cru, il me semblait que c’était peut-être une partie du tirage, une couverture spéciale. Je ne me souviens pas d’une situation où les trois grands journaux du pays ont fait une Une commune pour exprimer leur position consolidée. Pour le moment, je n’ai qu’un numéro d’un des journaux, je l’ai étudié avec attention pour comprendre que ce n’était pas une Une supplémentaire. Même Nikolaï Patrouchev a été déplacé en deuxième page du journal RBC – c’était un acte de soutien incroyable.

RT: Une question importante pour un journaliste : compte tenu d’un tel soutien public, d’une telle campagne publique, est-ce que tu as la tentation de devenir militant, de quitter le journalisme ?

IG : Actuellement, ma vie est assez riche en événements.  Tu as dit que j’avais été arrêté il y a dix jours – j’ai été un peu étonné en entendant cette phrase. Il me semblait que moins de temps que cela s’était écoulé. Chaque jour, quand j’étais en résidence surveillée et maintenant, j’ai des contacts avec les enquêteurs, je n’ai pas eu le temps de recoller les morceaux. Je suis très content que l’activité soit si intense, je suis prêt à le faire, mais je n’ai pas le temps de recoller les morceaux, de comprendre ce qui s’est passé et ce qu’il faut faire. J’ai un grand désir intérieur – peut-être même secret – de revenir en arrière et de faire comme si rien ne s’était passé, pour avoir la possibilité de prendre le métro sans souci et de m’occuper de mon travail que j’aime beaucoup, bien que je dise que j’en suis fatigué.

RT : Tu ne peux pas prendre le métro ? On te reconnaît dans la rue ?

IG : C’est une réponse idiote, mais oui, malheureusement, on me reconnaît. J’ai dû acheter une casquette à mon balayeur tadjik pour 500 roubles, mettre des lunettes de soleil, et ça a aidé. Quand je me retrouve dans un endroit amical et qu’on me reconnait, ça semble normal, mais quand je fume dans la rue et qu’on s’approche de moi en disant : « C’est vous ? Félicitations, nous vous soutenions beaucoup », ça m’étonne. Je n’ai pas encore conscience de l’ampleur. En ce qui concerne la perspective de devenir militant, il y a des domaines que je connais bien, notamment, comment fonctionne la ville de Moscou, les schémas de corruption, mais je connais peu l’article 228 (3). Bien que maintenant je connaisse pas mal de choses à propos des arrestations et, disons, du système de fabrication des affaires pénales. Si je peux aider quelqu’un dans ce domaine, si ma position, mon opinion importe pour quelqu’un, je suis absolument prêt à l’exprimer et à partager mes vues. Si je peux être utile, je vais le faire. Mais ce n’est pas typique pour moi de courir en criant : « C’est moi, Ivan Golounov, je vais vous emmener dans un nouveau monde ».  Je préfère que quelqu’un m’emmène dans le métro – et que tout se passe bien.

 

Notes :

(1) Sur le trafic de drogue

(2) Les journaux russes RBC, Vedomosti et Kommersantqui ont fait une Une commune en soutien à Golounov.

(3) Sur le trafic de drogue

Lire aussi : Plus de 200 arrestations lors d'une marche interdite en soutien au journaliste libéré Ivan Golounov

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