Venezuela : pourquoi les deux camps revendiquent-ils la figure de Simon Bolivar ?

Venezuela : pourquoi les deux camps revendiquent-ils la figure de Simon Bolivar ?© Federico Parra Source: AFP
Hugo Chavez, Simon Bolivar et Nicolas Maduro sur un graffiti d'un mur de Caracas.
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Associé au chavisme, qui en a largement revendiqué l'héritage, Simon Bolivar voit également sa figure convoquée par Juan Guaido, opposant à Nicolas Maduro. Dans un continent qui se détourne de la gauche, le bolivarisme est-il en crise ?

Presque tout les oppose, et pourtant, Nicolas Maduro et Juan Guaido partagent au point un point commun : tous deux invoquent Simon Bolivar. Lorsque le président de l'Assemblée vénézuélienne s'est auto-proclamé président du pays le 23 janvier, il brandissait un exemplaire de la constitution sur la couverture duquel apparaissait le visage du Libertador.

Ce geste peut surprendre, tant l'image de Simon Bolivar semble associée aux chavistes, qui revendiquent depuis toujours l'héritage bolivariste. Hugo Chavez, dès sa première élection en 1999, avait d'ailleurs changé le nom du pays en République bolivarienne du Venezuela. Après lui avoir succédé en 2013, Nicolas Maduro avait déclaré que l'esprit de Simon Bolivar était désormais incarné par le peuple vénézuélien.

Le général vénézuélien, héros de l'émancipation des Etats sud-américains au début du XIXe siècle, compte parmi les figures politiques les plus régulièrement convoquées par les mouvements anti-impérialistes à travers le monde. En Amérique latine, l'héritage de celui qui contribua à l'indépendance de la Colombie, de l'Equateur, du Panama, du Pérou, du Venezuela et de la Bolivie, qui porte son nom, transcende cependant les clivages politiques.

Cette appropriation complexe de Simon Bolivar par des courants de différents bords est particulièrement notable au Venezuela : la dictature militaire du nationaliste Marcos Pérez Jiménez, qui subsista jusqu'en 1958, n'a ainsi jamais renié son inspiration bolivarienne. C'est cette même inspiration que revendiquaient Fidel Castro et Hugo Chavez lorsqu'ils fondèrent, en 2004, l'Alliance bolivarienne, en réaction à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) promue par les Etats-Unis. Si ces opposants accusent Juan Guaido d'usurper la figure de Simon Bolivar, ses soutiens rappellent que son grand-père était membre de la Garde nationale vénézuélienne. S'il est difficile de trancher le débat de l'orthodoxie bolivarienne, le visage et le nom du Libertador, à force d'omniprésence, tendent parfois à se dissocier du message politique bolivariste.

Le bolivarisme à l'épreuve d'une droitisation de l'Amérique du Sud

Aujourd'hui, dans la crise que traverse le Venezuela, l'héritage de Simon Bolivar est plus particulièrement invoqué par l'armée. «Les forces armées bolivariennes du Venezuela, fidèles aux traditions héritées du Libérateur Simon Bolivar, n'accepteront jamais un président imposé par des intérêts obscurs, ni auto-proclamé, hors-la-loi», a ainsi déclaré le ministre de la Défense Vladimir Padrino Lopez lors d'une conférence de presse très offensive le 24 janvier, entouré de tout le haut-commandement militaire du pays, au cours de laquelle il a assuré Nicolas Maduro de son soutien.

Cette référence, dans la bouche d'un gradé, vient rappeler que le bolivarisme, principalement théorisé dans son acception politique par Hugo Chavez, n'est pas une simple doctrine sociale : elle contient un aspect militaire qu'explique le contexte historique de lutte pour l'indépendance des Etats sud-américains dans laquelle Simon Bolivar s'est illustré. Alors que la tentative de renversement de Nicolas Maduro est soutenue par plusieurs Etats étrangers, à commencer par les Etats-Unis, la dimension anti-impérialiste de ce discours revêt une importance particulière.

Autre facette du bolivarisme mise en lumière par les événements de ces derniers jours : son aspiration à rassembler les peuples sud-américains, voire à les unir – une ambition qu'illustrait, du temps de Simon Bolivar, la Grande Colombie, Etat qu'il présida pendant la quasi-totalité de ses 12 années d'existence, entre 1819 et 1831, avant qu'il ne soit divisé entre la Colombie, l'Equateur et le Venezuela. Parce qu'elle repose en grande partie sur cette convergence régionale, promue dans la première décennie des années 2000 par Hugo Chavez et d'autres dirigeants d'Amérique latine, la doctrine bolivarienne semble avoir pâti des récents bouleversements politiques sur le continent.

En Amérique latine, ces dernières années ont été marquées par un retour massif de la droite au pouvoir et avec elle de politiques beaucoup plus permissives envers les Etats-Unis et le FMI. Ce fut le cas notamment en Argentine, où la présidente Cristina Kirchner a été remplacée par Mauricio Macri en 2015. En 2017, Rafael Correa a laissé la tête de l'Equateur à Lenin Moreno, son alliée dans un premier temps, qu'il qualifie ensuite de «traître». Quant au Brésil, il semble avoir tourné la page des années Lula, en élisant le très pro-américain Jair Bolsonaro en 2018. Tous ces Etats ont immédiatement reconnu Juan Guaido comme le président légitime du Venezuela.

Hadrien Galassier

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