Une ONG portant secours aux migrants accusée d’association de malfaiteurs, son navire sous séquestre
- Avec AFP
En Italie, l'ONG espagnole de secours aux migrants en mer Proactiva Open Arms fait l’objet d’une enquête pour association de malfaiteurs, tandis que son navire Open Arms, qui a secouru plus de 5 000 personnes, a été placé sous séquestre.
La justice italienne a placé sous séquestre Open Arms, le navire de l'ONG espagnole Proactiva Open Arms. Cette dernière est soupçonnée d'association de malfaiteurs, ouvrant une nouvelle brèche dans les opérations de secours aux migrants au large de la Libye. L'Open Arms, qui a secouru plus de 5 000 migrants depuis l'année 2017, est désormais bloqué au port de Pozzallo, dans le sud de la Sicile, où le 17 mars, il avait débarqué 216 migrants secourus au large de la Libye deux jours plus tôt.
L'ONG et trois de ses responsables font l'objet d'une enquête pour association de malfaiteurs en vue de favoriser l'immigration clandestine, dirigée par le parquet de Catane, dans l'est de la Sicile.
«Aujourd'hui, il semble que la solidarité soit devenue un délit», a réagi Oscar Camps, fondateur de Proactiva Open Arms, lors d'une conférence de presse à Barcelone en compagnie de plusieurs célébrités espagnoles. «L'objectif est qu'il ne reste plus aucune ONG de secours en mer», a-t-il déploré.
Il y a un an, une dizaine de navires affrêtés par des ONG patrouillaient au large de la Libye et effectuaient 46% des secours, selon les gardes-côtes italiens. Désormais, ces navires ne sont plus que deux, les autres ONG ayant suspendu leurs opérations en raison des menaces libyennes, de la baisse des départs... ou de la saisie de leur bateau.
En été 2017, la justice italienne avait déjà saisi le Iuventa, navire de l'ONG allemande Jugend Rettet, qui dénonce «une répétition de fausses accusations».
Les ONG accusées d'avoir pour but de débarquer les migrants en Italie
En 2017, le procureur de Catane, Carmelo Zuccaro, avait multiplié les déclarations fracassantes contre les ONG de secours en mer, assurant avoir «des preuves» de contacts avec des passeurs.
Cette fois-ci, il a fait expliquer aux médias italiens que lors de sa dernière opération de secours, Proactiva était soupçonnée d'avoir agi dans l'unique but de débarquer des migrants en Italie, refusant toute alternative.
Le 15 mars, les gardes-côtes italiens avaient signalé au navire Open Arms deux embarcations en difficulté à 73 milles nautiques des côtes libyennes, avant de préciser que Tripoli prenait la coordination des opérations. La vedette libyenne est arrivée au bout d'une heure et, malgré des menaces de mort, l'ONG espagnole a refusé de lui transférer les migrants qu'elle avait recueillis. Après 48 heures d'hésitation, les autorités italiennes ont accepté le 17 mars que l'Open Arms accoste à Pozzallo, compte tenu des conditions précaires qui régnaient à bord.
Oscar Camps avait tweeté sur ce refus de livrer les migrants aux Libyens, «conformément au protocole européen». La convention internationale de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes (convention SAR) contraint en effet les Etats signataires à «remettre en lieu sûr» les personnes secourues en mer.
Good morning, the #OpenArms heading North waiting for instructions. As we refused to hand over rescued people to the Libyans, as the European Protocol states, currently we haven’t got assigned a European port yet. @hratseapic.twitter.com/R37FjdkqsV
— Oscar Camps (@campsoscar) 16 mars 2018
Depuis quelques mois, il arrive souvent que Rome signale des embarcations en détresse, puis que les gardes-côtes libyens se chargent des opérations. Pour les migrants, la différence est de taille : ceux qui sont secourus par les gardes-côtes libyens sont reconduits en Libye, où beaucoup subissent un nouveau cycle de violences et d'abus.
A la suite d'accords controversés conclus par Rome avec les autorités et des milices libyennes, les débarquements ont baissé de plus de 60% depuis l'été 2017. En 2018, les autorités ont recensé 6 100 arrivées. Mais dans le même temps, au moins 358 migrants sont morts dans cette zone, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), soit 1 pour 17 migrants arrivés en Italie, contre 1 pour 33, l'an dernier à la même période.