«Je reste là, c'est mon père» : un enfant face aux horreurs de la guerre au Yémen
Les images d'un enfant préférant rester auprès de son père mort dans des frappes de la coalition saoudienne au Yémen pourraient devenir le symbole d'un peuple martyr. Pourtant, médiatiquement, tous les enfants victimes de la guerre ne sont pas égaux.
La scène est terrible, mais elle s'est produite au Yémen et non pas en Syrie. Les frappes de la coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite le 23 avril 2018, ont fait des dizaines de victimes civiles en pleine célébration d'un mariage. Parmi les décombres, un enfant, miraculeusement indemne, se blottit contre le corps son père, mort dans le bombardement. «Je reste là, c'est mon père», explique calmement l'enfant dans des images diffusées par l'agence vidéo Ruptly, alors que des adultes tentent de le faire venir.
ATTENTION LES IMAGES PEUVENT HEURTER LA SENSIBILITE
Une image qui n'a pas fait la Une des médias traditionnels, contrairement par exemple à celle du petit syrien Omran Daqneesh, qui était alors mis en scène par un photographe, posé sur le siège d'une ambulance lors du siège d'Alep en 2016. L'enfant, couvert de poussière, choqué par les bombardements, avait dû se prêter à la séance avant de recevoir les premiers soins et d'être évacué, comme l'avait révélé le père du jeune garçon.
«Cette photo a été utilisée pour exploiter mon fils»: le père d'"Omran dénonce la propagande sur #Alephttps://t.co/bPJ6puhidMpic.twitter.com/EUL7HORpTW
— RT France (@RTenfrancais) 8 juin 2017
En 2015, le corps d'Aylan Kurdi, enfant de trois ans échoué sur une plage turque, avait également fait le tour du monde, devenant le symbole des réfugiés syriens fuyant les combats.
On pourrait également citer, parmi les images ayant fait récemment les gros titres des médias occidentaux, la vidéo de scènes de panique dans la Ghouta tournée le 7 avril dernier après une attaque chimique présumée et relayée par les activistes du groupe Douma Revolution. Malgré les controverses entourant leur authenticité, ces images d'enfants ont été versées au dossier à charge contre Bachar el-Assad, puis utilisées par des gouvernement occidentaux pour justifier les frappes aériennes contre la Syrie, dans la nuit du 13 au 14 avril dernier.
Indignation à géométrie variable ?
D'autres enfants, eux aussi victimes de la guerre, ne bénéficient pourtant pas d'une telle visibilité dans les médias traditionnels. A Mossoul, en Irak, où la coalition occidentale menée par Washington a appuyé l'armée nationale pour libérer la ville de Daesh, les victimes civiles et les souffrances de la population, délaissée par ses «libérateurs», ne sont guère relayées.
Pire, les photos de victimes de Mossoul (mais aussi de l'enclave palestinienne de Gaza) se sont retrouvées sur les réseaux sociaux, présentées comme ayant été prises dans l'enclave rebelle de la Ghouta, à l'est de Damas.
Pour sensibiliser au sort de la #Ghouta, il publie des photographies… prises à #Gaza et #Mossoul
— RT France (@RTenfrancais) 28 février 2018
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Yémen : crimes de guerre et épidémie de choléra
Depuis l'intervention de la coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite en mars 2015, le conflit au Yémen a fait plus de 8 750 morts, d'après l'ONU, dont de nombreux civils. La situation humanitaire sur place ne cesse d'empirer, et une épidémie de choléra aurait déjà touché plus d'un million de personnes. Le rôle de premier plan joué dans cette coalition par l'Arabie saoudite n'empêche pourtant pas Riyad d'entretenir de bonnes relations avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore la France, qui fournit le royaume wahhabite en armements. Une donnée rarement mise en avant par Paris, qui préfère louer les avancées des droits des femmes en Arabie saoudite, autorisées à conduire elles-mêmes leur voiture.
Des ONG, parmi lesquelles Amnesty International, ont toutefois dénoncé le soutien occidental à l'Arabie saoudite, évoquant une possible complicité des crimes de guerre commis au Yémen contre la population.
Alexandre Keller