LREM perd la majorité absolue à l'Assemblée, avec la création d'un groupe de marcheurs dissidents
- Avec AFP
Cédric Villani, Aurélien Taché, Guillaume Chiche : en tout 17 députés tournent le dos à LREM pour fonder le groupe «Ecologie Démocratie Solidarité». Cette entité fait perdre sa majorité à l'Assemblée au parti présidentiel. Tout un symbole ?
La majorité refuse d'y voir un cataclysme, mais le symbole est fort : des «marcheurs» et ex-«marcheurs» dont Matthieu Orphelin et le candidat à la mairie de Paris Cédric Villani lancent ce 19 mai un nouveau groupe à l'Assemblée, qui fait perdre de justesse à La République en marche (LREM) la majorité absolue. Ils en préciseront les contours lors d'une conférence de presse prévue à 11h.
Lancement du nouveau groupe parlementaire @edsassnat. L'#Ecologie, la #Démocratie et la #Solidarité seront les piliers de notre action politique.
— @EDSAssNat (@edsassnat) May 19, 2020
👥17 député.e.s
🎯15 priorités politiques
🕙 Conférence de presse à 11h https://t.co/9kcjbDTyWTpic.twitter.com/wVTwxMF0nf
A deux ans de la fin du quinquennat et après «beaucoup de pressions» du gouvernement ou de cadres macronistes, ils sont finalement 17 à intégrer cette nouvelle entité baptisée «Ecologie Démocratie Solidarité», un groupe en gestation depuis plusieurs mois.
Sept actuels membres du groupe majoritaire sont de la partie, dont les élus de l'aile gauche du parti présidentiel Aurélien Taché, Guillaume Chiche et encore Cédric Villani (exclu du parti mais toujours membre du groupe LREM).
Le nouveau groupe rassemble aussi d'anciens «marcheurs» comme Matthieu Orphelin (proche de Nicolas Hulot), qui avait délaissé LREM pour le groupe Libertés et territoires, ou des membres du «collectif social démocrate» comme Delphine Bagarry ou Martine Wonner.
Tous ont été élus en 2017 sous l'étiquette macroniste à l'exception de l'ex-ministre PS à l'Ecologie Delphine Batho.
«Ni dans la majorité, ni dans l'opposition», ce nouveau groupe «indépendant», qui sera co-présidé par Matthieu Orphelin et l'ex-LREM Paula Forteza, entend contribuer à «une ambition forte de transformation sociale et écologique», écrivent dans leur déclaration politique les élus, pour qui «après le Covid-19, plus rien ne doit être comme avant».
«Nous pousserons et soutiendrons toutes les décisions à la hauteur des enjeux, mais saurons nous opposer dans tous les autres cas», préviennent-ils, se disant dans une «démarche ouverte» et appelant les députés qui s'y retrouvent «à s’y associer».
Je rejoins le groupe @EDS_AssNat par conviction et en tant que Délégué général. Les Françaises et les Français ont besoin que l’on concrétise dès maintenant une société fondée sur la justice sociale et environnementale qu’ils réclament depuis tant d’années. Ce sera notre priorité pic.twitter.com/TsC6r2wnYO
— Aurélien Taché (@Aurelientache) May 19, 2020
Avec cette neuvième entité - un record au Palais Bourbon sous la Ve République - le groupe LREM, qui comptait 314 députés en 2017, tombe à 288, juste sous le seuil de la majorité absolue (289 sièges) qu'il détenait jusqu'alors à lui seul. Le groupe majoritaire peut toutefois s'appuyer sur les 46 MoDem et la dizaine d'élus Agir.
Mais LREM pourrait récupérer rapidement la majorité absolue si la future suppléante d'Olivier Gaillard (ex-LREM, qui devrait quitter son poste de député pour devenir maire), rejoint les rangs des «marcheurs», comme annoncé par le député.
Le PS avait connu le même sort que LREM, avec une majorité relative début 2015, mais sans que les frondeurs de l'ère Hollande ne fassent jamais sécession.
LREM juge sévèrement la sécession
Les critiques et pressions des légitimistes se sont accentuées à mesure que s'intensifiait le bruit autour de ce neuvième groupe, dont la création était jugée «inéluctable» dès mars en interne.
La semaine dernière, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye y avait vu par avance «un contresens politique».
Le numéro un de LREM, Stanislas Guerini, a aussi blâmé «un contretemps politique, parce que précisément, nous sommes en train de bâtir la ligne politique pour l'après». Des membres du gouvernement tel Bruno Le Maire évoquent encore des «grenouillages».
Plusieurs membres pressentis ne figurent pas dans la liste finale, comme Claire Pitollat ou Cécile Rilhac, qui ont jugé «pas opportun» son lancement en pleine crise sanitaire. D'autres ont hésité jusqu'au dernier moment avant de renoncer.
Des élus de la majorité travaillent aussi en interne à une initiative sur l'axe social et écologique, baptisée «En commun». Du côté du nouveau groupe, on y voit une tentative de «colmater la fuite».
Dans les rangs LREM, si certains saluent une clarification et l'apport de potentielles nouvelles idées, d'autres y voient à l'instar de Marie-Christine Verdier-Jouclas (LREM) dans l'Express «une défiance profonde» à l'encontre du président «et de leurs électeurs».
Ce n'est pas «un cataclysme», affirme pour autant une source parlementaire LREM qui juge la démarche «inaudible».
Même constat d'une source gouvernementale qui met toutefois en garde contre «des effets collatéraux» en interne, car ceux qui «ont hésité» vont «vouloir peser».
Réindustrialisation, égalité homme-femme, soutien au système de santé
Les députés du nouveau groupe ont déjà listé leurs 15 premières priorités : «plan de réindustrialisation pour une souveraineté et une autonomie retrouvées», rétablissement d'un système de santé «robuste» ou encore refonte de «la fiscalité du capital et du patrimoine».
Les élus de ce groupe affichent également leur engagement en faveur de l'égalité homme-femme. Ils soulignent que «jamais un groupe politique français n’a compté une telle proportion de femmes» (65%).