«Objectif désintox» : l’AFP et Google officialisent leur alliance contre les fake news
L’AFP a officialisé le 6 décembre son partenariat avec le géant du web Google dans l'objectif affiché de lutter contre les fake news. «Objectif désintox» n’est cependant pas la première immixtion des GAFAM dans le traitement de l’information.
A l’approche des élections présidentielles, l’AFP a annoncé le 6 décembre sur son compte Twitter un partenariat avec le géant du web Google. Baptisé «Objectif désintox», «ce programme de formation et de collaboration, à destination des rédactions françaises, s'appuiera sur une alliance des médias et d’organisations de fact-checking intéressés dans la lutte contre la désinformation», affirme leur communiqué commun.
Objectif Desinfox 🚀 L'AFP et Google lancent aujourd’hui une alliance contre la désinformation : pour que tous ceux qui veulent puissent, dans les mois vers l’élection présidentielle, participer à la lutte contre la désinformation et offrir à nos lecteurs les faits qui comptent
— Agence France-Presse (@afpfr) December 6, 2021
Ce partenariat sera assuré «grâce au soutien financier de Google», selon le PDG de l’AFP, Fabrice Fries, qui assure toutefois que son agence agira «en toute indépendance éditoriale» et que l'accès pour les utilisateurs sera gratuit. Il devrait se décliner en cinq axes principaux.
En premier lieu, des formations en ligne seront organisées à destination de tous les médias revendiquant la pratique du fact-checking (anglicisme signifiant la vérification de l'information).
En second lieu, une plateforme commune, censée servir de hub entre les membres de cette alliance, verra le jour. Un dispositif de signalement de fake news devrait y être intégré.
Troisième axe : des réunions thématiques devraient être ponctuellement organisées et animées par l’AFP, réunions auxquelles tous les membres pourront participer également. Des intervenants extérieurs, comme des experts, devraient y prendre part.
Quatrièmement : tous les membres de l’alliance bénéficieront de contenus établis par l’AFP sur le site AFP Factuel. Enfin, un programme d’accompagnement des rédactions est prévu.
Tous ces contenus devraient également bénéficier du label «Objectif désintox». «La coalition des médias vise à souder les rangs des acteurs de la lutte contre la désinformation dans la perspective […] de l’élection présidentielle» , a ainsi déclaré le PDG de l’AFP, Fabrice Fries.
Les GAFAM investissent de plus en plus le traitement de l’information
Ce n’est pas la première fois qu’un géant du web s’allie avec la presse dans le cadre de partenariats liés au domaine de l’information. Le quotidien Le Monde avait notamment publié en janvier 2018 un article justifiant son alliance avec Facebook au sujet de sa cellule de fact-checking : Les Décodeurs.
Fustigeant «la prolifération des fausses informations, ou infox, sur les réseaux sociaux pendant la présidentielle américaine de 2016», Facebook avait alors mis en place son propre système de vérification de l’information aux Etats-Unis. Un combat que Le Monde assurait partager sans réserve, d’où son alliance avec la société de Mark Zuckerberg.
En 2017 déjà, huit médias français s’étaient justement alliés à Facebook en affirmant vouloir lutter contre les fausses nouvelles. Il s’agissait, outre Le Monde, de l’AFP, BFMTV, France Télévisions, France Médias Monde, L’Express, Libération et 20 Minutes.
Cette immixtion de plus en plus grande des géants du web dans le traitement de l’information ne se fait toutefois pas sans soulever des interrogations. Le Monde a assumé pour sa part être directement rétribué par Facebook pour effectuer ce travail «depuis le milieu de l’année 2017» tout en assurant à ses lecteurs que «ce partenariat n’entrave en rien [son] indépendance éditoriale vis-à-vis de Facebook».
Si Le Monde a ainsi vanté le «pragmatisme» des rédactions ayant fait le choix de s’allier aux géants du web, dans les faits, l'algorithme dispose d'un rôle important dans la détection des informations jugées problématiques.
Celles-ci peuvent alors voir leur diffusion réduite par ce même outil, et assorties d'une mention «faux», «retouché» ou encore «titre trompeur». Un point très apprécié par Jérôme Fenoglio, directeur du Monde : «C’est cet élément qui nous a décidés. Pour la première fois, il serait possible d’agir sur un algorithme quand un contenu pose un problème éditorial».
Des algorithmes faillibles malgré la confiance qui leur est prêtée ?
Pourtant cette confiance affichée soulève des questions de diverses natures. A titre d'exemple, Facebook s'était attiré une avalanche de critiques pour son algorithme qui censurait à l'extrême toute forme de nudité. Cela avait notamment affecté la célèbre photographie de Nick Ut Cong Huynh qui avait immortalisé une jeune fille courant nue, brûlée par du napalm à l'époque de la guerre du Vietnam.
Par ailleurs, la censure de toute forme de nudité semblait notamment avoir conduit Facebook à incorporer les œuvres d’art dans son algorithme avant d'être contraint de réviser sa politique en la matière. Pour rappel, des œuvres célèbres comme L'origine du monde de Gustave Courbet étaient censurées par le réseau social, entraînant une querelle juridictionnelle afin que Facebook comparaisse bien devant un tribunal français.
Outre des questions techniques, la problématique de la neutralité politique des géants de la toile se pose elle aussi, comme en témoigne l'implication de Facebook sur le terrain des informations liées au Covid, son rôle durant la dernière présidentielle américaine, les accusations de censure qui le visent, sans parler du sort réservé aux médias russes sur cette plateforme.