Vote du Brexit au parlement britannique : l'heure du départ va-t-elle enfin sonner ?
Les députés britanniques se prononcent pour la troisième fois sur l'accord de sortie de l'UE négocié par Theresa May, qui a réussi à convaincre les partisans d'un hard Brexit de son camp, mais toujours pas ses alliés nord-irlandais du DUP.
Il y a deux ans jour pour jour, le Première ministre britannique Theresa May activait l'article 50 du Traité de Lisbonne, enclenchant officiellement le processus de sortie de l'Union européenne qui devait aboutir ce 29 mars 2019. Mais rien ne s'est vraiment passé comme prévu pour le chef du gouvernement britannique, qui, après des mois d'impasse, se retrouve de nouveau face aux parlementaires avec l'objectif de leur faire voter l'accord qu'elle a négocié avec l'UE.
Une mission toujours aussi délicate pour le Premier ministre, puisque les députés britanniques ont déjà rejeté par deux fois cet accord, qui divise autant les députés de son propre parti, partisans d'un Brexit dur, que ceux de l'opposition travailliste, qui souhaitent rester dans l'UE. Pour parvenir à ses fins, Theresa May a donc sorti sa dernière cartouches le 27 mars, en promettant de démissionner si son accord de Brexit venait à être voté. Une promesse qui lui a permis de rallier à sa cause les partisans d'un Brexit dur, comme l'ancien ministre des Affaires étrangères Boris Johnson ou encore Jacob Rees-Mogg, l'influent chef de file du European Research Group, qui regroupe 60 à 85 députés.
Le DUP juge de paix
Cette petite victoire n'assure toutefois en rien à Theresa May de se sortir de l'ornière : les dix députés nord-irlandais du Democratic Unionist Party (DUP) refusent en effet toujours de lui apporter leurs voix. Le petit parti nord-irlandais, avec lequel elle avait été contrainte de s'allier après avoir perdu sa majorité absolue au parlement lors d'élections législatives anticipées, se pose en véritable juge de paix de ce vote.
Depuis toujours eurosceptique, le DUP a pourtant voté en faveur du Brexit. Mais ilrefuse d'entériner l'accord de divorce, estimant que celui-ci risque d'aboutir à un traitement différent de l'Irlande du Nord par rapport au reste du Royaume-Uni, voire à une réunification de l'Irlande, son cauchemar. «Nous ne laisserons pas le Premier ministre ou la horde de "Remainers" nous forcer à soutenir un accord de Brexit toxique», a ainsi tweeté le député chargé du Brexit pour le parti, Sammy Wilson, laissant peu de place au doute quant à leurs intentions.
En cause pour le DUP : les dispositions du «filet de sécurité» du texte, qui prévoient, en l'absence d'autre solution, le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE et un alignement plus poussé de Belfast sur les normes européennes, afin d'éviter le retour d'une frontière physique sur l'île d'Irlande.
Coup parlementaire
La position de faiblesse dans laquelle se trouve le gouvernement face à cette impasse a poussé les parlementaires à tenter de reprendre la main, et à se saisir du contrôle du processus législatif. Un amendement, déposé par un élu conservateur et soutenu par une partie de la majorité, a été adopté en début de semaine, permettant au parlementaires de se prononcer par des votes «indicatifs» sur différentes options : union douanière, marché unique, second référendum ou encore sortie sans accord. Mais les députés ont pu mesurer par eux-même la difficulté de la tâche qui incombe à Theresa May, aucun des votes organisés le 28 mars n'ayant dégagé de majorité.
Tant bien que mal, Theresa May garde donc la main. Contrairement aux deux précédents votes, le gouvernement a décidé de ne présenter ce 29 mars qu'une partie de l'accord, le Traité de retrait – qui règle les questions de la frontière irlandaise, des droits des citoyens expatriés et la facture à régler par Londres – et d'en exclure la Déclaration politique sur la future relation avec l'UE. Une astuce qui limite les points de discordes potentiels, mais qui lui permet surtout de contourner la règle soulevée par le président de la Chambre des communes, John Bercow, selon laquelle il est interdit de présenter une nouvelle fois au cours de la même session parlementaire un texte déjà rejeté.
Ce tour de passe-passe a permis à Theresa May de se conformer à la législation de son pays tout en se pliant aux conditions posées par les dirigeants européens. Lorsqu'ils ont accepté la requête d'un court report du Brexit, ces derniers avaient en effet requis que soit présenté aux députés britanniques l'accord qui avait dors-et-déjà été négocié. Et les dirigeants européens lui avaient présenter les deux options à l'issue du vote : selon la première, l'accord est adopté et la date du retrait britannique repoussée jusqu'au 22 mai, la veille des élections européennes.
Mais, si l'accord est rejeté, Londres aura jusqu'au 12 avril pour présenter une alternative et demander un nouveau report. Une seconde option qui impliquerait selon toutes vraisemblances la participation du Royaume-Uni aux élections européennes fin mai, une éventualité que Theresa May souhaite absolument éviter.
En cas de refus, le Royaume-Uni se dirigerait vers une sortie sans accord, un Brexit dur. A moins que le vote populaire ne soit remis en cause, et que le gouvernement britannique ne décide d'organiser un nouveau vote...