Migrants : Vienne voudrait interdire les demandes d'asile déposées depuis l'Union européenne
L'Autriche, qui a pris pour six mois la présidence tournante de l'Union européenne, souhaite modifier les règles de demande de droit d'asile dans l'Union. L'idée : interdire aux migrants de demander l'asile depuis le territoire européen.
Alors que Vienne assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne depuis le 1er juillet, pour six mois, le ministre autrichien de l'Intérieur Herbert Kickl, du parti populiste anti-immigration FPÖ, a donné le ton et ses ambitions en matière de politique migratoire lors d'une conférence de presse. Le 10 juillet, il a déclaré souhaiter qu’il ne soit plus possible de demander l’asile depuis un pays de l'Union européenne. «Ce serait un projet», a exprimé le ministre.
Selon ce projet, seuls les migrants «qui sont persécutés et qui viennent d'un pays voisin de l'UE» (le ministre de donne pas plus de précision), pourraient exceptionnellement faire une demande d'asile sur le territoire de l'Union.
Selon Herbert Kickl, toute autre solution «inciterait les passeurs à dire: "Je prends votre argent pour vous emmener dans l'Union européenne, parce que vous avez la garantie de pouvoir y faire une demande d'asile avec la probabilité très, très faible d'être renvoyé"».
La question migratoire et l'avenir du droit d'asile en Europe, source de tensions entre les 27, sera au menu d'une réunion avec les ministres de l'Intérieur de l'UE le 12 juillet à Innsbruck, capitale du Tyrol autrichien. Les ministres de l'Intérieur allemand, autrichien et italien – qui ont déjà annoncé en juin vouloir créer un «axe» pour lutter contre l'immigration clandestine – y auront également des entretiens bilatéraux et trilatéraux.
Nous ne sommes pas responsables des personnes persécutées partout dans le monde
Enregistrer les demandes d'asile hors d'Europe
Herbert Kickl y défendra sa vision d'une révolution copernicienne de la politique d'accueil des réfugiés. «Nous ne sommes pas responsables des personnes persécutées partout dans le monde», avait-t-il préalablement déclaré au quotidien Tiroler Taggeszeitung. Dans le modèle qu'il défend, les demandes d'asile seraient enregistrées dans des centres hors d'Europe «par une sorte de commission mobile». Le ministre a assuré ne pas y voir de contradiction avec la Convention de Genève qui définit le statut des réfugiés : «Je ne vois nulle part dans ce texte que l'Europe doit être responsable des demandes d'asile de personnes venant de régions éloignées de milliers de kilomètres». Herbert Kickl entend si besoin adapter la législation européenne pour faire adopter son projet. «Si les mesures des lois européennes doivent être changées, et bien elles seront changées», a-t-il affirmé au Tiroler Taggeszeitung.
A court terme, ce membre du gouvernement autrichien souhaite proposer aux ministres européens, lors de la réunion d'Innsbruck, la mise en place, dans des Etats volontaires à l'extérieur de l'UE, de «centres de retour» pour les déboutés du droit d'asile qui ne pourraient pas être immédiatement reconduits dans leur pays d'origine.
La proposition de changement des règles de l'asile a été développée dans un document de travail de la présidence autrichienne de l'UE daté de début juillet, à l'origine confidentiel, et publié ces derniers jours dans la presse. On peut découvrir dans ce document que parmi les demandeurs d'asile, «beaucoup sont tout particulièrement sensibles aux idéologies hostiles à la liberté ou qui prônent la violence». Les auteurs du document souhaitent restreindre l'asile à «ceux qui respectent les valeurs de l’UE et ses droits et libertés fondamentales».
Herbert Kickl, un ministre qui crée la polémique
Herbert Kickl, ancienne plume de l'ancien dirigeant du FPÖ Jörg Haider, devra consolider sa position auprès de ses homologues après avoir déclenché plusieurs polémiques dès sa prise de fonctions en décembre 2017, au sein du gouvernement de coalition entre le parti de droite ÖVP et le FPÖ.
En janvier, il avait exprimé le souhait de réunir les demandeurs d’asile dans des quartiers «de manière concentrée» ; il lui avait été alors reproché de faire référence aux camps de concentration. Herbert Kickl est également accusé de manœuvrer pour qu'un proche du FPÖ prenne la tête du renseignement intérieur autrichien. En mai, il en a limogé le directeur, l'accusant d'avoir échoué à supprimer certaines données. Cette décision a été accompagnée d'un raid au bureau du renseignement et de la saisie de disques durs contenant des données sur des groupuscules nationalistes autrichiens. Le porte-parole du ministère s'est justifié en disant que seules des données personnelles avaient été confisquées.