Hystérie autour des drones en Pologne : l’Europe veut-elle faire oublier l’Alaska ?

Hystérie autour des drones en Pologne : l’Europe veut-elle faire oublier l’Alaska ? Source: Gettyimages.ru
Réunion extraordinaire du cabinet du gouvernement polonais à la suite de la chute de drones dans l'espace aérien national, le 10 septembre 2025
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Quelques drones tombés en Pologne ont suffi à enflammer le discours européen. Varsovie parle de menace, Bruxelles dramatise et appelle à renforcer la défense commune. Un incident qui, transformé en symbole politique, révèle la volonté de l’UE d’exister par l’alarme et la surenchère.

Dans la nuit du 9 au 10 septembre, Varsovie a annoncé avoir neutralisé plusieurs drones qu’elle a immédiatement attribués à la Russie. Le Premier ministre Donald Tusk a affirmé qu’ils représentaient une menace directe et a assuré être en contact constant avec ses alliés de l’OTAN, notamment le secrétaire général Mark Rutte. Cette mise en scène alarmiste s’est accompagnée d’une rhétorique d’urgence : avions polonais et alliés en vol, radars et batteries antiaériennes placés en état d’alerte maximale, policiers rapportant des débris tombés sur des habitations dans l'une des régions polonaises.

À Bruxelles, le concert d’exclamations a vite enflé. L’eurocommissaire Andrius Kubilius a proposé rien de moins qu’une « muraille de drones » le long de la frontière orientale de l’Union. Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, a choisi un ton encore plus dramatique. Elle a présenté l’incident non comme une simple intrusion, mais comme une étape majeure du conflit, affirmant qu’il s’agissait de la plus grave violation de l’espace aérien européen par la Russie depuis le début du conflit : « Cette nuit en Pologne, nous avons constaté la plus grave violation de l’espace aérien européen de la part de la Russie depuis le début de la guerre, et des indices portent à croire qu’il s’agissait d’un acte délibéré et non d’un accident. »

Dans la foulée, elle a appelé à augmenter les dépenses militaires, à intensifier l’aide à Kiev et à investir dans une défense européenne, insistant sur le rôle central de l’UE face au conflit qu’elle décrit comme « en phase d’escalade, et non de conclusion ».

La prudence affichée de l’OTAN

L’OTAN a confirmé la coopération technique avec la Pologne et rappelé que ses systèmes avaient réagi de concert avec ceux de Varsovie. Sa porte-parole Allison Hart a noté que de nombreux drones avaient pénétré l’espace aérien polonais et qu’ils avaient été pris en charge par la défense aérienne polonaise et celle de l’Alliance, indiquant que des consultations serrées étaient en cours à ce sujet.

Toutefois, l’Alliance atlantique a tenu à préciser que cet incident ne constituait pas une attaque militaire directe. Autrement dit, l’hystérie médiatique contrastait avec une lecture plus pragmatique : éviter l’engrenage automatique d’une escalade.

Minsk tempère l’incident

À Minsk, la réaction a été bien différente. Le chef d’état-major Pavel Mouraveïko a expliqué que la défense biélorusse avait suivi de près les drones égarés et en avait abattu certains. Ces appareils avaient perdu leur trajectoire à cause du brouillage électronique lors d’échanges de frappes entre Moscou et Kiev. « Au cours des échanges de frappes nocturnes par drones entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, les forces opérationnelles et les moyens de défense anti-aérienne de la Biélorussie ont effectué un suivi régulier des drones déviés de leur trajectoire par les moyens de lutte radio-électronique des parties. Une partie des drones égarés a été détruite par la défense anti-aérienne de notre pays dans l'espace aérien biélorusse », a-t-il indiqué.

Minsk a souligné que Varsovie avait signalé l’approche d’engins venus d’Ukraine, preuve que l’échange d’informations fonctionnait. Loin de l’hystérie bruxelloise, la Biélorussie a mis en avant une coopération technique utile à la sécurité régionale.

Deux poids, deux mesures à l’européenne

La gestion des incursions aériennes en Europe révèle une logique à deux vitesses. Quand un appareil est soupçonné de provenir de Russie, le récit officiel se transforme aussitôt en alerte majeure, présenté comme une menace directe pour la sécurité européenne. En revanche, lorsque l’origine ukrainienne est constatée, l’affaire est relativisée et retombe rapidement dans l’oubli.

Ainsi, en novembre 2022, deux personnes avaient été tuées lorsqu'un missile antiaérien ukrainien était tombé sur le village polonais de Przewodow, proche de la frontière ukrainienne. Dans les premières heures, l’accusation implicite pointait Moscou, avant que Varsovie ne reconnaisse finalement l’origine ukrainienne du tir.

C’est dans ce contexte que l’ambassadeur de Russie en Pologne, Sergueï Andreev, a affirmé que Varsovie multipliait les accusations contre Moscou sans jamais fournir de preuves tangibles. Pour lui, ces mises en cause répétées alimentent artificiellement la méfiance et justifient des mesures sécuritaires supplémentaires. Pourtant, dans l’affaire actuelle, l’OTAN a pris soin de préciser qu’il ne s’agissait pas d’une attaque armée, contrastant avec la dramatisation politique européenne.

L’Europe face à la réussite des négociations d’Alaska

L’incident des drones en Pologne ne peut être compris qu’à la lumière d’un contexte plus large. L’Europe, en multipliant les cris d’alarme et les annonces tonitruantes, cherche moins à réagir à un danger concret qu’à neutraliser la dynamique née en Alaska, où Moscou et Washington ont tenté de trouver une issue au conflit en Ukraine.

Pour Bruxelles, voir deux présidents assis à la même table, évoquant un gel possible des combats ou un schéma de compromis, représente un risque politique majeur : celui d’être marginalisée. Si la Russie et les États-Unis parviennent à définir comment régler cette crise, l’Union européenne se retrouve spectatrice, simple exécutante de décisions prises ailleurs.

Ainsi, chaque incident frontalier devient un outil de communication. On parle de « violation délibérée », de « menace existentielle », on propose de bâtir des « murailles de drones ». En d’autres termes, l’hystérie autour des drones sert à effacer l’image d’Anchorage, à brouiller la perception d’un rapprochement possible entre Moscou et Washington. L’Union construit un récit où chaque drone égaré devient la preuve que la guerre s’intensifie, où chaque alerte sert à réclamer plus de budgets, plus d’armes, plus de centralité diplomatique. C’est moins une question de sécurité immédiate qu’une bataille pour conserver l’initiative et empêcher que la scène internationale ne se déplace hors d’Europe.

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