Dans Gaza sous les bombes, les habitants craignent une nouvelle «Nakba»
- Avec AFP
Les Palestiniens vivent avec le traumatisme collectif de la «Nakba», l'exode forcé de 700 000 d'entre eux en 1948, à la création d'Israël. Ils font aujourd'hui face à un dilemme tragique, entre la crainte des bombes et le désir de ne pas abandonner leur terre.
Omar Ashour, réfugié lors de la «Nakba», la «catastrophe» que fut pour les Palestiniens la création d'Israël en 1948, craint que les bombardements israéliens incessants sur la bande de Gaza le pousse une nouvelle fois sur les routes de l'exode.
Ce général à la retraite des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne vit à Al-Zahra, au sud de la ville de Gaza, où les missiles israéliens ont aplati dans la nuit de jeudi à vendredi plus de 20 immeubles plantés les uns à côté des autres, après avoir averti les habitants qui se sont précipités dehors sans savoir où aller.
Au petit matin, les riverains ont découvert des scènes de désolation, des bâtiments réduits à l'état de poussière et des ruines fumantes, a constaté une journaliste de l'AFP.
Le quartier se situe à une dizaine de kilomètres de la ville de Gaza, où Israël dit frapper le centre des opérations du mouvement islamiste Hamas qui a mené le 7 octobre l'attaque la plus meurtrière sur le sol israélien depuis la création de l'Etat.
«J'ai peur que les destructions actuelles suivent un plan clair»
Lorsque l'armée israélienne a exhorté les habitants de toute cette partie nord de la bande de Gaza à partir vers le sud, Ashour, 83 ans, est resté. Mais au-delà des bombardements, il s'inquiète de l'avenir et craint que la guerre ne pousse les habitants de Gaza, dont les deux tiers ont déjà le statut de réfugiés, à fuir.
«Ce qui se passe est dangereux», dit-il à l'AFP. «J'ai peur que les destructions actuelles suivent un plan clair, que les gens ne trouvent pas d'endroit où vivre et que cela provoque une deuxième Nakba», ajoute-il en référence au déplacement et à l'expulsion d'environ 760.000 Palestiniens de leurs terres à la création d'Israël.
La population de Gaza, où s'entassent 2,4 millions de Palestiniens, est essentiellement composée de descendants d'une partie de ces réfugiés. En 1948, Omar Ashour, qui avait huit ans, et sa famille, ont fui al-Majdal, dans le secteur de l'actuelle ville israélienne d'Ashkelon, pour atterrir à Gaza. Les scènes de la guerre actuelle font resurgir des souvenirs.
«Ce qui se passe aujourd'hui est plus sordide. (A l'époque), Israël tirait pour tuer et faire fuir mais la situation actuelle est plus monstrueuse», affirme-t-il.
La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante le 7 octobre de commandos du Hamas sur le sol israélien, qui a fait plus de 1 400 morts, en majorité des civils fauchés par balles, brûlés vifs ou morts de mutilations au premier jour de l'attaque, selon les autorités israéliennes. Environ 1 500 combattants du Hamas ont été tués dans la contre-offensive ayant permis à Israël de reprendre le contrôle des zones attaquées, selon l'armée.
Dans la bande de Gaza, plus de 4 100 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans les bombardements menés en représailles par l'armée israélienne, selon le dernier bilan des autorités locales. Au moins un million de Gazaouis ont été déplacés, d'après l'ONU. Le territoire est assiégé par Israël qui a coupé l'approvisionnement en eau, nourriture, médicaments et électricité.
«Où irons-nous?»
Dans les décombres d'Al-Zahra, le regard hagard de Rami Abou Wazna se porte sur la gauche, puis sur la droite. Au moins 24 bâtiments ont été rasés dans son quartier, d'après une journaliste de l'AFP.
«Même dans mes pires cauchemars, je ne pensais pas que ce serait possible», souffle-t-il. Des milliers de résidents ont passé la nuit à essayer de se protéger des dizaines de frappes israéliennes.
«Pourquoi nous bombarder, nous, civils? Où irons-nous? Tout est parti», s'interroge Rami Abou Wazna. «Nous entendions nos grands-parents parler de la Nakba, et aujourd'hui on la vit, mais nous ne quitterons pas notre terre».
Dans les décombres, Oum Ahmad et deux de ses fils tentent de récupérer quelques affaires. «Nous avons passé une nuit en enfer. Le ciel était rouge, tout a été détruit», dit-elle, l'abaya couverte de poussière. «Nous n'avons rien pris avec nous. J'essaye de retrouver des vêtements pour les enfants pour les protéger du froid». «Ils veulent nous rendre sans-abris», se désole-t-elle.