L’opération Sangaris : un échec politique qui avait été annoncé

L’échec de l'opération est total et il doit être imputé aux dirigeants politiques français qui ont constamment donné aux militaires des ordres aberrants, indique le spécialiste de l'Afrique Bernard Lugan. Il justifie son point de vue.

Le 30 octobre 2016, la France a mis un terme à lopération Sangaris qu'elle avait entamée au mois de décembre 2013 en République centrafricaine. Son objectif ? Mettre fin aux massacres commis par la Séléka (coalition constituée en août 2012 de partis politiques et de forces rebelles opposés au président centrafricain François Bozizé).

Aujourd’hui, le chaos centrafricain n’a pas cessé et le pays est largement aux mains de cette même Séléka et de ses divers chefs de guerre, souvent des Soudanais. L’échec est donc total et il doit être imputé aux dirigeants politiques français qui ont constamment donné aux militaires des ordres aberrants. Rappel des faits et exposé des responsabilités socialistes.

En 2012, avec peu de moyens, il eut été possible de «traiter» rapidement et efficacement les coupeurs de route de la Séléka, mais, harcelé par le Quai d’Orsay, François Hollande hésita

Dans le dossier de la République centrafricaine (RCA), François Hollande a constamment tergiversé et accumulé les erreurs :

1) La première date de la fin de l'année 2012 (voir mes communiqués de l’époque) quand, avec peu de moyens, il eut été possible de «traiter» rapidement et efficacement les coupeurs de route de la Séléka. Mais, harcelé par le Quai d’Orsay, François Hollande hésita.

2) Au mois de mars 2013, alors que tous les connaisseurs du pays le pressaient d'agir, il laissa la Séléka prendre Bangui. La Centrafrique sombra alors dans le chaos pendant que les chrétiens – 95% de la population de souche –, étaient persécutés.

3) Début 2014, face au désastre humanitaire dont ses hésitations étaient la cause, François Hollande décida finalement d’intervenir mais en précisant toutefois que l'entrée en scène des forces françaises n'avait pas de but militaire...  Nos troupes ne reçurent donc pas d'ordres clairs puisque ni l’ «ami», ni l’ «ennemi» ne furent désignés, Paris demandant simplement à nos soldats de jouer les «bons samaritains». Pour cette intervention, nos forces n’ont donc pas eu d’objectif clair. Entre l’humanitaire et le désarmement des milices, quelle fut leur mission? On l’ignore toujours…

L'intérieur de la Centrafrique fut donc laissé à la Séléka qui eut tout le loisir d'y poursuivre ses massacres

4) Le déploiement de notre contingent se fit d'une manière totalement contraire à toute tactique militaire cohérente. Alors que l'objectif militaire prioritaire aurait en effet dû être le verrou de Birao dans l'extrême nord du pays afin de couper la Séléka de sa base soudanaise, il fut au contraire décidé d'enliser les forces françaises à Bangui dans une mission d'interposition relevant de la gendarmerie mobile.

L'intérieur de la Centrafrique fut donc laissé à la Séléka qui eut tout le loisir d'y poursuivre ses massacres. L'actuelle situation catastrophique est clairement la conséquence de ce choix militairement incompréhensible. Ce dernier s’explique probablement parce qu’il ne fallait pas «choquer» l’opinion musulmane en paraissant intervenir aux côtés des chrétiens…


5) Dès le début de l’opération Sangaris, au lieu de demander à ses soldats de détruire les bandes de la Séléka, Paris leur ordonna de séparer agresseurs et agressés, bourreaux et victimes. Alors qu’il fallait leur donner les moyens de sidérer l’adversaire et de saturer l’objectif, les chiches moyens alloués à nos troupes ne leur permirent que de lancer des patrouilles, non de quadriller et de tenir le terrain.

Comment prétendre en effet rétablir la paix dans un pays plus vaste que la France avec seulement 1 600 hommes dont plusieurs centaines affectés à la seule garde de l’aéroport ? L’impression d’impuissance fut accentuée par le fait qu’à Bangui, au lieu d’être désarmée, la Séléka voulut bien accepter d’être cantonnée...en conservant ses armes et en gardant les territoires qu'elle avait gagnés à travers le pays.

6) Alors que la solution était d'abord militaire, le Quai d’Orsay ne cessa d'affirmer que la résolution de la crise se ferait par la reconstruction de l’Etat à travers le mirage électoral de 2016. Or, le président Faustin-Archange Touadéra a naturellement été incapable de reconstituer un «Etat» centrafricain, lequel n'a d'ailleurs jamais existé; sauf peut-être à l'époque de Bokassa.

L'Elysée n'avait en réalité décidé qu'une gesticulation humanitaire sous habillage militaire

Aujourd’hui, les massacres sont quotidiens et le pays est coupé en deux. Aucun administrateur sudiste n’ose en effet s’aventurer dans le nord où il s’y ferait massacrer, cependant que les fonctionnaires nordistes ne sont guère volontaires pour venir se faire lyncher à Bangui… Quant aux bandes de la Séléka et à leurs diverticules, elles tiennent plus de la moitié du pays. Les malheureuses populations occupées sont ainsi revenues aux temps des raids à esclaves lancés depuis le Soudan et dont leurs grands-parents avaient été délivrés par la colonisation. Elles avaient naïvement cru que les troupes françaises étaient venues pour les libérer. Leur amertume est donc grande car l'Elysée n'avait en réalité décidé qu'une gesticulation humanitaire sous un habillage militaire.

Du même auteur : Erythrée : un Etat totalitaire qui exporte sa population vers Europe

Source : bernardlugan.blogspot.ru