Après plusieurs mois de crise avec Washington, la Turquie libère le pasteur Andrew Brunson
- Avec AFP
Un tribunal turc a remis en liberté le 12 octobre le pasteur américain Andrew Brunson, dont la détention puis l'assignation à résidence en Turquie ont suscité une grave crise diplomatique entre Ankara et Washington.
Le tribunal à Aliaga dans la région d'Izmir (ouest), a condamné le pasteur Andrew Brunson à trois ans et un mois de prison mais l'a remis en liberté en tenant compte du temps qu'il a déjà passé en prison et de son comportement pendant son procès, selon une correspondante de l'AFP sur place. Le tribunal a en outre accédé aux demandes du parquet de lever l'assignation à résidence et l'interdiction de quitter le territoire turc imposées à Andrew Brunson, qui pourra ainsi quitter le pays.
Andrew Brunson s'est vu infliger cette peine de prison après avoir été reconnu coupable de «soutien à des organisations terroristes», en l’occurrence le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatistes kurdes) et le réseau de Fethullah Gülen, le prédicateur accusé par Ankara d'avoir orchestré le putsch manqué de juillet 2016.
Le président américain Donald Trump s'est pour sa part félicité de sa libération, assurant devant des journalistes le 12 octobre qu'elle n'avait été conditionnée à aucun accord avec Ankara. Il a en outre fait savoir qu'Andrew Brunson atterrirait «probablement» le 13 octobre aux Etats-Unis et serait reçu à la Maison Blanche. «Mes pensées et prières vont au pasteur Brunson, et nous espérons le revoir rapidement et sans encombre à la maison», avait écrit plus tôt le chef d'Etat dans un tweet, après avoir déclaré dans un premier message «travailler très dur» pour Andrew Brunson, dont la détention puis l'assignation à résidence en Turquie ont provoqué une grave crise entre Ankara et Washington.
My thoughts and prayers are with Pastor Brunson, and we hope to have him safely back home soon!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 12 octobre 2018
Andrew Brunson, 50 ans, a quitté le tribunal à l'issue de l'audience et s'est rendu chez lui à Izmir à bord d'un convoi de voitures, a constaté une correspondante de l'AFP.
Je suis un homme innocent. J'aime Jésus, j'aime la Turquie
«Je suis un homme innocent. J'aime Jésus, j'aime la Turquie», a notamment affirmé, pendant l'audience, le pasteur, portant un costume sombre sur une chemise blanche.
Installé en Turquie depuis une vingtaine d'années, il était à la tête d'une petite église protestante à Izmir. Il démentait en bloc les accusations d'activités «terroristes» qui pesaient sur lui.
La crise diplomatique alimentée par cette affaire entre ces deux pays alliés au sein de l'Otan a provoqué un effondrement en août de la livre, la monnaie turque, et mis en lumière les fragilités de l'économie turque. Son cas a été brandi par des conservateurs chrétiens américains, une importante base électorale pour le président Donald Trump qui a qualifié Andrew Brunson de «merveilleux pasteur chrétien» et d'«otage patriote».
Washington a haussé le ton et imposé une série de sanctions à la Turquie après le refus du tribunal de libérer le pasteur lors d'une précédente audience en juillet. Le 10 août, notamment, Washington a doublé les droits de douane sur l'acier et l'aluminium de provenance turque, ce à quoi la Turquie a immédiatement répliqué en prenant une mesure similaire. Selon Anthony Skinner, du cabinet de consultants en risques Verisk Maplecroft, l’économie turque «se serait trouvée sous des pressions encore plus accrues» si le pasteur n'avait pas été libéré. «Washington aurait probablement imposé de nouvelles mesures punitives», a-t-il ajouté.
«Nous croyons depuis le tout début qu'il n'y a aucune suspicion criminelle forte, il n'y aucune preuve contre lui dans ce dossier», a déclaré à l'AFP avant l'audience l'avocat du pasteur, Cem Halavurt. Les deux parties ont récemment affiché une volonté d'apaisement, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo disant espérer une libération du pasteur et le président turc Recep Tayyip Erdogan faisant le vœu d'une amélioration des relations avec Washington.
D'autres Américains restent incarcérés
Outre le cas de Andrew Brunson, les Etats-Unis dénoncent aussi l'incarcération de plusieurs Américains en Turquie, dont Serkan Gölge, un scientifique de la Nasa, ainsi que de deux employés turcs de missions diplomatiques américaines.
Un autre dossier qui nourrit les tensions entre les deux pays est celui de la banque publique turque Halkbank, dont l'ex-directeur général adjoint Mehmet Hakan Atilla, a été condamné en mai par un tribunal américain à 32 mois de prison après avoir été reconnu coupable de contournement des sanctions américaines contre l'Iran.
Une amende colossale pourrait être infligée à Halkbank, une perspective qui inquiète le pouvoir turc, qui selon des informations de presse, souhaite parvenir à un compromis sur ce dossier dans le cadre d'un éventuel marché impliquant la libération d'Andrew Brunson.
Lire aussi : Crise diplomatique : le ton monte entre la Turquie et les Etats-Unis