RT contraint de s'enregistrer comme «agent étranger» aux Etats-Unis ? Pas suffisant pour certains
Aux Etats-Unis, des membres du Congrès travaillent à renforcer les mesures contre les médias étrangers, parmi lesquels RT. Mais France 24 et la BBC, pourtant financés par leurs Etats respectifs, ne devraient pas être inquiétés.
Les démocraties libérales occidentales aiment à porter haut et fort leur attachement à la liberté de la presse, mais aussi à la liberté de l'accès à l'information . Partant, leurs citoyens sont censés être en mesure de choisir librement leurs sources, afin de se forger leurs propres opinions... Mais cette approche idéaliste semble finalement poser problème aux législateurs de certains pays occidentaux, alors que la presse «mainstream» traverse une crise de confiance et que de nouveaux médias leur font concurrence.
«Vous n'êtes pas #journaliste» : un reporter de #RT refoulé de l'#Elysée malgré sa carte de presse
— RT France (@RTenfrancais) 15 janvier 2018
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En novembre 2017, RT a ainsi dû s'enregistrer comme «agent étranger» après qu'une loi, la Foreign Agent Registration Act (FARA), votée en 1938 et visant alors la propagande nazie, a retrouvé le devant de la scène. Aujourd'hui, il est question d'aller encore plus loin, avec plusieurs propositions de loi. Une représentante démocrate de l'Etat de Californie, Anna Eshoo, s'est ainsi chargée le 20 mars 2018 de porter un projet de loi, avec dans le collimateur et sans ambiguïté les médias russes RT America et Sputnik. Au passage, la FARA troquerait un A pour un E, devenant ainsi la FERA, pour Foreign Entities Registration Act, afin de conforter et d'élargir le champ d'application de la loi de 1938, déjà revue en 1966 en pleine guerre froide. «C'est un principe fondamental dans le système médiatique américain que le public puisse savoir qui est derrière la programmation sur les ondes», estime Anna Eshoo sur son site officiel.
Mieux informer les Américains... en s'attaquant aux sources alternatives d'information ?
La législatrice entend-elle par là s'intéresser aux actionnaires de CNN ou informer les Américains du fait que l'Australo-américain Rupert Murdoch contrôle via le géant News Corporation une partie conséquente de leurs sources d'informations ? Non ! Malgré une campagne continue de dénigrement dans les médias initiée depuis l'élection de Donald Trump, et alors qu'il est difficile désormais aux lecteurs américains d'ingnorer que RT serait, selon l'expression martelée, la «chaîne du Kremlin», Anna Eshoo semble craindre que le public ne soit pas au courant. «Un électorat informé est essentiel pour la démocratie et informer [que RT est un agent étranger] donnera la capacité aux citoyens de penser de façon critique», argumente-t-elle.
Emulation peut-être, ce même 20 mars, une autre proposition de loi, baptisée Countering Foreign Propaganda Act («Contrer la propagande étrangère», CERA), portée à la fois par la républicaine, Elise Stefanik, et le démocrate Seth Moulton, liste les dispositifs envisageables. Parmi ceux-ci, les deux élus de la Chambre des représentants proposent d'obliger les médias visés par cette loi à diffuser un message d'information, «visible», à l'instar de ceux accompagnant les clips de campagne américains. Un peu sur l'exemple des paquets de cigarette, la Commission fédérale des communications (FCC) aurait pour mission de déterminer ce que le terme «visible» impliquerait, en terme de dispositif à l'écran.
Toutefois, parmi les médias étrangers opérant aux Etats-Unis, France 24, la radio française RFI et la chaîne britannique BBC ne devraient pas être inquiétés. Pourtant les circuits de financement par leurs Etats respectifs sont similaires à celui de RT, dont le budget est voté par le Parlement russe. Mais le journal américain Foreign Policy n'y trouve rien à redire : «La BBC et France 24 [...] reçoivent des fonds des gouvernements britanniques, mais gardent leur indépendance éditoriale.» C'est, il faudra se contenter de cet argument, toute la différence...
Alexandre Keller