France

Le Drian, de la Défense aux Affaires étrangères : une forme de continuité avec Hollande ?

En nommant une figure du hollandisme à la tête de la diplomatie, Emmanuel Macron semble assumer le bilan de son prédécesseur. Pourtant, en Centrafrique comme au Mali ou en Syrie, les résultats du quinquennat précédent sont loin d'être reluisants.

Emmanuel Macron avait promis un renouvellement en profondeur de la vie politique, qui devait notamment passer par l'arrivée de nouvelles personnalités au sein du gouvernement. Après l'annonce ce 16 mai de la composition du nouvel exécutif que dirigera Edouard Philippe, le nouveau Premier ministre issu des rangs de la droite, Jean-Yves Le Drian a été nommé ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Le ministre breton est ainsi l'un des deux seuls rescapés du quinquennat de François Hollande, avec Annick Girardin, ministre de la Fonction publique de Manuel Valls.

La reconduction de ce macroniste de la première heure, qui avait annoncé son soutien au futur président dès le début de l'année et l'avait même conseillé sur les questions militaires pendant sa campagne, laisse peu de doute quant à la continuité qui devrait caractériser le quinquennat d'Emmanuel Macron. Cette dernière a pourtant fait l'objet de vives critiques et affiche un bilan mitigé. 

Centrafrique : six mois après le «succès» vanté par Le Drian, la reprise des violences

L'un des reproches les plus fréquemment adressés à la politique étrangère de la France concerne l'absence de vision stratégique et politique de long terme. Au gré d'opérations militaires internationales, la politique conduite par Jean-Yves Le Drian aura montré à plusieurs reprises ses limites. L'un des cas les plus représentatifs de cette relative inefficacité restera sans doute l'opération Sangaris en Centrafrique.

Le 31 octobre 2016, Jean-Yves Le Drian se rendait à Bangui pour annoncer officiellement la fin de l'opération Sangaris débutée en 2013. Celle-ci avait officiellement pour objectif de mettre fin aux massacres commis par la Séléka, un groupe de rebelles musulmans opposé au président François Bozizé et s'attaquant spécifiquement aux populations chrétiennes du pays. Le jour même de cette annonce en forme d'autosatisfecit, des affrontements mortels éclataient dans plusieurs endroits du pays, contrastant avec les propos tenus par Jean-Yves Le Drian qui saluait le «franc succès» de l'intervention militaire française.

Quelques mois plus tard, le bilan de la mission, par ailleurs entachée par des accusations de viol portées contre l'armée française, est loin d'être reluisant. La région de Bangassou, qui avait été jusqu'à présent relativement épargnée par les violences, semble même en train de basculer. Un convoi de Casques bleus y a été pris pour cible le 9 mai dernier par des milices chrétiennes, faisant quatre morts. Quelques jours plus tard, au moins 20 civils étaient tués dans des attaques de ces mêmes milices lors du weekend du 13 au 14 mai. Sur le plan humanitaire, la situation en Centrafrique est loin d'être satisfaisante : l'ONU évoque de nombreux cas d'enfants soldats envoyés au combat, parfois sous l'emprise de drogues. 

La poursuite de l'intervention au Mali et le risque de l'enlisement

«Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique», lançait François Hollande depuis Bamako le 3 février 2013, peu de temps après le déclenchement, en janvier 2013 et à l'initiative de la France, d'une intervention militaire internationale, qui est d'ailleurs toujours d'actualité. Les djihadistes, après avoir pris le contrôle d'une grande partie du pays et être parvenus aux portes de Bamako, ont finalement été en grande partie chassés et dispersés. En février, Jean-Yves Le Drian louait la décision de François Hollande et saluait une paix «en bon chemin».

Si le maintien du gouvernement semble désormais assuré, des zones entières échappent encore au contrôle des autorités maliennes comme à celui des forces étrangères, et les violences se multiplient. Sept militaires maliens ont été tués et sept autres blessés le 7 mai dans une attaque terroriste contre un poste de l'armée à Almoustarat, dans le nord-est du Mali. Longtemps concentrées dans le nord, les attaques se sont d'ailleurs étendues depuis 2015 vers le centre, puis le sud.

L'un des principaux objectifs de Jean-Yves Le Drian pour ce nouveau quinquennat devrait donc consister à garantir l'affaiblissement des groupes djihadistes tout en évitant l'écueil de l'enlisement. Plusieurs signes laissent toutefois penser que la tâche sera des plus ardues, comme la création récente du «Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans», nouvelle formation islamiste réunissant plusieurs groupes djihadistes du Sahel et témoignant d'un regain de vitalité du terrorisme quatre ans après le début de l'intervention. Le groupe terroriste a d'ailleurs revendiqué une attaque dans laquelle un militaire français a péri le 5 avril dernier, portant à 19 le nombre de soldats français tués sur le terrain.

Si l'action de Jean-Yves Le Drian au Mali avait dans un premier temps suscité un certain enthousiasme, les critiques commencent à se multiplier alors que l'opération tarde à prendre fin. «On peut considérer cela comme un échec car l'opération française avait pour objectif d'éradiquer des groupes salafistes djihadistes. Or, depuis, on ne peut constater qu'une prolifération d'actions de type djihadiste sur l'ensemble du territoire malien», estimait par exemple en décembre dernier le directeur de recherche au CNRS André Bourgeot, au micro de RTL

Vers cinq années supplémentaires de navigation à vue en Syrie ?

La position française dans le dossier syrien sous le quinquennat de François Hollande aura été marquée par une longue hésitation diplomatique, au gré notamment d'ajustements sur les positions de Washington. Il faudra attendre septembre 2015, quatre ans après le déclenchement du conflit syrien, pour que les chasseurs français mènent leurs premières opérations. En octobre 2016, Jean-Yves Le Drian annonce que l’aviation tricolore (Air et Marine) a procédé à 857 frappes aériennes depuis le début des opérations, soit une moyenne de 1,1 frappe chaque jour. 

Après les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015, la France prône une «coalition aussi large que possible contre le terrorisme». Jean-Yves Le Drian semble faire partie des promoteurs d'une nouvelle approche de l'intervention militaire en Syrie, qualifiant les attentats de Paris de «tournant». L'hypothèse d'une coopération internationale large, notamment proposée par la Russie, semble désormais envisageable pour le gouvernement français. A cette époque, François Hollande, en visite à la Maison Blanche, aborde même la coordination de la lutte antiterroriste lors d’une rencontre avec Vladimir Poutine le 26 novembre 2015, qui sera marquée d’une image forte : les deux hommes se tutoient.

Un an plus tard, la France a fait volte-face et retourne à une ligne conforme à celle des Etats-Unis, marquée par la défiance envers Moscou et l'exigence du départ de Bachar el-Assad. Jean-Yves Le Drian a, lui aussi, changé de discours. Auditionné le 12 janvier dans en commission parlementaire, le ministre de la Défense remet en cause l'efficacité de l'armée russe en Syrie. Evoquant les pourparlers de 2015 entre François Hollande et Vladimir Poutine, il affirme : «Il ne s'est rien passé». «Il y a eu une action de la part des forces russes concernant Palmyre. Et Palmyre est retombée entre les mains de Daesh...», affirme-t-il.

S'il est difficile de prévoir la suite des événements, la déclaration d'Emmanuel Macron lors de L'Emission Politique du 6 avril laisse planer le doute quant à une nouvelle forme d'engagement militaire français. Il avait alors annoncé vouloir organiser «une opération militaire en Syrie avec plusieurs puissances internationales, de préférence sous l'égide de l'ONU», ciblant prioritairement Daesh, mais aussi le gouvernement syrien... tout en collaborant avec la Russie.

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