100 km, rentrée des classes, masques : les sujets qui font débat au premier jour du déconfinement
Après presque deux mois de confinement, les Français sont désormais autorisés à sortir de chez eux. Mais les conditions de ce déconfinement organisé par le gouvernement font débat sur plusieurs points.
Présenté le 7 mai dernier par plusieurs membres du gouvernement, dont le Premier ministre Edouard Philippe, le plan de déconfinement prend effet ce 11 mai : les Français sont de nouveau autorisés à sortir. Mais des interrogations subsistent quant à son application – voire sa pertinence –, notamment sur trois points : le contrôle des déplacements dans la limite de 100 kilomètres, la réouverture des écoles et le port des masques.
Le difficile contrôle des 100 kilomètres
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait présenté cette mesure décidée par l'exécutif : les Français voient leurs déplacements limités à un rayon de 100 kilomètres, «calculé à vol d'oiseau à partir du lieu de résidence habituel».
Hic : des représentants des forces de l'ordre, en charge des contrôles, estiment que cette règle n'est pas assez claire. «Comment on va faire pour évaluer le kilométrage à vol d'oiseau ? Moi je n'ai pas la solution et on n'aura évidemment aucune application en la matière», expliquait ainsi à France Info Yves Lefebvre, secrétaire général d'unité-Sgp Police.
Difficulté supplémentaires pour le corps policier concernant cette mesure : il est possible de l’enfreindre pour un «motif professionnel ou familial impérieux». Or ces motifs n'ont pas été clairement définis : il n'existe pas «de liste fermée», avait précisé Christophe Castaner. Charge donc au «discernement des forces de l'ordre et au bon sens [des citoyens]» pour l'appliquer, avait fait savoir le ministre de l'Intérieur.
Un retour à l'école qui interroge
Un des chantiers les plus périlleux et incertain du déconfinement concerne la rentrée des classes. Celle-ci s'effectuera au compte-goutte et en ordre dispersé, mais le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer espère que tous les enfants auront pu retrouver «au moins une fois» leur école d'ici fin mai.
Encadrée par un protocole sanitaire extrêmement strict, la reprise nécessitera dans de nombreuses villes plusieurs jours de préparatifs. Jean-Michel Blanquer le reconnaît lui-même, des adaptations sont nécessaires, en particulier quand «les locaux sont exigus».
Mais pour de nombreux enseignants, et notamment la FSU, première fédération syndicale française de l'éducation, «rien ne garantit» que les conditions de sécurité sanitaire seront suffisantes dès ce 11 mai. D'autant qu'il faudra que les enfants respectent les consignes, notamment de distanciation sociale, ainsi que les gestes barrières. «Impossible» chez les touts-petits, souligne par exemple une institutrice dans le sud-est de la France interrogée à ce sujet par l'AFP.
Nicolas Glière, professeur de français et administrateur du mouvement des Stylos rouges, tempête quand lui sur cette reprise «pas du tout nécessaire» sur l'antenne de RT France. «Il n'y a aucun intérêt à le faire. On fait le travail en distanciel, on le fait bien [...] On met tout ce bazar en place, dangereux pour tout le monde, pour que des enfants viennent une demi-journée ou une journée sur un mois, de qui se moque-t-on?»
Le port du masque en question
Lors de la présentation du plan de déconfinement, le Premier ministre Edouard Philippe a expliqué que l'Etat ne procéderait pas à la distribution générale et gratuite de masques jetables ou lavables à l’ensemble des Français, et que le port du masque ne serait pas obligatoire. Et pour cause : «Le masque n’est jamais qu’un complément à la distanciation physique. Lorsque vous vous promenez tout seul dans la rue ou à la campagne, porter un masque ne présente pas d’intérêt», fait-il valoir. La seule exception concerne les transports en commun, où les passagers de plus de 11 ans devront se munir de cette protection, sous peine d'une amende de 135 euros.
Cette politique en matière de masque est loin de faire l'unanimité sur l'échiquier politique. D'une part, le chef de file de la France insoumise Mélenchon s'indigne qu'il n'y ait pas eu de distribution gratuite de masques : «En quoi est-ce émettre une critique insupportable que de dire qu'il faut que les masques soient gratuits ?»
D'autre part, certaines villes ont estimé que le gouvernement n'allait pas assez loin. Le maire de la capitale Anne Hidalgo (PS) aurait «souhaité que le port du masque soit obligatoire dans les rues de Paris ou dans les commerces» – il ne le sera que dans les transports publics, comme partout ailleurs. Le maire de Lyon Gérard Collomb (LREM) s'était également dit favorable à l'obligation de porter un masque dans l'espace public à partir du 11 mai. «C'est ce qui a réussi dans les pays asiatiques [et] dans un certain nombre de pays nordiques», estimait-il fin avril. Avant de concéder, dans un entretien au Progrès : «Ce n’est pas possible de prendre un arrêté général pour imposer le port du masque dans la rue à Lyon.»
D'autres maires néanmoins comptent aller plus loin. A Bordeaux par exemple, Nicolas Florian (LR) veut imposer le port du masque non seulement dans les transports, mais aussi les stations de tram ou de bus, les rues fréquentées, les parcs ou les marchés. La ville de Nice, dirigée par Christian Estrosi (LR), a pour sa part franchi le pas et pris un arrêté imposant le port du masque dans l'espace public sur tout le territoire de la commune à compter du 11 mai et jusqu'au 2 juin.
Une mesure à laquelle n'a pas pu se résoudre le maire divers gauche de Montpellier Philippe Saurel, qui plaide pourtant depuis le début de la crise pour «le port du masque généralisé de façon permanente». En effet, l'édile soulève un autre problème : à savoir que face à la gestion des stocks de masques, il n'est «pas sûr de pouvoir [en] fournir en nombre suffisant».