Le 12 décembre, un premier groupe d'avions russes a quitté la Syrie à destination de la Russie, conformément à l'annonce faite la veille par Vladimir Poutine lors de sa visite surprise sur la base russe de Hmeimim. L'essentiel des forces militaires russes déployées dans le pays pour lutter contre les djihadistes s'en iront, elles aussi, pour permettre aux parties en conflit de passer à la résolution politique de la crise syrienne.
Deux ans plus tôt, le 30 septembre 2015, à la demande du gouvernement syrien, la Russie était intervenue dans le conflit syrien après plusieurs semaines de préparatifs. Dans un premier temps, Moscou s’était fixé pour objectif d’empêcher le pays de tomber aux mains de Daesh, alors à l'apogée de sa progression en Irak et en Syrie.
Un peu plus de 16 mois plus tard, cet objectif initial de préservation a été largement dépassé. Moscou a annoncé la libération totale de la Syrie des terroristes de Daesh – pour autant, Damas considère la province de Raqqa, reprise par la coalition arabo-occidentale en octobre dernier, comme «occupée».
De Palmyre à Deir ez-Zor en passant par la bataille d'Alep, RT France revient sur les moments décisif du conflit à partir de l'implicaiton de la Russie.
Palmyre, la Syrie au bord du précipice
En 2015, l'armée syrienne semble reprendre l'avantage sur les groupes armés djihadistes et enchaîne les succès militaires dans l’ouest du pays. Mais elle subit un revers à Palmyre, cité antique du centre de la Syrie. En mai 2015, au terme d’une offensive particulièrement violente durant laquelle de nombreux combattants terroristes ont été mobilisés, l’Etat islamique parvient à s’emparer de la cité.
Daesh décide d’attirer l’attention du monde entier par le biais des médias en filmant l'exécution d'une vingtaine de personnes dans le théâtre antique de la ville, symbole du passé préislamique de Palmyre autant que des liens entre la Syrie et l’Occident. Le 18 août 2015, l'ancien directeur des Antiquités de Palmyre, Khaled al-Asaad, considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du monde antique, est tué par décapitation par des djihadistes. S’ensuivent de nombreuses destructions de trésors archéologiques, parmi lesquels le temple de Baalshamin.
En mars 2016, l’armée syrienne, soutenue par les forces iraniennes et russes, parvient à reprendre Palmyre… avant que Daesh, lors d'une nouvelle offensive lancée en décembre de la même année, ne parvienne à en reprendre le contrôle. Les soldats russes, aux côtés de l'armée syrienne, paient le prix fort de ces affrontements, à l'instar d'Alexandre Prokhorenko. Ce jeune lieutenant de 25 ans mort au combat en mars 2016 marque fortement l'opinion russe par sa bravoure. Cerné par Daesh, il avait préféré donné sa position à l'aviation afin de mourir sous un bombardement plutôt que de se livrer aux djihadistes.
La victoire de mars ayant été l’une des plus grandes réussites de l’armée russe, le retour des djihadistes constitue une humiliation, même s’il ne durera que trois mois. Il faudra en effet attendre que l’armée syrienne, à l'issue de la bataille d’Alep en décembre 2016, parvienne à mobiliser suffisamment d’hommes, pour que l’Etat islamique soit enfin chassé de Palmyre en mars 2017. Entre-temps, les djihadistes auront détruit plusieurs autres hauts lieux historiques.
Alep, la bataille décisive... et médiatique
En septembre 2016, les forces armées syriennes, avec l’aide de l’aviation russe, lancent une opération afin de reprendre Alep. Jadis réputée pour être l’une des villes les plus prospères du Moyen-Orient, Alep est divisée en deux depuis l’été 2012. A l’Est, des groupes rebelles auxquels se mêlent des factions djihadistes parmi les plus violentes, à l’instar du Front Al-Nosra (issu d'une branche d'al-Qaïda), combattent sans relâche le gouvernement syrien, ce dernier contrôlant la partie occidentale de la ville.
La difficulté à établir l’obédience exacte des différents groupes présents à Alep-Est, ainsi que la nature précise de leurs objectifs, sont au cœur de vives tensions entre la Russie et les Etats-Unis. Si Washington accuse Moscou de s’en prendre à des «rebelles modérés», Moscou dénonce la complaisance de Washington envers certains combattants ainsi que son incapacité à se faire entendre de la frange «modérée». Face à cet accroissement des tensions, l’offensive d’Alep devient de plus en plus inévitable aux yeux de la Russie.
Ainsi, à l’automne 2016, l’opération est lancée. Le fait que les combats se déroulent dans la ville, ainsi que le refus de certains groupes rebelles de laisser les civils quitter Alep-Est pour gagner la partie Ouest de la ville, rendent l’offensive particulièrement meurtrière. Rapidement, de nombreuses voix se font entendre en Occident, particulièrement dans les rédactions européennes et américaines, qui dénoncent les «crimes de guerre» et la «barbarie» dont la Russie se rendrait coupable. La bataille d’Alep se prolonge dans les médias.
Si la ville est entièrement libérée à la fin de l’offensive, le bilan est très lourd : près de 20 000 civils sont morts depuis l’arrivée des rebelles, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées par les combats, les destructions nombreuses et minée de toute part...
Il faudra en outre attendre le mois de juin 2017 pour que la province entière soit à son tour débarrassée des derniers combattants de l’Etat islamique.
Deir ez-Zor, l'ultime combat
En septembre 2017, l’attention de Damas et de Moscou se porte désormais vers le gouvernorat de Deir ez-Zor, dans la partie orientale du pays. La ville éponyme est assiégée depuis 2014 par les djihadistes de Daesh, qui contrôlent sa banlieue ainsi que les régions rurales environnantes. Au cœur de la ville, contrôlée par le gouvernement syrien, les habitants font face à des conditions de vie extrêmement difficiles, notamment à cause du blocus imposé par les assiégeants.
Au début du mois de septembre, l’armée syrienne et le groupe libanais Hezbollah parviennent finalement à lever le siège, avec l'appui de l'aviation militaire russe – une victoire dans laquelle la Russie voit un tournant stratégique majeur pour la lutte contre Daesh. Avec à présent 87% de son territoire libéré, selon le ministère de la Défense russe, la Syrie entre dans une nouvelle phase, alors que l’Etat islamique se voit retranché dans son fief de Raqqa, que les forces rebelles arabo-kurdes, soutenues par les Américains espèrent reprendre avant la fin de l’année.
L’offensive de Deir ez-Zor est également l’une des plus coûteuses en vies humaines dans l’histoire récente de l’armée russe. Avec la mort du lieutenant-général Valeri Assapov et de deux de ses adjudants, fin septembre, le nombre total de soldats russes ayant perdu la vie au combat s’élève à 35, selon les autorités russes.
Mais la reconquête de cette province décisive, parce qu'en connexion avec l'Irak via la vallée de l'Euphrate, sonne le glas de Daesh. Ne restent fin novembre 2017 que quelques poches et petites villes aux mains de l'organisation terroriste, telles qu'Al-Qraya, dernier bastion d'importance ou Abou Kamal.
Le 6 décembre, enfin, l'état-major russe déclare la Syrie totalement libérée de Daesh, tandis que Vladimir Poutine annonce le retrait des forces armées russes engagées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Alexandre Keller