Loi sur le séparatisme : symbole des fractures de la gauche ?

Loi sur le séparatisme : symbole des fractures de la gauche ?© Geoffroy Van Der Hasselt Source: AFP
Jean-Luc Mélenchon, fer de lance contre le projet de loi «confortant les principes républicains», le 23 juin 2019 à l'Assemblée représentative de la France insoumise.
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Le gouvernement a dévoilé son vaste projet de loi «confortant les principes républicains», qui réaffirme les principes de laïcité. Un projet qui réveille de fortes tensions entre deux gauches irréconciliables.

C'est 115 ans jour pour jour après l'adoption de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat en 1905 que le gouvernement a choisi de présenter son «projet de loi visant à conforter les principes républicains». Le texte prévoit un meilleur encadrement de la haine en ligne, mais aussi de créer un «délit de pression séparatiste» pour protéger les fonctionnaires victimes de menaces ou violences, ou encore introduit l'interdiction des certificats de virginité. Autre mesure phare du projet, l'extension du devoir de neutralité aux salariés des entreprises délégataires de service public, comme celles du secteur des transports en commun. Cette politique du gouvernement, qui cherche ici à lutter contre l'islamisme au sein de la société française, suscite de nombreuses critiques, plus particulièrement à la gauche de l'échiquier politique. 

Face aux critiques, le gouvernement a connu des hésitations sur ce sujet sensible. Preuve de ces tâtonnements, le projet de loi a changé plusieurs fois de dénomination. D'abord nommé projet de loi contre le «communautarisme», il est devenu projet de loi contre le «séparatisme» puis contre les «séparatismes» avant que le gouvernement ne renonce à ce terme face à ceux qui le jugent stigmatisant pour les musulmans. Une critique venue essentiellement des rangs de la gauche et avec une virulence particulière du côté de La France insoumise (LFI).

Accompagné de son bras droit de toujours, Alexis Corbière, Jean-Luc Mélenchon n'en démord pas et dénonce inlassablement ce projet. «Venir nous chercher sur ce terrain-là, vous êtes sûrs de nous trouver», a lancé l'ancien sénateur socialiste lors une conférence de presse organisée à l'Assemblée nationale le 9 décembre autour du thème de la laïcité, peu après la présentation du projet de loi en Conseil des ministres. Il a alors fustigé les «intentions de stigmatisation à l'égard des musulmans» du gouvernement, avant regretter un «bavardage inutile qui rajoute à des lois qui existent déjà». 

Fer de lance de la fronde contre le projet de loi gouvernemental, le candidat à la prochaine élection présidentielle se fait très sévère dans toutes ses interventions : «Dans chaque alinéa il y a au moins deux sujets de polémiques, [...] on en sera à 700, 800 ou 1000 amendements, plus ceux qui se rapportent à l'extension de la laïcité à tout le territoire de la République», en référence au souhait de La France insoumise d'abroger le concordat appliqué en Alsace et en Moselle. Le tribun estime également que le projet de loi comporte des «mesures liberticides» voire dangereuses pour la liberté d'association. Une prise de position qui n'est pas nouvelle et qui avait déjà suscité une vive réponse de la part de Gérald Darmanin le 6 octobre dernier. Le ministre de l'Intérieur avait accusé La France insoumise d'être liée à un «islamo-gauchisme qui détruit la République», lors de la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

Un projet de loi qui réveille la guerre des gauches

Une critique du député marseillais qui est partagée par de nombreux partis et personnalités à gauche, à commencer par Benoit Hamon, qui a estimé lors d'un entretien accordé aux 4V sur France 2 que le gouvernement avait «confondu islam et islamisme, musulman et terroriste» avant de dénoncer le séparatisme des «élites françaises».

Le Nouveau parti anticapitaliste juge, pour sa part, dans un communiqué que «ce nouveau projet de loi "confortant les principes républicains" stigmatise essentiellement la communauté musulmane», avant de s'inquiéter du fait que «le texte prévoit entre autres de retoucher la loi de 1905 en intégrant la fermeture des lieux de culte par simple décision préfectorale».

Le projet de loi reçoit toutefois le soutien d'une autre partie de la gauche. En témoigne la réaction de l'ancien Premier ministre Manuel Valls, qui dénonce sur Twitter des «responsables et des intellectuels de gauche [qui ont] renoncé à ce combat [de la laïcité, voir qui se sont] compromis avec l’islamisme». L'ancien socialiste a partagé une tribune cosignée avec Elisabeth Badinter, Mohamed Sifaoui, Zineb El Rhazoui et Caroline Fourest entre autres.

Le mouvement Printemps républicain, proche de l'ancien Premier ministre, salue dans un communiqué le projet de loi comme «un texte qui dessine une direction claire permettant de lutter efficacement contre les séparatismes qui minent la République de l’intérieur».

La militante laïque et enseignante Fatiha Agag-Boudjahlat a appelé à «fêter la laïcité [qui est] notre patrimoine politique le plus précieux [mais aussi] le plus attaqué parce que le plus politique et le plus républicain, à l’ère des identités ethniques et religieuses véhémentes».

Le CCIF, pomme de discorde ?

Un point en particulier cristallise les tensions autour du projet gouvernemental. La loi doit permettre également un contrôle accru du fonctionnement et du financement des associations. Certaines très controversées, comme le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et l'association humanitaire BarakaCity, accusées de «propager des idées prônant l'islam radical» et d'être des «ennemies de la République» ont d'ailleurs d'ores et déjà été dissoutes ces dernières semaines. Des lieux de culte comme la mosquée de Pantin ont eux été fermés et le gouvernement a lancé des opérations contre des dizaines de mosquées «soupçonnées de séparatisme».

Ces dernières mesures ont attisé l'hostilité de cette gauche opposée au projet de loi. Le député insoumis Eric Coquerel a ainsi jugé sur Radio Orient que «la dissolution du CCIF qu’a fait le gouvernement n’est pas acceptable», avant d'annoncer qu'il appuierait «le recours du CCIF au Conseil d’Etat».

Pour Edwy Plenel, président de Mediapart, la dissolution du CCIF relève d'un «acte idéologique qui veut cacher la réalité qu'il documentait, l'islamophobie et empêcher l'auto-organisation des discriminés».

Des positions politiques dénoncées le 9 décembre sur le plateau de 24h Pujadas de LCI par l'essayiste de gauche Caroline Fourest, qui pointe les «politiques qui se sont acoquinés avec le CCIF». Une «officine islamiste» qui est accusée par la journaliste de «truquer les chiffres» au sujet des actes islamophobes.

Les débats parlementaires autour du projet de loi s'annoncent houleux, alors que le texte doit arriver dès le mois de janvier en commission des lois à l'Assemblée nationale. A deux ans de l'élection présidentielle, la loi sur les séparatismes marquera-t-elle un énième divorce idéologique au sein de la gauche ?

Charles Demange

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