La Chine accusée d'avoir rasé une mosquée du XIIIe siècle dans une région à majorité ouïgoure
Un activiste chinois opposé aux autorités de Pékin a assuré qu'une grande mosquée dans l'est du pays avait été détruite, images satellitaires à la clé, alors que l'édifice datant de près de 800 ans est inscrit au patrimoine national.
Etudiant chinois au Canada et militant critique à l'égard de Pékin, Shawn Zhang, s'est ému le 2 avril dans un tweet de la possible destruction de la grande mosquée Aitika à Keriya dans le Xinjiang (ouest du pays), capture d'écran de photos satellites du logiciel Google Earth Pro à l'appui.
where has this mosque gone? Keriya Aitika Mosque. more than 800 year history, disappeared in early 2018 despite selected as Chinese architectural heritage in late 2017. pic.twitter.com/2BnSRe90kr
— Shawn Zhang (@shawnwzhang) 2 avril 2019
Selon les images publiées par le jeune homme, l'édifice religieux, construit au XIIIe siècle, était visible depuis le ciel en octobre 2017, mais n'apparaît plus à cet emplacement en mai 2018, ce qui laisse penser qu'il a été rasé entre temps.
This mosque was designated as a "Major Historical and Cultural Site Protected at the National Level". The demolishing requires approval from State Council.
— Shawn Zhang (@shawnwzhang) 4 avril 2019
«Cette mosquée a été désignée comme "Site historique et culturel majeur protégé au niveau national". La démolition nécessite une approbation du Conseil des affaires de l'État [organe exécutif de la RPC Ndlr.]», précise l'étudiant dans un autre tweet.
Plusieurs recherches menées sur d'autres logiciels de cartographie satellite, menées notamment par Libération et Openfacto («association francophone pour l'investigation en sources ouvertes»), aboutissent à la même conclusion. La mosquée aurait disparu des images satellites entre le 11 janvier et le 12 mai 2018.
@N_Henin - pas la date de Mars 2018 dispo mais on voit bien que ça a disparu pic.twitter.com/SEK7IDmTqI
— OpenFacto (@openfacto) 4 avril 2019
Une politique de «sinisation» des religions
Si aucun article de presse chinoise n'a pu être mis à jour pour confirmer la destruction de l'édifice et donner des indications sur la raison pour laquelle il aurait été rasé, une telle démolition pourrait s'inscrire dans la politique de «sinisation» des religions appliquée par Pékin depuis plusieurs années.
Chrétiens et musulmans du pays sont régulièrement dans le viseur des autorités chinoises qui estiment que ces cultes représentent une menace pour l'équilibre du pays s'ils ne sont pas contrôlés. Les églises et les mosquées sont ainsi interdites aux mineurs, elle doivent afficher la constitution du pays et arborer le drapeau rouge. Les cinq religions principales du pays (le protestantisme, le catholicisme, le bouddhisme, le taoïsme et l'islam), doivent par ailleurs s'affilier à des organismes étatiques pour éviter toute influence étrangère.
#Daesh publie une chanson de propagande en mandarin pour recruter des djihadistes chinois https://t.co/ScJgfEvQQRpic.twitter.com/H8COJf76lG
— RT France (@RTenfrancais) December 10, 2015
La Chine est accusée par des experts cités par l'ONU et des ONG de détentions massives de musulmans dans des camps de la région du Xinjiang, dans le cadre d'une politique d’assimilation des minorités musulmanes. Un million de personnes sont ou ont été ainsi internées selon ces sources. Pékin de son côté évoque des «centres de formation professionnelle» destinés à facilité l'employabilité de ces individus et à prévenir toute radicalisation islamiste.
Les musulmans représentent entre 1 et 2% de la population chinoise, soit à peu près 21 millions de personnes.
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