L'étrange rapprochement entre Damas et Ankara sur fond de bombardements des positions kurdes

L'étrange rapprochement entre Damas et Ankara sur fond de bombardements des positions kurdes© Umit Bektas Source: Reuters
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Selon le Premier ministre turc, Damas a compris que les Kurdes deviennent «une menace pour la Syrie aussi», après les premières frappes de l'aviation syrienne contre les Kurdes à Hassaké (nord-est).

«C'est une situation nouvelle» et «il est clair que Damas a compris que la structure que les Kurdes tentent de former dans le nord [de la Syrie] a commencé à devenir une menace pour la Syrie aussi», a déclaré le Premier ministre turc Binali Yildirim, au sujet de l'ambition des Kurdes de relier les régions qu'ils contrôlent, de l'autre côté de la frontière turque. «C'est ce que nous comprenons», a déclaré le chef du gouvernement. 

Binali Yildirim a ajouté que la Turquie souhaitait être «plus active» sur la crise syrienne dans les six prochains mois parce que le «bain de sang doit cesser». Le président Bachar el-Assad «est l'un des acteurs aujourd'hui», a-t-il même confié à des journalistes, le 20 août.

«Nous disons que le bain de sang doit cesser. Les bébés, les enfants, les innocents ne devraient pas mourir», a souligné le chef du gouvernement turc. «Et c'est la raison pour laquelle la Turquie va être plus active en essayant d'empêcher [la situation] de s'aggraver au cours des six prochains mois», a-t-il préciser sans fournir de précisions.

Ces propos tranchent avec les positions prises par Ankara depuis le début de la guerre civile en Syrie. Les autorités turques estimaient que Bachar el-Assad faisait partie du problème et qu'il fallait qu'il parte mais sans pour autant s'impliquer directement dans le conflit.  

En janvier 2016, Bachar el-Assad avait déclaré que le président turc Recep Tayyip Erdogan soutenait directement les terroristes [de Daesh], leur permettant de se déplacer sur le territoire turc, d'effectuer des manœuvres avec leurs chars et qu'il les finançait via l'Arabie saoudite et le Qatar.

«Il [Erdogan] prononce [...] des déclarations qui constituent une ingérence dans les affaires intérieures de la Syrie. Tout ce que fait Erdogan est une agression dans tous les sens du terme», avait confié le président syrien à l'agence russe Sputnik, ajoutant néanmoins : «Le peuple turc n'est pas contre la Syrie, il n'est pas hostile. Nos relations seront bonnes si Erdogan ne s'en mêle pas.»

Au début du conflit syrien en 2011, le président turc de l'époque, Abdullah Gül, ainsi que Recep Tayyip Erdogan, qui était alors Premier ministre, avaient exigé la démission de Bachar el-Assad, indiquant notamment «ne plus avoir confiance en lui». 

Mais la situation semble aujourd'hui prendre une tournure très différente. La Turquie s'est réconciliée avec la Russie depuis deux mois, elle a aussi intensifié ses échanges avec l'Iran, soit deux pays qui soutiennent activement le président Assad.

«Que nous l'aimions ou pas, Assad est aujourd'hui l'un des acteurs» de la guerre dans ce pays et «on peut lui parler pour la transition», a d'ailleurs ajouté Binali Yildirim dans sa déclaration aux journalistes, ajoutant immédiatement : «En ce qui concerne la Turquie cela est hors de question.»

La question kurde est, elle aussi, au cœur des tensions. En Syrie, les militants des Unités de protection du peuple kurde (YPG) font partie d'une coalition arabo-kurde prénommée Forces démocratiques syriennes (SDF) au sein de laquelle ils se concentrent sur la lutte de leur ennemi commun, l'Etat islamique, que Bachar el-Assad combat également.

Jusque-là, les Kurdes n'avaient jamais été inquiétés par les forces gouvernementales syriennes qui les considéraient comme un appui dans la lutte acharnée qu'elles livrent contre les terroristes. 

Seulement, le peuple kurde, qui constitue l'essentiel de la population dans le sud de la Turquie, est déjà en guerre ouverte avec les forces d'Ankara, après avoir réclamé son indépendance par le biais du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme mouvement terroriste par les autorités turques.

En juillet dernier, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé l'autorisation à l'ONU d'enquêter sur ce qu'elle considère comme des crimes de guerre. Selon HRW, dans ses opérations militaires contre les kurdes, l'armée turque serait responsable de meurtres, des déplacements forcés de population et de destructions illégales de propriétés privées.

Ainsi, aujourd'hui, le président syrien doit faire face aux velléités d'indépendance de la population kurde de Syrie, ce qui, selon lui, porte atteinte à la souveraineté du pays. 

Le 18 août, une source gouvernementale syrienne avait affirmé à l'AFP que les bombardements étaient «un message aux Kurdes pour qu'ils cessent de faire ce genre de revendications [territoriales] qui touchent à la souveraineté nationale».

Les 18 et 19 août, les avions de combat SU-24 des forces loyalistes syriennes ont frappé des secteurs tenus par les forces kurdes à Hassaké, ville dont deux-tiers sont contrôlés par des Kurdes et le tiers restant, par l'armée de Bachar el-Assad.

C'était la première fois depuis le début du conflit syrien en mars 2011 que l'armée de l'air syrienne frappait des positions kurdes, ces derniers étant par ailleurs soutenus par les forces spéciales américaines qui appuient leur effort de lutte contre Daesh.

En effet, pendant plusieurs mois, les Peshmerga kurdes furent les seuls à combattre les djihadistes au sol en Syrie, faisant dire à Washington que ces combattants kurdes étaient la force la plus efficace pour lutter contre les terroristes de l'Etat islamique.

Ankara assure vouloir continuer d'entretenir de bonnes relations avec Washington

Alors que les tensions entre Damas et Washington restent importantes, la Turquie, qui semble aujourd'hui soutenir le président Assad, se heurte ainsi à un problème de coopération avec les Etats-Unis.

Les Etats-Unis sont «notre partenaire stratégique, pas notre ennemi», a assuré le 20 août le Premier ministre turc Binali Yildirim. Il a en outre appelé à une diminution des tensions entre les deux partenaires, alors que Washington refuse d'extrader vers Ankara le prédicateur Fethulllah Gülen, que les autorités turques accusent d'avoir fomenté le coup d'Etat avorté du 15 juillet dernier.

«Il peut y avoir des hauts et des bas entre deux pays», a précisé Binali Yildirim lors d'une conférence de presse, mais «nous devons éliminer [ce] qui détériore nos relations», a-t-il ajouté en référence à Fethullah Gülen.

«J'espère que cette procédure [d'extradition de Gülen] sera finalisée d'une manière favorable aux deux pays et que les questionnements au sujet de l'Amérique dans l'opinion publique turque seront levés», a encore précisé le chef du gouvernement.

Le 11 août dernier, Recep Tayyip Erdogan avait  déclaré : «Tôt ou tard les Etats-Unis auront à faire un choix. Soit la Turquie, soit la FETO [l’organisation dirigée par Fethullah Gülen]. Soit la FETO terroriste qui planifie des coups d’Etat, soit la Turquie démocratique.»

Binali Yildirim a, avec le président Recep Tayyip Erdogan, surfé ces dernières semaines sur une puissante vague d'antiaméricanisme en Turquie.

Lire aussi : Turquie : Ankara a envoyé des dossiers à Washington sur l'implication de Gülen dans le putsch

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