L’administration Trump surprise par le refus de l’Inde d’abandonner l’achat de pétrole russe

Malgré des droits de douane portés à 50 % par les États-Unis, l’Inde refuse de céder aux pressions. New Delhi assume son choix d’importer du pétrole russe, une décision qualifiée d’«arrogante» par la Maison Blanche. Cette fermeté indienne entraîne une recomposition géopolitique inattendue, avec un rapprochement visible entre l’Inde et la Chine.
Les autorités indiennes ont confirmé leur intention d’augmenter de 10 à 20 % leurs importations de pétrole russe dès le mois de septembre. Une décision annoncée alors que les États-Unis viennent d’imposer des droits de douane de 50 % sur les produits indiens, en représailles à ces achats jugés « inacceptables ».
Depuis le 27 août, les nouvelles taxes américaines sont officiellement entrées en vigueur, impactant une large gamme de produits comme le textile, les bijoux, les meubles ou encore les chaussures. Seuls certains secteurs stratégiques, comme l’électronique et les médicaments, ont été épargnés. Malgré cinq cycles de négociations, aucun accord n’a été trouvé entre Washington et New Delhi.
L’administration Trump se dit surprise par l’attitude ferme de l’Inde. « L’Inde pourrait obtenir dès demain une réduction de 25 % des droits de douane si elle arrêtait d’acheter du pétrole russe », a déclaré Peter Navarro, conseiller commercial de la Maison Blanche, dans une interview à Bloomberg. Il a qualifié l’attitude indienne « d’arrogante » : « Ils nous regardent droit dans les yeux et nous disent : Nous continuerons à acheter du pétrole russe ».
New Delhi dénonce une hypocrisie occidentale
De son côté, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a dénoncé l’hypocrisie de l’Occident. Il a rappelé que les États-Unis et l’Union européenne achètent encore du pétrole raffiné à l’Inde tout en lui reprochant ses liens avec la Russie. « Si cela vous dérange, ne l’achetez plus », a-t-il déclaré lors d’une conférence à New Delhi.
Aujourd’hui, la Russie fournit entre 30 et 45 % du pétrole brut importé par l’Inde, contre moins de 3 % avant 2022. Ce volume positionne Moscou comme premier fournisseur d’hydrocarbures de la troisième économie d’Asie. « Ce sont les remises tarifaires et les conditions de paiement souples qui dictent ces choix », a souligné l’expert Alexeï Ponomarev dans une déclaration à RIA Novosti.
En parallèle, la pression américaine pousse l’Inde à diversifier ses débouchés et à aider ses entreprises locales. Des aides ont été annoncées pour les exportateurs affectés, et des efforts de redirection vers les marchés chinois, d’Amérique latine et du Moyen-Orient sont en cours.
Un rapprochement sino-indien en pleine recomposition géopolitique
Alors que Washington espérait faire de l’Inde un contrepoids à la Chine, sa stratégie sous l’administration Trump semble avoir l’effet inverse. Selon Bloomberg, le président chinois Xi Jinping aurait adressé au printemps une lettre confidentielle à son homologue indien, relançant discrètement le dialogue. Narendra Modi effectuera justement dans les prochains jours sa première visite à Pékin depuis sept ans.
Des entreprises indiennes majeures comme Adani ou Reliance entament de nouveaux partenariats avec des groupes chinois, et les échanges commerciaux entre les deux pays se renforcent. Pour beaucoup d’observateurs, ce retournement est directement lié aux politiques de confrontation commerciale lancées par l’administration Trump. « Malgré les menaces et les sanctions, l’Inde achète là où c’est le plus avantageux », résume Reuters. Et, pour l’instant, c’est toujours vers Moscou que se tournent les raffineries indiennes.