Il y a deux ans, le 23 juin 2016, le corps électoral britannique se prononçait à 51,9% en faveur d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE), provoquant un séisme politique, voire géopolitique, en Europe. Signe que le résultat n'était pas souhaité par tous : les médias dominants ont aussitôt commencé à se pencher sur les raisons du vote, comme souvent lorsque le peuple ne vote pas comme la majorité de l'establishment le souhaite.
Cet examen de conscience allait d'ailleurs se répéter quelques mois plus tard, à l'occasion de l'élection surprise de Donald Trump, en novembre 2016. Cherchant toujours une explication au vote, la BBC en était ainsi encore, en mars 2018, à sonder le cœur et les reins des pro-Brexit et a émettre des hypothèses pour expliquer le vote. D'après elle, l'explication, qui flirte avec le mépris de classe, serait sociologique : les partisans du Brexit auraient un niveau d'éducation moins élevé que les partisans de l'Union européenne.
Les anciens reprennent du service
Mais cet exemple n'en est qu'un parmi tant d'autres, tous partageant comme objectif commun la remise en cause la légitimité du vote, dont la tenue avait été décidée en 2013 par le Premier ministre James Cameron dans le but de mettre Bruxelles sous pression. Depuis deux ans, la remise en cause du résultat du référendum n'a pas cessé, souvent avec l'aide de leaders d'opinion, parfois presque oubliés du grand public.
L'ex-Premier ministre britannique Tony Blair est ainsi sorti de sa retraite afin de battre le rappel. Bien qu'accablé pour le rôle qu'il a joué dans le déclenchement de la guerre en Irak en 2003, l'ancien Premier ministre travailliste, mais néanmoins ultra-libéral, annonçait en mai 2017 son grand retour sur la scène publique. «Ce Brexit m'a donné une motivation directe pour m'impliquer plus en politique. Vous devez vous salir les mains, et je le ferai», déclarait-il, ouvrant une séquence de déclarations de nature à renverser la donne. Dans un savant crescendo repris par la presse, Tony Blair appelait ainsi à un nouveau référendum en décembre 2017.
Parmi ces figures appelées à la rescousse, mais loin de faire l'unanimité et risquant même d'être contre-productives pour le discours anti-Brexit, le milliardaire Richard Branson a également répondu à l'appel. En octobre 2017, le sémillant homme d'affaires, patron de Virgin et acteur de la privatisation du rail au Royaume-Uni, estimait que le Brexit était «la chose la plus triste jamais arrivée en Europe et en Grande-Bretagne».
«Comme la majorité des personnes qui ont voté pour le Brexit seront bientôt mortes, je suis convaincu que le Royaume-Uni pourra revenir dans l'Europe», avait-il lancé sur le mode de la plaisanterie. Malgré son âge avancé (caractéristique d'ailleurs commune à de nombreux avocats d'une révocation du scrutin du 23 juin), le milliardaire en appelait ainsi à la jeunesse britannique. Bien qu'ayant manifestement un peu oublié de se rendre aux urnes, les jeunes britanniques seraient en effet supposément pro-Union européenne, notamment en raison de leur envie de voyager.
Dans les premiers jours de l'après-référendum, malgré les règles de la démocratie, les mouvements de protestation anti-Brexit se multipliaient. Plus ou moins spontanément, des centaines de jeunes descendaient le 25 juin 2016 dans les rues de Londres à l'appel notamment d'une organisation optant pour la rue après avoir perdu dans les urnes et promouvant le slogan #FuckBrexit. Tandis que sur Twitter fleurissait le mot dièse #NotInMyName («Pas en mon nom» en français).
Deux ans pour inverser le résultat des urnes
Autre dinosaure à s'intéresser à la jeunesse : George Soros. Après avoir accusé le coup du résultat du référendum, le milliardaire né en 1930 est reparti à l'offensive, via son réseaux d'organes d'influence et de son ONG, la fondation Open Society (OSF). «[George Soros] a contribué à hauteur de 400 000 livres» (environ 450 000 euros), annonçait ainsi en février dernier Mark Malloch-Brown, président de Best for Britain, une des associations anti-Brexit qui ont fleuri au Royaume-Uni, qui militent pour la tenue d'un second référendum, et l'annulation de la procédure de sortie du pays de l'UE.
En deux ans, le discours anti-Brexit n'a guère varié, comptant plutôt sur les vertus d'un martèlement permanent de la rhétorique anti-Brexit. Dès le lendemain du référendum britannique, les Cassandre se sont manifestées pour déplorer l'issue du scrutin. George Soros agitait ainsi dès le 25 juin 2016 le spectre d'une désintégration de l'Union européenne. «Désormais, le scénario catastrophe que beaucoup redoutaient s'est concrétisé», prévenait-il.
En France, Jacques Attali, éminence grise de François Mitterrand et parrain en politique de l'actuel président de la République s'inquiétait au même moment d'un «suicide britannique». Le même Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, annonçait la couleur à l'égard des électeurs britanniques. «Nous sommes en droit d'être plus exigeants à l'égard de notre partenaire britannique», avait-il sermonné trois jours après le référendum, menaçant de revoir les accords du Touquet, qui confèrent à la France, sur le territoire français, la gestion des immigrés souhaitant gagner le Royaume-Uni au départ des côtes françaises.
Le ministre de l'Economie, qui allait être propulsé dans la course à l'élection présidentielle, n'était alors qu'un des acteurs parmi tant d'autres ayant pour objectif de compliquer la vie des Britanniques. D'autres dirigeants de l'Union européenne se sont joints au concert, soufflant le chaud et le froid, et maniant, à vrai dire, plus le bâton que la carotte.
Outre l'opposition d'une partie des représentants du peuple britannique au Brexit, signe que l'establishment mondialiste maintient la pression, le médiatique essayiste Bernard-Henri Lévy a décidé de monter en juin 2018 une nouvelle pièce de théâtre, intitulée, filant la métaphore de l'autoroute : Last exit before Brexit, que l'on peut traduire par : «Dernière sortie avant la sortie du Royaume-Uni.
Sur RT, l'écrivain et blogueur Eric Verhaegue résumait déjà à chaud, le 30 juin 2016, les enjeux à venir. «L’objectif de l’Union européenne aujourd’hui est de punir la Grande-Bretagne et surtout de déstabiliser sa classe dirigeante», analysait-il alors. Et d'ajouter : «Aujourd’hui il y a une guerre psychologique, un matraquage psychologique qui est très fort.»
Alexandre Keller
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