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Syrie, relation franco-russe... : que peut-on attendre de la rencontre entre Macron et Poutine ?

Vladimir Poutine rencontrera Emmanuel Macron à Versailles le 29 mai. Les deux chefs d'Etat évoqueront notamment les dossiers syrien et ukrainien dans un contexte de tensions entre les deux pays, qui n'interdit pas cependant un certain optimisme.

La nouvelle avait fuité dans plusieurs médias russes : la visite du président russe Vladimir Poutine en France le 29 mai prochain pour y rencontrer son homologue français au château de Versailles a finalement été confirmée par l'Elysée. Le déplacement de Vladimir Poutine est organisé à l'occasion de l'inauguration d'une exposition consacrée à l'empereur russe Pierre le Grand, qui avait visité la France en 1717, il y a exactement trois siècles.

Néanmoins, cette rencontre donnera bien évidemment l'occasion aux deux chefs d'Etat de s'entretenir des dossiers politiques en cours. Le Kremlin a déjà précisé qu'ils discuteraient notamment de l'Ukraine et de la Syrie, ainsi que de la lutte contre le terrorisme – l'occasion de revenir sur leurs positions respectives.

Macron et la Russie : une méfiance peut-être pas insurmontable 

Peut-on dès lors s'attendre à une amélioration des relations franco-russes ? Difficile à dire, d'autant que le rapport d'Emmanuel Macron à la Russie est empreint de méfiance. Les différentes accusations portées par son entourage contre Moscou lors de la campagne présidentielle en apportent sans doute l'exemple le plus éloquent. Dénuées de preuves et démenties par la Russie, elles semblent néanmoins avoir attisé un climat de tension. De son côté, Vladimir Poutine avait reçu Marine Le Pen au Kremlin le 24 mars dernier, tout en démentant avoir une préférence pour un candidat à la présidentielle plutôt que pour un autre – elle avait cependant été la seule candidate reçue par le président russe.

Quelques temps plus tard, Emmanuel Macron avait été encore plus radical dans ses positions envers la Russie. Jusque là limité à des considérations politiques, son discours s'était considérablement raffermi lorsqu'il avait évoqué la question culturelle. Il avait assuré «que la France ne partage[ait] pas les mêmes valeurs [que la Russie]». En dépit de ces crispations, Vladimir Poutine avait appelé le président français à surmonter la «méfiance mutuelle» dès le 8 mai, lendemain de son élection, afin de combattre la menace terroriste.

Le 18 mai, le président français s’est finalement entretenu au téléphone avec son homologue russe – un échange bref au cours duquel Vladimir Poutine a félicité Emmanuel Macron pour son élection. On sait d'ailleurs que, s'il préfère Jacques Chirac à Emmanuel Macron, Vladimir Poutine préférerait ce dernier à François Hollande. Les deux chefs d’Etat ont également abordé, à l'occasion de cette communication, les perspectives de coopération entre leurs deux pays. S'ils s'inscrivent certes dans le cadre du protocole habituel, ces signaux n'en demeurent pas moins positifs.

La Syrie : Moscou attend de Macron «plus d'autonomie» 

Les dossiers de politique étrangère devraient, comme annoncé, occuper une place importante de l'entretien entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine. Parmi ceux-ci, la Syrie sera sans doute l'un des principaux. Invité de L'Emission politique sur France 2 le 6 avril, le candidat d'En Marche! s'était déclaré favorable à une intervention militaire en Syrie «de préférence» sous mandat de l'ONU et réunissant un certain nombre de grandes puissances... dont la Russie, pourtant alliée militaire du gouvernement syrien. A l'époque, l'incohérence apparente de cette proposition avait été relevée par les journalistes présents sur le plateau.

Côté russe, on ne désespère pas d'obtenir une avancée constructive sur la question syrienne. Rappelant qu'il s'agissait selon lui du «dossier le plus brûlant» du moment, Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie en France, avait récemment affirmé qu'Emmanuel Macron «sembl[ait] plus déterminé que François Hollande» à entrer en discussion avec la Russie, selon l'AFP. En effet, la relation franco-russe dans le dossier syrien a jusqu'ici été marquée par une progressive détérioration.

Les difficultés rencontrées par les deux pays sous le quinquennat précédent s'expliquent en partie par la longue hésitation diplomatique française, au gré notamment d'ajustements sur les positions de Washington. Après avoir évoqué une coopération avec la Russie en 2015, la France avait finalement fait volte-face, renouant avec une ligne conforme à celle des Etats-Unis, marquée par la défiance envers Moscou. «Nous attendons qu'Emmanuel Macron fasse preuve d'une plus grande autonomie de décision que François Hollande», a récemment déclaré Alexandre Orlov.

Le discours très changeant de Macron sur les sanctions économiques

Le dossier ukrainien devrait également être abordé le 29 mai prochain lors de la rencontre entre les deux présidents, notamment sous l'angle des sanctions économiques occidentales imposées à la Russie après la crise ukrainienne. En la matière, difficile de déterminer avec certitude ce qui, dans les positions changeantes d'Emmanuel Macron, relevait de la conviction ou de la stratégie électorale. 

En janvier 2016, alors qu'il était encore ministre de l'Economie de François Hollande, il avait tenu à plusieurs reprises des propos nettement favorables à une levée des sanctions. Il avait même encouragé François Hollande à se rendre à Moscou afin de discuter de la question avec Vladimir Poutine. Il se faisait à l'époque le défenseur d'une «levée rapide» des sanctions économiques. «On fait le maximum pour que [l'embargo] soit levé», avait-il même déclaré à RT France à l'époque.

En avril 2017, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Jeune Afrique, Emmanuel Macron semblait pourtant avoir changé d'avis. Plus question de levée rapide des sanctions : cette fois, le candidat à la présentielle évoquait plutôt la nécessité pour la Russie de «respecter ses engagements» comme préalable à toute discussion à ce sujet. Lors de leur entretien téléphonique récent, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ont néanmoins « souligné l’importance de poursuivre la coopération dans le cadre du format dit de Normandie [qui réunit France, Russie, Allemagne et Ukraine] pour trouver un règlement de la crise ukrainienne sur la base des accords de Minsk », signe de prémisses plutôt favorables à un dialogue apaisé.

Attendu à Paris le 19 octobre 2016 pour l'inauguration du nouveau centre culturel orthodoxe de la capitale, Vladimir Poutine avait finalement annulé son voyage après que François Hollande avait refusé de le recevoir. La rencontre entre les deux présidents permettra au moins de faire oublier ce couac diplomatique de taille – et peut-être de relancer le dialogue franco-russe sur des bases plus prometteuses que celles des dernières années.

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