Equateur : mandat d'arrêt contre l'ancien président Rafael Correa
Habitant en Belgique, d'où est originaire son épouse, Rafael Correa, l'ancien président de l'Equateur, est sous le coup d'un mandat d’arrêt et d'une demande d'extradition de la part de la justice de son pays.
L'affaire prend une dimension politique internationale. La justice équatorienne a annoncé le 3 juillet avoir lancé un mandat d'arrêt contre l'ancien président Rafael Correa et a alerté Interpol en vue de son extradition. Le procureur voulait que Rafael Correa se présente au tribunal tous les 15 jours à partir du 2 juillet mais celui-ci, vivant en Belgique, pays de son épouse, avait décidé de se présenter à la place devant le consulat équatorien. Répondant favorablement à une demande du parquet mécontent, la juge Daniella Camacho a ordonné le placement en détention provisoire de l'ancien président.
Rafael Correa est accusé par un opposant d'avoir commandité une tentative d'enlèvement par des policiers équatoriens en Colombie en 2012. Fernando Balda, ancien parlementaire du Parti Société Patriotique (PSP), opposé à Rafael Correa, affirme qu'en 2012 à Bogota, cinq personnes, agissant sur ordre présidentiel, l'ont contraint à monter dans une voiture avant que la police colombienne ne vienne intercepter le véhicule et faire échouer l'enlèvement.
Fernando Balda a lui-même été accusé d'avoir orchestré un coup d'Etat déjoué en 2010. Ces accusations ont été portées lorsque l'homme était en Colombie, d'où il a finalement été expulsé vers l'Equateur en 2012 et a purgé une année en prison pour atteinte à la sécurité de l'Etat. Dans un entretien accordé à Ignacio Ramonet du Monde Diplomatiqueen espagnol et traduit sur le site Mémoire des luttes, Rafael Correa expliquait en 2011 ce coup d'Etat échoué et comment, en tant que président du pays, il avait demandé une arme pour se défendre.
Rafael Correa, qui vit en Belgique avec sa famille, a exprimé son indignation devant cette décision du tribunal de son pays, affirmant sur Twitter que la demande de placement en détention avait été faite sans «une seule preuve». Il estime en outre que l'extradition qu'il qualifie de «farce» n'a aucune chance d'aboutir au niveau international. Il a en outre appelé ses partisans à ne pas s'inquiéter ; «tout est une question de temps», a-t-il conclu.
Fiscal puesto a dedo, vinculación sin ninguna prueba, jueza que se allana al desacato de la Asamblea Nacional, medida cautelar imposible de cumplir, etc.
— Rafael Correa (@MashiRafael) 3 juillet 2018
¿Saben cuánto éxito va a tener esta farsa a nivel internacional?
No se preocupen, todo es cuestión de tiempo.
¡Venceremos! https://t.co/zjjp67gl4D
Confiant en la Belgique
Dans un autre tweet, Rafael Correa a remercié ses partisans pour le soutien qu'il a reçu et exprimé sa confiance en la Belgique. «Je vous remercie toutes et tous pour vos démonstrations de solidarité face à cette nouvelle et grave violation de la justice et de mes droits. Ils chercheront à nous humilier et à nous faire passer un mauvais moment, mais une telle monstruosité ne prospérera jamais dans un Etat de droit comme la Belgique», a-t-il notamment écrit.
Agradezco a tod@s sus muestras de solidaridad ante este nuevo y grave atropello a la justicia y mis derechos.
— Rafael Correa (@MashiRafael) 3 juillet 2018
Yo estoy bien. No se preocupen.
Buscarán humillarnos y hacernos pasar un mal rato, pero una monstruosidad así JAMÁS prosperará en un Estado de Derecho como Bélgica.
Rafael Correa a laissé son poste à son ancien allié Lenin Moreno en avril dernier. A l'époque, Correa avait salué la victoire de Moreno comme un «triomphe de la révolution». La situation a changé désormais, Correa qualifiant Moreno de «traître» et de «loup aux allures de mouton» depuis que ce dernier a proposé un référendum constitutionnel pour limiter le nombre de mandats présidentiels, empêchant ainsi Rafael Correa de se représenter aux élections de son pays en 2021. Le référendum tenu le 4 février s'est terminé par une victoire du gouvernement Moreno, la majorité des Équatoriens votant pour introduire les changements proposés.
Se disant victime de «persécution et de harcèlement», Rafael Correa avait accusé son successeur de vouloir utiliser ce scrutin pour le marginaliser définitivement. «Ils vont inventer un crime pour me disqualifier. C'est la nouvelle stratégie de la droite pour détruire les dirigeants progressistes comme il l'ont fait avec Dilma [Rousseff, ancienne présidente du Brésil], Lula [son prédécesseur] ou Cristina [Kirchner, ancienne présidente argentine]», avait déclaré Rafael Correa en février.
L'une des plus fortes actions de la politique étrangère de Rafael Correa a été l'octroi de l'asile au fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, en 2012, qui est depuis bloqué dans l'ambassade d'Equateur à Knightsbridge, à Londres. Cette décision a attiré la colère du Royaume-Uni et des Etats-Unis qui ont demandé l'arrestation du lanceur d'alerte. Le nouveau président a également pris une position plus ferme sur Assange, le qualifiant de «plus qu'une nuisance» et de «hacker», ce qui correspond davantage à la rhétorique venant de Washington. Bien que Moreno ait accepté de prolonger l'asile d'Assange, l'accès Internet et les droits des visiteurs du fondateur de WikiLeaks ont été restreints.
En outre, depuis le mois de février, Rafael Correa anime sa propre émission sur la chaîne RT en espagnol intitulée «Conversando con Correa» dans laquelle il a interviewé des invités éminents comme les anciens présidents brésiliens Dilma Rousseff et Luiz Inacio Lula da Silva, l'ancien président uruguayen Jose Mujica, l'ancienne présidente argentine Cristina Kirchner, le philosophe américain Noam Chomsky et d'autres.
Meriem Laribi