Au nom de l'«appropriation culturelle», un auteur de littérature jeunesse censuré parce que Blanc
Le dernier roman de l'écrivain français Timothée de Fombelle, racontant le destin d’une jeune Africaine noire au temps de l’esclavage, sera censuré aux Etats-Unis et en Angleterre au nom de l'«appropriation culturelle».
Dans un contexte de mobilisations internationales contre le racisme et les «violences policières», un écrivain blanc peut-il encore raconter le destin d'une jeune Africaine noire au temps de l'esclavage ? Pour Walker Books, l'éditeur anglais du célèbre écrivain et dramaturge français Timothée de Fombelle, la réponse est claire : au nom de l'«appropriation culturelle», c'est non !
Reconnu internationalement depuis une quinzaine d'années pour ses romans jeunesse tels que Tobie Lolness, Vango ou encore Le livre de Perle, le dernier ouvrage de Timothée de Fombelle, Alma, premier tome d'une ambitieuse saga prévue sur trois volumes, ne sera en effet publiée ni aux Etats-Unis ni en Angleterre, d'après un article publié le 24 juin dans l'hebdomadaire Le Point.
Qu'un homme blanc puisse endosser le rôle d'une petite fille noire, qu'un écrivain puisse raconter l'histoire de la traite négrière du point de vue des esclaves même si cette histoire n'est évidemment pas la sienne, c'est pour moi la définition même de la littérature…
«Sujet passionnant, mais trop délicat», estime Walker Books
Walker Books, informé que l'écrivain français travaille sur le sujet de la traite négrière depuis des années, l'avait déjà alerté : «Sujet passionnant, mais trop délicat : quand on est Blanc, donc du côté de ceux qui ont exploité les Noirs, on ne peut pas décemment s'approprier l'histoire de l'esclavage», explique l'éditeur dans une interview au Point.
De son côté, Timothée de Fombelle défend ses motivations à écrire sur une thématique aussi sensible, ainsi que son éthique de travail visant à rester le plus fidèle possible aux faits historiques : «Je suis un homme blanc du XXe, je ne suis pas historien, alors pour raconter une petite jeune fille noire du XIXe, je me suis vraiment beaucoup documenté : j'ai consulté des archives, des journaux de bord, j'ai beaucoup lu sur l'Afrique ancienne et j'ai voyagé.» Et d'ajouter : «Il fallait que je sois digne de mon sujet.»
L'homme de lettres spécialisé dans la littérature jeunesse s'indigne donc de la censure exercée par les filiales anglo-saxonnes de l'éditeur Walker Books : «Qu'un homme blanc puisse endosser le rôle d'une petite fille noire, qu'un écrivain puisse raconter l'histoire de la traite négrière du point de vue des esclaves même si cette histoire n'est évidemment pas la sienne, c'est pour moi la définition même de la littérature…»
Et de conclure : «Le plus absurde, c'est tout de même que rien ou presque n'a jamais été écrit sur l'esclavage en littérature jeunesse, qu'avec Alma, de jeunes lecteurs vont enfin avoir accès, sur trois volumes de 400 pages très documentées, à ce sujet qu'ils connaissent peu. Et il vaudrait mieux priver des enfants de cette connaissance plutôt que d'admettre qu'un Blanc soit l'auteur d'un tel livre ? Voilà ce que ce refus de publication signifie : mieux vaut que les enfants n'aient pas accès à ce livre, tant pis s'ils continuent d'ignorer la réalité de l'esclavage.»