Une jeune Saoudienne demande l'asile à l'Australie pour échapper à la mort
Rahaf Mohammed al-Qunun, une Saoudienne souhaitant renoncer à sa religion, avait fui sa famille et s'était barricadée dans une chambre d’hôtel à Bangkok, redoutant d'être tuée par ses proches dans son pays. Elle pourrait trouver refuge en Australie.
La Saoudienne Rahaf Mohammed al-Qunun avait fait réagir la presse internationale, en se barricadant le 5 janvier dans un hôtel à Bangkok, en Thaïlande, pour échapper, selon ses dires, à la mort promise par sa famille parce qu'elle voulait renoncer à l'islam. L'Australie a annoncé le 8 janvier qu'elle «évaluerait avec soin» la demande d'asile de la jeune fille, qui s'opposait à tout retour en Arabie saoudite.
Je cherche refuge dans tout pays qui empêcherait que je sois violentée ou tuée parce que je souhaite renoncer à ma religion et fuir les tortures de ma famille
«Le gouvernement australien est heureux que la demande de protection de Madame Rahaf Mohammed Al-Qunun soit évaluée» par le Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR), a déclaré à l'AFP un porte-parole du ministère de l'Intérieur. «Toute demande de visa humanitaire de la part de Madame Al-Qunun sera évaluée avec soin une fois la procédure du HCR achevée».
La pression médiatique, la mobilisation mondiale, illustrée par une pétition sur change.org signée par plus de 82 000 personnes, ont eu raison des autorités thaïlandaises qui avaient rejeté un recours contre son retour. «Si elle ne veut pas partir, elle ne sera pas renvoyée contre son gré», a assuré Surachate Hakparn, chef de la police de l'immigration thaïlandaise, devant des journalistes de la presse internationale regroupés à l'aéroport.
De son côté, la jeune fille a assuré, dans un tweet, qu'elle se sentait en sécurité «sous la protection du HCR avec l'accord des autorités thaïlandaises», ajoutant que son passeport, confisqué, lui avait été restitué. Le HCR l'a prise sous sa protection après qu'elle a accepté de quitter la chambre d'hôtel de Bangkok dans laquelle elle était confinée par la sécurité de l'aéroport.
Une fuite, une arrestation et un siège dans une chambre d'hôtel
La jeune fille, en voyage avec sa famille au Koweït, avait réussi à échapper à sa vigilance le 5 janvier. Elle avait pris la fuite et comptait gagner l'Australie, avec une escale à Bangkok. Mais à son arrivée à l'aéroport thaïlandais, elle a assuré avoir été arrêtée par des responsables saoudiens et koweïtiens, qui l'auraient privée de son passeport. Si l'ambassade saoudienne a nié que ses représentants aient été présents à l'intérieur du terminal, ajoutant sur Twitter «être en contact constant avec la famille de la jeune femme», Rahaf Mohammed Al-Qunun a évoqué à plusieurs reprises leur présence continuelle.
Je suis sûre à 100% qu'ils me tueront dès ma sortie
La jeune fille, barricadée derrière une porte bloquée par un matelas et une table, avait commencé à tweeter messages et vidéos pour donner l'alerte. Elle avait prévenu dans une vidéo envoyée au HCR qu'elle ne quitterait pas la chambre sans avoir rencontré l'organisation.
Video from @rahaf84427714 just sent from her hotel room at the #Bangkok airport. She has barricaded herself in the room & says she will not leave until she is able to see #UNHCR. Why is #Thailand not letting @Refugees see her for refugee status determination? @hrw#SaveRahafpic.twitter.com/3lb2NDRsVG
— Phil Robertson (@Reaproy) 7 janvier 2019
Elle avait solennellement exprimé son vœu qu'un pays l'accueille selon la «convention de 1951» : «Je cherche refuge dans tout pays qui empêcherait que je sois violentée ou tuée parce que je souhaite renoncer à ma religion et fuir les tortures de ma famille [...] Je suis sûre à 100% qu'ils me tueront dès ma sortie», a-t-elle affirmé.
based on the 1951 Convention and the 1967 Protocol, I'm rahaf mohmed, formally seeking a refugee status to any country that would protect me from getting harmed or killed due to leaving my religion and torture from my family.
— Rahaf Mohammed رهف محمد القنون (@rahaf84427714) 6 janvier 2019
La jeune Saoudienne a affirmé avoir subi des violences physiques et psychologiques de la part de sa famille, qui l'aurait souvent «menacée de mort». Selon ses dires, sa famille l'aurait enfermée dans sa chambre durant six mois parce qu'elle s'était coupé les cheveux. «J'ai assez de preuves pour faire condamner ma famille pour violences, et mon avocat va les divulguer si les tentatives pour me faire rentrer ne s'arrêtent pas», a-t-elle écrit sur Twitter.
Ses craintes sont renforcées par le fait que son père est un officiel du gouvernement saoudien. Selon l'activiste égyptienne Mona Eltahawy citée par Paris Match, le père de Rahaf Mohammed al-Qunun est gouverneur.
I had been threatened to be killed before and they aren’t afraid to threaten me in public
— Rahaf Mohammed رهف محمد القنون (@rahaf84427714) 7 janvier 2019
Do you think this family is modern enough to set and negotiate my life’s choices?
I know they won’t they consider me as property or their slave https://t.co/3HMiQttmw1
Outre les difficultés familiales alléguées, cette annonce pourrait lui valoir une lourde condamnation, voire la peine de mort, si elle était amenée à retourner en Arabie saoudite – l'apostasie étant passible de peine de mort dans le royaume wahhabite.
Cette affaire rocambolesque a pris une dimension particulière, sur la scène internationale, après le récent meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à l'intérieur du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul, en Turquie. Elle survient également peu après une autre affaire dans laquelle, en avril 2017, la jeune Saoudienne Dina Ali Lasloum s'était enfuie, sollicitant de l'aide sur les réseaux sociaux afin d'échapper à un mariage forcé. Elle fut rapatriée en Arabie saoudite de force avec du scotch sur la bouche. Depuis, malgré la mobilisation de nombreuses ONG, il a été impossible de déterminer où se trouve la jeune femme et si elle est encore vivante.
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