Pourquoi le futur budget du gouvernement italien irrite Bruxelles
Revenu universel, hausse des investissements, annulation de la hausse de la TVA... : le budget du gouvernement italien prévoit 2,4% de déficit au lieu des 0,8% prévus par le gouvernement précédent. De quoi énerver Bruxelles et les marchés.
La coalition au pouvoir en Italie, qui rassemble le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue, s'est entendue sur un projet du budget le 27 septembre au soir. L'exercice, que ses opposants ainsi qu'une grande partie de la presse annonçait difficile pour ces deux partis dont l'économie n'est pas le principal sujet d'accord, s'est donc soldé par un succès.
D'emblée, le texte d'accord marque une rupture très nette avec la politique suivie par le gouvernement précédent (centre-gauche), qui s'engageait à maintenir le déficit public annuel sous la barre des 0,8% du PIB : le gouvernement de Giuseppe Conte annonce un déficit public à 2,4% pour les trois prochaines années.
Rome, en décidant de dépenser davantage pour relancer son économie, agace d'ores et déjà Bruxelles. Le commissaire européen Pierre Moscovici a estimé ce 28 septembre que le budget italien était «hors des clous» des règles européennes. La position de l'ancien ministre français illustre celle de l'Union européenne (UE), que l'endettement de l'Italie (132% du PIB, le plus élevé de la zone euro après celui de la Grèce) inquiète.
Luigi Di Maio, vice-Premier ministre italien (M5S) a immédiatement réagi à ces propos, assurant que son gouvernement ne tenait pas à une confrontation directe avec Bruxelles. «Maintenant débute le dialogue avec l'UE et avec les grands investisseurs privés et nous n'avons pas l'intention d'aller au conflit», a-t-il déclaré lors d'un colloque. Cette volonté d'apaisement s'explique notamment par le fait que les marchés financiers, tout comme l'UE, sont plus qu'hostiles à l'idée d'un déficit italien accru... et pourraient très mal réagir.
Le gouvernement italien ne joue ni la carte de l'opposition à Bruxelles, ni celle de l'alternative économique. «Nous voulons rembourser la dette et je peux vous assurer que la dette baissera [grâce à une] croissance économique inattendue», a ainsi expliqué Luigi Di Maio. «Les marchés se feront une raison», a affirmé pour sa part à Milan Matteo Salvini, également vice-Premier ministre et patron de la Ligue. L'Italie est en effet régulièrement soumise à des changements impromptus de gouvernements et de ligne politique. Elle est donc coutumière des épisodes d'agitation boursière.
Le gouvernement italien applique son programme
Si Rome a décidé d'accroître son déficit, c'est pour financer une série de mesures qui figuraient dans le programme de coalition entre le M5S et la Ligue, à commencer par le fameux revenu de citoyenneté – souhaité par le M5S. L'accord budgétaire prévoit en effet l'introduction d'un revenu mensuel de 780 euros par tête est destiné aux personnes les plus modestes, afin de favoriser leur réinsertion sur le marché du travail. Son coût est estimé à 10 milliards d'euros selon le M5S, beaucoup plus selon d'autres calculs. Il devrait concerner 6,5 millions de personnes.
Autre mesure financée par cette hausse de la dépense publique : la suppression de la hausse de la TVA qu'instaurait la précédente loi de finances votée par le gouvernement de Paolo Gentiloni (pour un coût de 12,5 milliards d'euros par an). L'accord budgétaire prévoit également une baisse du taux d'imposition de plus d'un million d'auto-entrepreneurs avec pour objectif affiché la stimulation de leur activité.
Rome s'apprête également à abaisser l'âge de départ à la retraite avec l'espoir de permettre aux jeunes d'accéder plus aisément au marché du travail, et à revaloriser la pension des retraités. Le gouvernement italien prévoit en plus de cela une forte augmentation des investissements, de l'ordre de 15 milliards d'euros en plus sur trois ans. Enfin, un fonds de 1,5 milliard d'euros est mis en place pour aider les petits épargnants ayant subi des pertes en raison de la faillite ou mauvaise gestion de banques.
Après une séquence médiatique marquée par l'omniprésence de Matteo Salvini, alors que les questions sociétales étaient au centre des débats, vient désormais le temps des questions économiques, volet plus privilégié du M5S. Le programme de celui-ci, plutôt ancré à gauche en la matière, suscitait des méfiances dans les rangs de la Ligue. L'accord budgétaire présenté par Rome apparaît comme un signe supplémentaire de la solidité d'une alliance que d'aucuns jugeaient trop contre-nature pour survivre aux premiers cahots.
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