Gilets jaunes : «La situation est bien pire qu’il y a trois ans», selon Jérôme Rodrigues (ENTRETIEN)
Deux figures des Gilets jaunes, Jérôme Rodrigues et David Poulain, sont revenues sur l'évolution du mouvement sur le plateau de RT France le 17 novembre. Ils se sont notamment alarmés de l'aggravation de la situation en France depuis trois ans.
Le mouvement des Gilets jaunes célèbre aujourd’hui son troisième anniversaire depuis sa première manifestation d’envergure, le 17 novembre 2018. 300 000 Français étaient alors descendus dans les rues pour manifester contre la hausse des prix du carburant, l'ampleur de cet élan spontané ayant pris le gouvernement de court.
Jérôme Rodrigues, ex-figure des Gilets jaunes, a estimé que les problématiques qui avaient poussé les Gilets jaunes à protester massivement en 2018 s'étaient aggravées. «Force est de constater que la situation est bien pire que celle pour laquelle on était descendus dans la rue [en 2018], ne serait-ce que si on se fixe sur ce fameux prix de l'essence. Il est beaucoup plus cher, au moins de 20%, de ce qu'il était trois ans auparavant», a-t-il notamment affirmé sur le plateau de RT France le 17 novembre.
«La situation est critique», s'est-il alarmé, évoquant notamment la crise du Covid-19, qui a révélé d'après lui l'absence «de solutions autour de l'hôpital» ou l'utilisation des deniers publics. «Il y a beaucoup de questions Gilets jaunes qui se posent aujourd'hui. [...] La situation est bien critique, pire qu'avant», selon Jérôme Rodrigues.
Une résignation générale et une peur de manifester en France ?
Il a également pointé du doigt la résignation des Français. «C'est très compliqué d'analyser le pourquoi du comment les gens aujourd'hui ne réagissent pas. Est-ce qu'il faut l'énergie du désespoir pour qu'ils se sentent concernés ?», s'est-il ainsi interrogé.
Une opinion partagée par David Poulain, président du syndicat de Gilets jaunes Les Constructifs, qui a également témoigné à l’antenne de RT France. Selon lui, l'absence de réaction populaire serait liée au fait que «l'Etat, aujourd'hui, fait jouer la planche à billet». «On est en train d'acheter les gens en donnant de l'argent que nous n'avons pas, en aggravant [la] situation économique», selon David Poulain, qui a dénoncé certaines mesures comme la réforme des retraites. «On est en train de proposer à la nouvelle jeunesse d'avoir une retraite plus tard divisée par deux, donc plus d'espoir. [...] La psychologie collective est explosive», a-t-il poursuivi.
David Poulain a ainsi estimé que «l'étincelle» avait plus de chances de s'exprimer dans les urnes lors de l'élection présidentielle, que lors des manifestations qui «[n'apportent] que de la répression et de la diabolisation», et parfois une mort sociale.
Les deux hommes ont également mis en avant les nombreux risques qu'implique selon eux le fait de manifester en France. «C'est plus de 2 400 blessés, 30 éborgnés, cinq mains arrachées, plus de 1 000 arrestations, Amnesty International a mis en avant l'ensemble des gardes à vues qui ont été prononcées et des peines encourues et prononcées également au bout de 24h», a ainsi énoncé Jérôme Rodrigues.
L'ONU avait à ce titre demandé le 6 mars 2019 à la France de justifier son «usage violent et excessif de la force» lors des manifestations à l'époque, provoquant une réponse cinglante de Paris qui estimait que les forces de l'ordre avaient affaire à des «attroupements», c'est-à-dire «une manifestation qui a dégénéré dans la violence».
Ils ont cependant nié tout caractère politique du mouvement des Gilets jaunes, mettant en avant son horizontalité et sa dimension civique. «Les Gilets jaunes ne sont pas un mouvement qui va sauver les Français, c'est un thermomètre», a ainsi avancé David Poulain pour justifier l'absence de leadership.
«Le mouvement n'est pas mort», a par ailleurs assuré Jérôme Rodrigues. Il a néanmoins précisé craindre que «ça peut très mal se passer». «Les gens arrivent à un trop-plein», a-t-il prévenu.