Nouvelle-Calédonie : contexte et enjeux du nouveau référendum sur l’indépendance
Les Néo-Calédoniens sont appelés à se prononcer sur l'accession du territoire à la pleine souveraineté dans le cadre d'une consultation populaire organisée deux ans après un premier référendum d'autodétermination. Explications.
Territoire composé de dizaines d'îles dans le Pacifique Sud, la Nouvelle-Calédonie compte aujourd'hui plus de 270 000 habitants et relève de la souveraineté française depuis 1853. Après avoir servi de bagne et de lieu pour l'exil politique, l'île est devenue un Territoire des Outre-mer (TOM) en 1946, avant d'accéder au statut de collectivité française en 1999.
Le 4 octobre 2020, sont appelés aux urnes quelque 180 340 citoyens inscrits sur une liste électorale spéciale pour le deuxième référendum d'autodétermination organisé dans le cadre de l'accord de Nouméa.Comme en 2018, où le «non» avait recueilli près de 57% des suffrages, les électeurs doivent répondre à la question suivante : «Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?»
Cette consultation populaire s'inscrit dans «un long processus de paix et de dialogue qui a permis à la Nouvelle-Calédonie de surmonter les traumatismes de son histoire pour se tourner vers l’avenir», peut-on lire sur l'espace officiel du scrutin, disponible sur les services en ligne de l'Etat en Nouvelle-Calédonie.
Autonomie vs indépendance
«La Nouvelle-Calédonie jouit déjà d’un statut très large d’autonomie, c’est une collectivité d’Outre-mer qui a un statut particulier», expliquait en 2018 à RT France, Sarah Mohamed Gaillard, spécialiste de l'Océanie.
La France ne garde la main que sur les pouvoirs régaliens que sont la sécurité, la justice, le droit général, la monnaie et la politique étrangère : «C’est un transfert irréversible», avait alors estimé Sarah Mohamed Gaillard .
«La question est [...] : souhaitez-vous qu’on vous transmette ces cinq compétences régaliennes ? Les partisans du oui demandent à être complètement souverains, ce qui n’empêchera pas de perpétuer la politique de rééquilibrage nord-sud. Mais cela veut dire que tout serait réorganisé. Il n’y aurait plus de partis politiques français, on assisterait à une recomposition politique complète», expliquait de son côté Alban Bensa, anthropologue spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, qui répondait à RT France depuis l’archipel du Pacifique.
«Ils géreraient eux-mêmes leurs propres affaires, et régiraient le rééquilibrage et les transferts des compétences à la manière d’un partenariat», poursuivait-il avant de souligner l'une des revendications principales des indépendantistes, qu’ils soient kanaks ou européens : celle de mettre un terme à la mainmise d’une économie de comptoir diligentée par quelques entreprises françaises qui vendent les denrées à prix d’or à la population.
Enjeux en 2020
«Si les électeurs votent pour l’accession à la pleine souveraineté, la Nouvelle-Calédonie deviendra un Etat indépendant [...] Si les électeurs votent contre l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, la situation des institutions restera la même qu’au jour du vote», précise la note d'information officielle du référendum de 2020.
Alors que les pronostics des observateurs semblent jouer en faveur de la deuxième option, celle-ci se traduirait donc par un statu quo, tant sur le volet diplomatique que sur celui de la citoyenneté. En revanche, elle pourrait ne pas endiguer ce que Le Monde qualifie de «radicalisation des positions». «La première consultation, encaissée comme une défaite par les "vainqueurs" – qui s'imaginaient "purger" les velléités d'indépendance – et saluée comme une victoire par les "vaincus" – regonflés par un score nettement supérieur à celui qui leur était promis –, a agi comme un électrochoc», relève le journal selon lequel l'issue du scrutin, quelle qu'elle soit, pourrait bien entretenir la dynamique du front indépendantiste. Une dynamique qui pourrait potentiellement prolonger le débat dans le cadre d'une troisième et ultime consultation à ce sujet. «Dans les conditions prévues par la loi organique, si un tiers des membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie le demandait à partir du sixième mois suivant le scrutin, un troisième référendum portant sur la même question sera organisé dans les dix-huit mois qui suivent cette demande», explique en effet le site officiel du référendum.
Polémiques sur place et réactions de la classe politique en métropole
«Alors que la première consultation avait été saluée pour son bon déroulé, le climat paraît désormais moins apaisé», relève France 24. «Tout ou presque est cette fois prétexte à désaccord», constate également Le Monde, soulignant l'existence de plusieurs thématiques génératrices de controverses : «règles d'inscription sur les listes électorales», modalités d'organisation du scrutin, utilisation de l'emblème national sur le matériel électoral, délais d'inscription dans les bureaux décentralisés», énumère le quotidien du soir. Pour satisfaire aux exigences des indépendantistes, le droit de vote a été restreint aux citoyens résidant de longue date et de manière continue en Nouvelle-Calédonie, et exclut notamment les personnes installées après 1994.
En outre, à l'approche du scrutin, le monde politique de la métropole a d'ores et déjà réagi à la situation, conformément aux orientations de chacun.
Si le parti présidentiel a par exemple reconnu «le droit inaliénable à l'autodétermination [du territoire]», le patron de la République en marche, Stanislas Guerini, a appelé, le 1er octobre, les Néo-Calédoniens à voter «non», estimant que «le territoire [avait] besoin de la France pour réussir».
La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a pour sa part exhorté «résolument et avec passion» les Calédoniens à voter «non». «Que le "oui" l'emporte, et votre territoire quittera à brève échéance notre patrie pour accéder à une indépendance pleine d'incertitudes et lourdes de dangers et de déchirements», a-t-elle mis en garde. Même son de cloche chez Les Républicains.
A gauche cette fois, Jean-Luc Mélenchon a dit s'en remettre aux Calédoniens, précisant toutefois : «Si je faisais parler mon cœur, je dirais, restons ensemble.»
Enfin chez les Verts, le patron d'EELV, Julien Bayou, a affirmé qu'il était «pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes».
Les douleurs du passé encore vives
Le passé néo-calédonien comporte son lot de douleurs alors que le peuple autochtone kanak s'est, à plusieurs reprises, élevé contre l'autorité française. Au fil du temps, la situation a ainsi vu se développer de vives tensions entre les communautés kanak et caldoche, les descendants de colons européens. «Le point culminant de ces tensions est la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988, dans lesquels 19 militants kanaks et six militaires français sont tués», relate à ce sujet France 24. C'est dans ce contexte qu'avait eu lieu le processus de réconciliation via un rééquilibrage économique et d'un partage du pouvoir politique, dans le cadre des accords de Matignon.