Le Burkina Faso a demandé le départ de l'ambassadeur de France sur fond de tensions
Dans un contexte de profondes tensions entre la France et le Burkina Faso, Ouagadougou a demandé le replacement de l'ambassadeur de France dans le pays. Selon une source diplomatique citée par l'AFP, ce dernier serait toutefois «toujours au travail».
Selon une information publiée le 2 janvier par le site de l'hebdomadaire Jeune Afrique, et confirmée le même jour par Le Monde, qui citent respectivement une source française et une source officielle française, les autorités de transition du Burkina Faso ont demandé le départ du pays de l'ambassadeur de France Luc Hallade.
Selon les deux médias, c'est via un courrier officiel adressé fin décembre au Quai d'Orsay que la ministre burkinabè des Affaires étrangères, Olivia Rouamba, a demandé à Paris de pouvoir «changer d’interlocuteur». Une information confirmée auprès de Jeune Afrique par une source gouvernementale burkinabè : «Nous avons demandé son remplacement.»
Interrogé par l'AFP le 3 janvier, le quai d'Orsay a également confirmé avoir «reçu une lettre des autorités de transition burkinabè». «Il ne s'agit pas d'une démarche habituelle et nous n'avons pas de commentaire public à faire en réaction», a indiqué un porte-parole, se refusant à donner des précisions sur le contenu de cette lettre. Une source diplomatique française citée par l'agence de presse a de son côté expliqué que Luc Hallade était «toujours au travail» à Ouagadougou, ajoutant que «l'équipe [faisait] un travail remarquable dans des conditions difficiles».
Aucune raison officielle à la requête des autorités du Burkina Faso n'a pour l'heure été révélée. Mais les relations entre Paris et Ouagadougou se sont grandement détériorées ces dernières mois, après le coup de force des militaires du 30 septembre dernier qui a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré, renversant le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba qui avait lui même pris le pouvoir par un putsch le 24 janvier.
Des manifestations récurrentes contre la présence française, Luc Hallade convoqué
Depuis, les manifestations contre la France se multiplient : l'ambassade de France a été prise pour cible le 2 octobre, et plusieurs centaines de personnes ont demandé le départ de la France du pays le 28 octobre, puis de nouveau le 18 novembre. En réaction, le ministre français des Armées Sebastien Lecornu avait expliqué que Paris n'écartait pas un départ de ses forces spéciales basées au Burkina Faso.
Luc Hallade avait de son côté irrité les autorités du pays en juillet dernier, lorsque face aux sénateurs français il avait affirmé que le «conflit endogène» au Burkina Faso était «en réalité une guerre civile». Le ministère burkinabè des Affaires étrangères l'avait alors invité dans un communiqué publié le 21 juillet à «plus de nuances».
Et selon Le Monde, qui cite sans plus de précisions «plusieurs sources», dans ce contexte, la goutte d'eau le concernant serait un courrier envoyé aux ressortissants français de Koudougou le 12 décembre dans lequel l’ambassadeur aurait invité «avec insistance»les Français habitant cette ville à se «relocaliser» dans la capitale ou dans le sud-ouest du pays, à Bobo-Dioulasso.
L'ambassadeur aurait précisé que la ville était «passée en zone rouge depuis le coup d’Etat du 30 septembre 2022»,et qu'y rester représentait donc un «risque important». Le quotidien affirme que l'ambassadeur de France avait été convoqué par le ministère burkinabé des Affaires étrangères à la suite de ce courrier, bien que l'entretien n'ait finalement jamais eu lieu.
Au-delà du cas du diplomate, c'est évidemment la relation entre les deux pays qui est à un tournant majeur. La France est présente militairement au Burkina Faso avec la force Sabre, un contingent de forces spéciales basé à Kamboinsin, en périphérie de la capitale. Mais le 29 novembre à l'issue du premier – et unique – entretien entre l'ambassadeur de France et le Premier ministre Apollinaire Joachim Kyelem de Tambela, Paris expliquait que des négociations étaient en cours pour faire évoluer la coopération militaire, soulignant toutefois que «les forces spéciales françaises resteront tant que les autorités burkinabèes le souhaiteront, mais sous un format adapté, plus restreint». Quelques jours plus tard, Ouagadougou annonçait la suspension de la diffusion des programmes de RFI puis l'expulsion de deux citoyens français accusés d'espionnage.
Une situation qui fait écho à celle du Mali pays voisin du Burkina Faso également dirigé par des militaires depuis 2020, où la France, ex-puissance coloniale, est de plus en plus vilipendée alors que dans le même temps Moscou jouit d'un soutien populaire grandissant. Selon Jeune Afrique, le Premier ministre burkinabè se serait discrètement rendu à Moscou début décembre, nourrissant les spéculations sur un rapprochement à venir.