Algérie : à peine révélé, le rapport Stora irrite déjà une partie de la droite
L'historien Benjamin Stora a remis son rapport portant sur la mémoire de la colonisation de l'Algérie par la France. Avec des actes symboliques, Emmanuel Macron veut ainsi réconcilier. Mais certains à droite s'indignent déjà.
Un rapport remis le 20 janvier à Emmanuel Macron par l'historien Benjamin Stora prône la réconciliation des mémoires des deux pays avec la préconisation de plusieurs actions : reconnaissance par la France de l'assassinat de l'avocat et militant politique Ali Boumendjel, publication d'un «guide des disparus» algériens et européens pendant le conflit, travaux sur les essais nucléaires français dans le Sahara et leurs conséquences, ainsi sur la pose de mines antipersonnel durant la guerre ou encore la constitution en France d'une commission «Mémoire et vérité» qui sera «chargée d'impulser des initiatives communes entre la France et l'Algérie sur les questions de mémoires».
Près de 60 ans après la fin de la guerre d'Algérie, le souvenir de la colonisation et de la guerre reste vivace sur les deux rives de la Méditerranée. Au sein même de la France, différentes mémoires se confrontent, s'assemblent et s'opposent encore : harkis, pieds-noirs, immigrés algériens, binationaux, Français d'origine algérienne, nostalgiques de l'Algérie française,...
Nul doute, le rapport Stora aura du mal à résoudre l'épineuse question de la réconciliation, au risque même de raviver les tensions. Ce rapport a ainsi fortement agacé la droite. Pour certains élus de ce bord, cette démarche constituerait en effet un parti pris du chef de l'Etat en défaveur des Français rapatriés d'Algérie.
La sénatrice Les Républicains (LR) Valérie Boyer a par exemple publié sur Twitter un courrier de juillet dernier adressé à Emmanuel Macron et resté sans réponse, dans lequel elle affirmait que le choix de Benjamin Stora, un historien qui n'est pas dénué d'engagements politiques, était la confirmation d'«une prise de position sur la guerre d'Algérie». Elle y déplorait un «mépris de notre histoire» et «une repentance permanente à sens unique».
La réponse à mon courrier du 31/07/20 adressé au Chef de l'Etat sur la guerre d'Algérie a dû se perdre avec le rapport de Benjamin #Stora. Nous devons regarder notre passé avec lucidité et avoir pleinement conscience des drames vécus par tant de familles pic.twitter.com/Eq3wJ3hNkv
— Valérie Boyer (@valerieboyer13) January 20, 2021
La députée LR des Alpes-Maritimes, Michèle Tabarot, estime qu'«entre trahison et grande lâcheté, le chef de l’Etat commet une nouvelle faute impardonnable en sélectionnant parmi les mémoires». «Toutes mes pensées vont aux Français d’Algérie et aux harkis pour qui ces déclarations ravivent de douloureuses blessures», poursuit-elle.
Entre trahison et grande lâcheté, le Chef de l’État commet une nouvelle faute impardonnable en sélectionnant parmi les mémoires. Toutes mes pensées vont aux Français d’Algérie et aux Harkis pour qui ces déclarations ravivent de douloureuses blessures https://t.co/Rhd5B00Vgp
— Michèle Tabarot (@MTabarot) January 20, 2021
Le député européen du Rassemblement européen (RN) Gilbert Collard déplore lui aussi une «réconciliation à sens "inique"» car, selon lui, rien n'ayant été prévu dans le rapport pour commémorer «les pieds-noirs tués lors du massacre de la rue d'Isly».
Guerre d'#Algérie : pour #Macron la réconciliation est à sens "inique" : cérémonie officielle de commémoration pour les morts du #FLN du 17 octobre 1961 mais RIEN pour les Pieds-noirs tués lors du massacre de la rue d'Isly !
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) January 20, 2021
src : Le Figarohttps://t.co/BbMUT1f4uu
Le maire RN de Perpignan Louis Aliot qualifie quant à lui le rapport Stora de «honteux». «Macron a-t-il décidé, par l’intermédiaire du trotskyste Stora, de déclarer une guerre mémorielle à des familles françaises durement éprouvées par les atrocités du FLN et leurs porteurs de valises ?» s'interroge également l'ancien député.
Honteux ! : les 22 recommandations du rapport Stora ! Macron a-t-il décidé, par l’intermédiaire du trotskyste Stora, de déclarer une guerre mémorielle à des familles françaises durement éprouvées par les atrocités du FLN et leurs porteurs de valises ? https://t.co/gQhb6oLWoG
— Louis Aliot (@louis_aliot) January 20, 2021
Joachim Son-Forget, député ex-LREM, a pour sa part commenté pour RT France : «"La France n'a pas colonisé l'Algérie. Elle l’a fondée." comme le disait Ferhat Abbas. Et ce ne ne sont pas les mots d’un nostalgique de l’Algérie française que je rapporte là mais ceux d’un leader du FLN et président du Gouvernement provisoire de la République algérienne. On a trop souvent tendance à oublier cette vérité historique. Eu égard à celle-ci, je ne comprends pas que le président de la République ait pu demander un tel rapport. Les français l’attendent sur bien d’autres sujets.»
Prenant le contre-pied des avis précédents, le président du Mouvement radical (centre-droit, Macron-compatible), Laurent Hénard, a défendu le projet mené par Benjamin Stora : «C'est un sujet moral. On ne peut avancer que par l'éducation, pas en essayant de trouver des vainqueurs. Ce rapport semble un bon pas dans ce sens.»
.@LaurentHenart sur le rapport #France-#Algerie de @b_stora : "C'est un sujet moral. On ne peut avancer que par l'#éducation, pas en essayant de trouver des vainqueurs. Ce rapport semble un bon pas dans ce sens" #direct#MidiNews@CNEWSpic.twitter.com/E1wU0Qz4Eg
— Mouvement Radical (@MvtRadical) January 20, 2021
Ce 20 janvier, le rapport de l'historien Benjamin Stora a été remis à Emmanuel Macron. Commandé en juillet 2020 par le chef de l'Etat pour «dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie», ce document de 147 pages propose 22 mesures visant à construire une mémoire commune entre la France et son ancienne colonie.