Homme-cochon : quand les scientifiques créent des chimères
Une équipe de chercheurs américains est parvenu à développer un embryon chimérique composé de cellules humaines et celles de porc. Si le mélange a de quoi surprendre, il soulève de nombreuses questions éthiques et des perspectives médicales.
La mythologie n'impressionne pas les scientifiques américains. Une équipe de chercheurs de l'institut de Salk, en Californie, a annoncé le 26 janvier avoir réussi à créer un hybride homme-animal.
Après avoir injecté des cellules souches humaines dans des embryons de cochons qui n'avaient que quelques jours, ceux-ci ont commencé à développer des organes contenant des cellules humaines. Cette avancée scientifique constitue un premier pas vers le développement d'organes humains dans des animaux. Ces organes pourraient ensuite être récupérés et greffés à des personnes malades. L'objectif affiché est de pouvoir les transplanter et ainsi «remédier à la pénurie d'organes», s'enthousiasment les responsables du projet.
Les chercheurs ont implanté des cellules souches humaines, capables de devenir n'importe quel tissu, dans des embryons de cochons pour ensuite transférer ceux-ci dans l'utérus de truies porteuses. Si les cellules humaines n'ont pas été rejetées, c'est parce qu'elles ont été injectées dans l'embryon animal à un stade très précoce.
Les scientifiques sont donc parvenus à créer une chimère : un organisme qui contient des cellules de deux espèces différentes. Si les «chimères» n'ont pas dépassé le stade fœtal (les scientifiques ayant détruit les embryons avant), les résultat obtenus laissent envisager que de telles créations pourraient être utilisées dans le futur pour cultiver des organes entièrement humains. Cette expérience n'a pas été menée jusqu'à son terme avec la naissance de porcelets en partie humains, un sujet très controversé qui soulève d'importantes questions éthiques.
Au #RoyaumeUni, les médecins sont prêts à créer un #bébé avec l'ADN de trois personneshttps://t.co/KW9qR1Zl0j
— Sevira Kids (@SeviraKids) 5 décembre 2016
«Dans les anciennes civilisations, les chimères étaient associées à Dieu», a déclaré Jun Wu, un des scientifique à la base du projet. «Nos ancêtres pensaient que les chimères pouvaient être les gardiens des humains et dans un sens, c'est ce que l'équipe espère accomplir», prophétise t-il.
L'équipe californienne aimerait également utiliser ses créations dans le cadre de recherches sur le développement prénatal, ainsi que pour tester des médicaments expérimentaux. Un poumon humain qui se développe à l'intérieur d'un porc peut montrer «plus précisément l'effet d'un médicament que les animaux de laboratoire d'aujourd'hui», avance t-elle.
Mais la question bioéthique d'une telle pratique alarme bien entendu plus d'un de leurs confrères. Interrogé par le magazine spécialisé dans la santé Stat News, le professeur à l'Université de Stanford, Hank Greely, estime que la création de «formes intermédiaires» de la vie «dénigre la dignité humaine et brouille la ligne entre ce qui est humain et ce qui ne l'est pas, surtout si vous croyez que nous avons été créés à l'image de Dieu».
«Dans la bioéthique américaine, le "remède" est une carte maîtresse», prévient-il. «Si vous présentez les choses en disant "les chimères vont fournir des organes transplantables à des patients mourants", politiquement, vous avez gagné.»
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