Les juifs allemands redoutent à tort l'antisémitisme des musulmans plus que celui des nationalistes
- Avec AFP
Selon un rapport d'experts allemands sur l'antisémitisme, les juifs surestiment largement la menace d'agressions antisémites venant de la part des musulmans en Allemagne. Les réseaux sociaux seraient en partie responsables de ce clivage.
La communauté juive d'Allemagne se dit de plus en plus inquiète pour sa sécurité et redoute en particulier l'antisémitisme au sein de la population musulmane et chez les réfugiés, affirme un rapport d'experts publié le 25 avril.
A la question : «Quelles personnes ou groupes de personnes vous ont physiquement, verbalement ou moralement agressé en 2016 ?», une majorité de juifs allemands ont répondu en premier «des musulmans», indique un rapport bisannuel sur l'antisémitisme, rédigé par des experts mandatés par le Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand.
Le rapport, qui ne précise pas le nombre de personnes interrogées, insiste sur l'écart entre la perception de la menace par la communauté juive allemande et la réalité des agressions antisémites telle qu'elle est mesurée par les services de renseignement. Ces agressions restent, selon ces services cités par le rapport, en très grande majorité commises en Allemagne par des militants nationalistes ou des néo-nazis. Ainsi, selon l'Office de protection de la Constitution allemande (équivalent des renseignements intérieurs) en 2015, sur 36 crimes de nature antisémite commis en Allemagne, 30 étaient le fait de l'extrême droite et quatre ont été commis par des «étrangers».
Les auteurs du rapport, membres d'une commission composée d’universitaires et de chercheurs et mise en place en 2014, estiment que cette perception est en partie faussée par les réseaux sociaux, qui ont un effet d'amplification de «la haine et de l'agitation antisémite».
Selon une étude, l’antisémitisme se répand à l’extrême-gauche #allemandehttps://t.co/Kv2IBFYXsOpic.twitter.com/L8b38YhnE5
— RT France (@RTenfrancais) 19 июля 2016 г.
Le groupe d'experts s'alarme aussi d'un «écart significatif entre la population non juive qui ne considère pas que les manifestations actuelles d'antisémitisme soient un problème et les juifs d'Allemagne qui se sentent de plus en plus menacés». Ils recommandent en priorité la nomination par la chancellerie d'un médiateur gouvernemental pour coordonner la lutte contre l'antisémitisme en Allemagne, pays toujours engagé, sur le plan judiciaire comme politique, dans l'examen des crimes commis par l'Allemagne nazie.
L'Allemagne a accueilli depuis 2015 quelque 1,5 million de demandeurs d'asile, beaucoup fuyant guerres et persécutions en Syrie, en Irak ou en Afghanistan, des pays à populations très majoritairement musulmanes. En janvier 2016, la chancelière Angela Merkel avait appelé à «agir de façon intensive» contre l'antisémitisme, appelant notamment à la vigilance des jeunes originaires de pays «où la haine d'Israël et l'antisémitisme sont répandus».
Le débat a été relancé début avril, lorsque des parents ont expliqué à la presse avoir dû retirer leur fils de 14 ans d'une école publique où il avait été victime de harcèlement verbal antisémite et d'une agression physique de la part de camarades musulmans, notamment turcs.
Actuellement environ 250 000 juifs vivent en Allemagne, ce qui fait de cette communauté la troisième d'Europe, derrière la France et la Grande-Bretagne. Selon les chiffres publiés par l'Université hébraïque de Jérusalem en 2014, c'est d'ailleurs la France qui abrite la plus grande communauté juive en Europe, avec quelque 575 000 personnes, devant le Royaume-Uni qui en compte 370 000. Ces estimations prennent en compte des membres non-juifs des «familles juives».