Colère policière des nuiteux : Lallement envisage des sanctions, discrimination syndicale ?

Colère policière des nuiteux : Lallement envisage des sanctions, discrimination syndicale ?© GEOFFROY VAN DER HASSELT Source: AFP
Des policiers nationaux se réunissent à la Défense le 15 juin après une déclaration de Christophe Castaner (image d'illustration).
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Des soutiens du syndicat des travailleurs de nuit de la police nationale sont menacés de sanctions pour leurs rassemblements du mois de septembre, mais pas les policiers qui ont manifesté en juin... Deux poids deux mesures, selon Option Nuit.

Lors de l'audition de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative à l'état des lieux sur la déontologie et les pratiques du maintien de l’ordre qui s'est tenue le 30 septembre, le député insoumis Ugo Bernalicis a interrogé le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, puis le préfet de police de Paris, Didier Lallement sur les rassemblements de policiers qui ont eu lieu sur tout le territoire depuis le mois de juin. A cette occasion, le préfet a annoncé qu'il envisageait des sanctions à l'encontre des policiers qui s'étaient rassemblés à Paris... mais pas n'importe lesquels : seulement ceux (38 d'entre eux précisément) qui se sont regroupés nuitamment à Paris au mois de septembre à l'appel du tout récent syndicat Option Nuit, ce qui donne lieu à une polémique dans les arcanes de l'univers sans concessions des corps intermédiaires policiers.

Il convient ici de rappeler que le statut de policier national ne permet pas de manifester en service, et encore moins avec le matériel administratif : véhicules, armes et tenues. Toute contravention à l'article R.434-29 du code de déontologie de la police et de la gendarmerie sur le devoir de réserve peut ainsi entraîner des sanctions allant jusqu'à la révocation.

En revanche, les policiers qui avaient manifesté au moins de juin, non pas à l'appel d'Option Nuit, mais plutôt à l'initiative des grandes familles du secteur, notamment Unité-SGP et Alliance, parfois à l'appel d'associations policières ou spontanément, n'ont pas été inquiétés à ce jour. Tout juste quelques réunions ont-elles eu lieu entre la préfecture de police et certains manifestants au mois de juillet, mais «c'était surtout pour ouvrir le dialogue social avec les syndicats», nous assure une source policière. Une autre nous avait expliqué à l'époque qu'il s'agissait de rencontrer la «base policière».

Le syndicat Option Nuit estime pour sa part qu'il s'agit là d'une forme de «discrimination syndicale» à l'égard de ses adhérents noctambules, qui se considéraient déjà comme les grands oubliés de la maison police, notamment en matière de cycles horaires (12h08 effectuées de nuit), de moyens, de salaires (une prime de nuit jugées insuffisante) et d'effectifs («la nuit n'est pas assez attractive pour les collègues et nous n'avons pas de renforts en cas d'interventions difficiles», nous expliquait l'un d'eux).

Bernalicis-Lallement : une joute en plusieurs épisodes

«Il y a eu une nouvelle manifestation de policiers récemment, d'Option Nuit, une nouvelle organisation qui représente les personnels de police qui interviennent la nuit. Je m'interroge quant au fait que vos services soient en train d'auditionner 36 [38, selon le syndicat Option nuit] d'entre eux pour participation à cette manifestation. Est-ce que c'est aussi le cas pour tous les policiers qui ont participé aux manifestations devant la place Vendôme, devant la préfecture de police, devant l'Assemblée nationale, qui étaient également, et même plus encore, des manifestations inopinées, que celle d'Option Nuit ? Est-ce qu'il y a des organisations qui sont mieux vues que d'autres par la préfecture de police ? Des procédures particulières pour certains et qui ne s'appliquent pas d'autres ?», a ainsi questionné Ugo Bernalicis, exprimant son inquiétude lors de l'audition de Didier Lallement à l'assemblée le 30 septembre.

L'affrontement entre l'élu LFI et le préfet n'en était pas à son premier épisode sur le même thème : Ugo Bernalicis a déjà saisi le procureur de la République de Paris le 2 septembre dernier à l'encontre (entre autres) de Didier Lallement pour une suspicion de faux témoignage. Sous serment, ce dernier avait assuré, le 24 juin, au cours de la commission d'enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, qu'il n'avait «pas trouvé les organisateurs» des manifestations policières du mois de juin.

Ugo Bernalicis estimait pour sa part que les organisateurs se trouvaient parmi les centrales syndicales policières majoritaires.

Ce passage avait été isolé alors sur les réseaux sociaux.

Mais, si Ugo Bernalicis questionnait en juin le préfet de police sur la position de son institution concernant ces rassemblements «non déclarés», en demandant «pour vous il n'y a pas de sujet ?» (allusion à l'interdiction qui est faite aux fonctionnaires de police de manifester), le 30 septembre, il l'a interrogé sur l'impression que pourraient avoir des observateurs, comme la toute jeune organisation Option Nuit, que, pour des faits similaires, certains vont être sanctionnés et pas d'autres.

Il convient de rappeler que la colère policière qui s'est exprimée lors du mois de juin dernier, s'est traduite par des rassemblements de fonctionnaires qui jetaient leurs menottes et chantaient La Marseillaise devant des lieux symboliques comme la préfecture de police ou la place de l'Etoile. Des actions qui ne correspondent pas tout à fait à l'expression syndicale des travailleurs de nuit qui a, en quelque sorte, pris le relais après que le premier mouvement de contestation s'est essoufflé au début de l'été.

Lallement : «J'agis en républicain»

Dans le premier cas, les fonctionnaires en colère n'ont pas été inquiétés, dans le second, celui des «nuiteux» de la police, qui se réunissaient depuis trois mois un peu partout en France presque toutes les nuits, 38 policiers sont actuellement entendus dans des commissions de discipline, mettant un coup d'arrêt à leur mouvement initié pour revaloriser cette spécialité de la police qui s'estime déconsidérée et en manque de moyens.

Le préfet de police a, à cet égard, annoncé le 30 septembre en réponse à Ugo Bernalicis : «Votre encouragement à être effectivement plus rigoureux [en référence au signalement d'Ugo Bernalicis auprès du procureur de la République à l'encontre de l'intéressé] m'a particulièrement touché et donc, j'ai décidé de l'être. Donc, nous avons, non sans de grandes difficultés, réussi à identifier un certain nombre de manifestants et leur statut les empêchant [théoriquement de manifester], je les ai fait convoquer et j'envisage de prendre vis-à-vis d'eux des sanctions.»

Et de nier toute ambiguïté : «Peu m'importe ce qu'ils font, j'imagine que vous ne me demandez pas, en fonction des organisations syndicales, que certains puissent respecter le statut et pas d'autres ? Moi, cette idée ne m'a même pas traversé l'esprit, donc j'agis en républicain.»

Fermez le ban ? Sûrement pas pour William Maury, secrétaire général du syndicat Option Nuit dont les fonctionnaires actuellement avaient répondu à l'appel.

Deux poids deux mesures en matière de syndicalisme policier ?

Contacté par RT France, ce «nuiteux» militant a déploré cette sévérité : «Didier Lallement annonce déjà qu'il envisage des sanctions contre les 38 fonctionnaires inquiétés, mais il faut quand même rappeler que les auditions sont en cours, l'enquête débute à peine, c'est stupéfiant. Est-il juge et partie ? Et la présomption d'innocence ? Elle ne vaut pas pour les policiers nuiteux ? Une enquête, c'est à charge et à décharge !»

Une source policière contactée par RT France a estimé que les «nuiteux» risquant des sanctions disciplinaires devraient notamment se voir reprocher l'usage de leurs véhicules de police, des tenues de police et de leur temps de travail pour ces rassemblements.

Pour sa part, William Maury s'indigne et souligne le sérieux des rassemblements de son syndicat : «Dans nos rassemblements, nous n'avons pas jeté de matériel administratif à terre, nous [en référence aux jetés de menottes du mois de juin pratiqués par les autres organisations syndicales]. Et à cette époque, ces gestes n'ont pas fait l'objet de rappels de service. Lors de nos rassemblement de nuiteux, nous ne gênons pas la circulation, nous ne jetons pas le matériel administratif et nous répondons immédiatement présents au moindre appel pour intervenir dans nos fonctions de policiers. Sur un rassemblement à Paris, il y a eu un appel et les collègues sont partis dans la seconde.»

Les collègues qui vont trinquer, ce sont justement ceux qui sont toutes les nuits sur le terrain !

William Maury se dit «abasourdi par ce deux poids deux mesures» : «Qu'ils auditionnent tout le monde dans ce cas-là !» Il déplore également qu'«aucune autorité ne [l'ait] appelé en amont pour le prévenir» en cherchant à mettre fin au mouvement avant que ses collègues ne soient inquiétés : «C'est de la discrimination syndicale et c'est puni par la loi», ajoute-t-il encore, précisant que «tout le monde voit cette affaire comme ça, que ce soit les policiers, les journalistes ou les politiques.»

Les nuiteux feront-ils les frais d'un bras de fer politique ?

Le secrétaire général d'Option Nuit a ainsi le sentiment que son organisation «fait les frais» d'un bras de fer engagé entre l'opposition et le préfet de police de Paris : «Didier Lallement explique lors de l'audition devant les parlementaires que s'il fait ça, c'est justement suite à la demande précédente d'Ugo Bernalicis, mais c'est un conflit d'ordre politique et nous n'y avons pas notre place. En tant que syndicaliste, je n'ai pas à me retrouver là-dedans. Résultat, en sanctionnant du policier, tout le monde va s'acheter sa tranquillité, alors qu'un rappel au règlement aurait largement suffi. Les collègues qui vont trinquer, ce sont justement ceux qui sont toutes les nuits sur le terrain ! Il n'y a pas assez de dialogue et d'humain dans l'administration actuellement... Prenez la formation sur la prévention du suicide : c'est 90 minutes de e-learning sur ordinateur. Les gens qui ont conçu ça ne savent pas ce que c'est que ramasser un collègue avec une balle dans la tête. Moi, je sais. Il faut cesser cette déshumanisation. C'est le pire dans tout ça. Option Nuit veut juste attirer l'attention sur les nuiteux pour qu'on puisse mieux faire notre métier. Nous n'avons rien à faire dans des échanges politiques.» 

Antoine Boitel

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