Les Etats-Unis annoncent avoir tué le chef d'Al-Qaïda dans une frappe en Afghanistan
- Avec AFP
Le président américain Joe Biden a annoncé qu'une frappe aérienne dans la capitale afghane avait permis d'éliminer Ayman al-Zawahiri, qui avait pris le relais d'Ousama ben Laden à la tête d'Al-Qaïda et était activement recherché.
Le chef d'Al-Qaïda, l'Egyptien Ayman al-Zawahiri, a été tué dans la nuit du 30 au 31 juillet en Afghanistan par une frappe de drone américain, a annoncé le 1er août le président américain Joe Biden, en direct à la télévision. «Samedi [30 juillet], sur mes ordres, les Etats-Unis ont mené à bien une frappe aérienne sur Kaboul, en Aghanistan, qui a tué l'émir d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri», a-t-il lancé lors d'une courte allocution depuis la Maison Blanche. «Justice a été rendue et ce dirigeant terroriste n'est plus», a ajouté Joe Biden.
I made a promise to the American people that we’d continue to conduct effective counterterrorism operations in Afghanistan and beyond.
— President Biden (@POTUS) August 2, 2022
We have done that. pic.twitter.com/441YZJARMX
Ayman al-Zawahiri, apparu dans une vidéo diffusée par Al-Qaïda à l'occasion du vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre, était l'un des terroristes les plus recherchés au monde, les Etats-Unis ayant promis 25 millions de dollars pour tout renseignement permettant de le retrouver. Il avait pris la tête de la nébuleuse djihadiste en 2011, après la mort d'Oussama Ben Laden, tué par un commando américain au Pakistan. Introuvable depuis plus de dix ans, il était considéré comme un des cerveaux des attentats du 11 Septembre qui avaient fait près de 3 000 morts aux Etats-Unis. Selon le président démocrate, sa mort permettra aux familles des victimes tuées le 11 septembre 2001 dans les tours jumelles du World trade center, à New York, et au siège du Pentagone près de Washington, «de tourner la page».
L'attaque au drone a été menée à l'aide de deux missiles Hellfire et sans aucune présence militaire américaine au sol, a précisé un responsable américain. Ayman al-Zawahiri avait été repéré «à de multiples reprises et pour de longues durées sur le balcon où il a finalement été touché» par la frappe dans la capitale afghane, a-t-il ajouté. Selon l'AFP, les Etats-Unis auraient pu recourir à des missiles Hellfire R9X «flying ginsu», du nom d'une marque américaine de couteaux d'inspiration japonaise : cette version modifiée du missile américain serait dépourvue de charge explosive mais dotée de six lames qui se déploient avant l'impact, afin de découper la cible sans effet de souffle.
La maison de trois étages est située à Sherpur, quartier aisé de la capitale afghane, où plusieurs villas sont occupées par des responsables et des commandants Taliban de haut rang. Plusieurs habitants interrogés par l'AFP pensaient que la demeure était vide. «Nous n'avons vu personne y vivre depuis près d'un an», a assuré un employé d'un bureau voisin. La maison «a toujours été [plongée] dans le noir, sans une seule ampoule allumée».
Le 31 juillet, le ministre afghan de l'Intérieur avait démenti les informations faisant état d'une frappe de drone à Kaboul, indiquant à l'AFP qu'une roquette avait touché «une maison vide» de la capitale. Le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid a tweeté, tôt le 2 août, qu'une «attaque aérienne» avait été menée à l'aide de «drones américains».
Le porte-parole des talibans accuse les Etats-Unis de ne pas avoir respecté les accords de Doha
Joe Biden, qui était malade du Covid-19 et s'était soumis à un strict régime d'isolation lorsqu'il a ordonné la frappe le 25 juillet, a précisé lors de son allocution que l'opération n'avait fait «aucune victime civile». La présence d'Ayman al-Zawahiri à Kaboul constitue par ailleurs une «violation claire» des accords conclus à Doha en 2020 avec les Taliban, qui s'étaient engagés à ne pas accueillir Al-Qaïda sur leur sol, a noté le haut responsable américain. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a ajouté le soir du 1er août qu'en «hébergeant et en abritant» Ayman al-Zawahiri, les talibans avaient «grossièrement violé l'accord de Doha» qui prévoyait le départ des troupes américaines d'Afghanistan.
Zabihullah Mujahid a accusé de son côté les Etats-Unis d'avoir dérogé à ces accords en conduisant une frappe sur leur territoire. «De telles actions constituent une répétition des expériences ratées des 20 dernières années et sont contraires aux intérêts des Etats-Unis d'Amérique, de l'Afghanistan et de la région», a-t-il estimé.
Dans le cadre de l'accord de Doha, les Taliban ont promis de ne pas laisser l'Afghanistan redevenir une rampe de lancement du djihad international, mais selon les experts, le groupe n'a jamais rompu ses liens avec Al-Qaïda. «Ce que nous savons, c'est que les hauts responsables Taliban de Haqqani étaient au courant de sa présence à Kaboul», a détaillé un responsable de l'administration Biden.
L'Arabie Saoudite se félicite de la mort du chef d'Al-Qaïda
Riyad a exprimé sa satisfaction le 2 août, à la suite de cette annonce : «Le royaume d'Arabie saoudite se félicite de l'annonce par le président américain Joe Biden (...) de la mort du chef terroriste d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri», a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. Le ministère a qualifié al-Zawahiri d'«un des leaders du terrorisme qui a dirigé la planification et l'exécution d'odieuses opérations terroristes aux Etats-Unis, en Arabie saoudite et dans plusieurs autres pays du monde».
En fuite depuis les attentats du 11 septembre 2001, Ayman al-Zawahiri a grandi dans un foyer confortable du Caire avant de se tourner vers l'islam radical et violent. Il a quitté l'Egypte au milieu des années 1980, pour rejoindre la ville de Peshawar, dans le nord-ouest du Pakistan, où se trouvait la résistance à l'occupation soviétique de l'Afghanistan. C'est à cette époque, alors que des milliers de combattants islamistes affluaient en Afghanistan que Ayman al-Zawahiri et Oussama ben Laden se sont rencontrés. En 1998, il est devenu l'un des cinq signataires de la «fatwa» d’ Oussama ben Laden appelant à des attaques contre les Américains. Héritant en 2011 d'une organisation affaiblie, Ayman al-Zawahiri, âgé de 71 ans, avait dû pour survivre multiplier les «franchises» et les allégeances de circonstances, de la péninsule arabique au Maghreb, de la Somalie à l'Afghanistan, en Syrie et en Irak.
«Malgré la direction de Zawahiri [...], le groupe fait toujours face à d'importants défis. D'abord, la question de savoir qui va diriger Al-Qaïda après la disparition de Zawahiri», a estimé Colin Clarke, chercheur au cercle de réflexion américain Soufan Group. Al-Qaïda avait déjà perdu son numéro 2, Abdullah Ahmed Abdullah, tué en août 2020 dans les rues de Téhéran par des agents israéliens lors d'une mission secrète commanditée par Washington, information révélée quelques mois plus tard par le New York Times.
L'annonce du 1er août intervient moins d'un an après le chaotique retrait d'Afghanistan des forces américaines, qui avait permis aux talibans de reprendre le contrôle du pays, vingt ans après le début de l’intervention occidentale lancée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. L'Afghanistan a également été, depuis le retour des Taliban, la cible de plusieurs attaques terroristes orchestrées par Daesh visant les communautés minoritaires chiites et soufies.