Interpellation musclée à Bordeaux : aucune charge retenue contre les prévenus rappelle l'avocat

Interpellation musclée à Bordeaux : aucune charge retenue contre les prévenus rappelle l'avocat© NICOLAS TUCAT Source: AFP
Les fonctionnaires de la BAC interviennent à Bordeaux le 10 décembre 2019 lors d'une manifestation contre la réforme des retraites (image d'illustration).
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Le 8 février à Bordeaux, un manifestant a été repéré et interpellé de façon spectaculaire près de la gare Saint-Jean. Une vidéo devenue virale a déclenché une polémique, mais l'avocat des deux prévenus rappelle qu'aucune charge n'a été retenue.

Après l'interpellation spectaculaire d'un jeune homme à la gare Saint-Jean de Bordeaux le 8 février en marge d'une manifestation des Gilets jaunes, une vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux montrant des policiers isoler un jeune homme dans un groupe de passants et lui asséner plusieurs coups très vifs pour l'interpeller. Le parquet de Bordeaux a saisi à ce sujet l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

La vidéo a suscité l'émotion des internautes et l'événement a fait son chemin jusqu'à l'Assemblée nationale le 11 février à l'occasion d'une question au gouvernement de l'élu insoumis Ugo Bernalicis évoquant une «scène surréaliste à Bordeaux» : «Des gens sont alignés contre une vitrine. Un policier, cagoulé, pointe du doigt un jeune immobile. Un autre l’attrape par le col, et le tire au sol, pendant que le premier lui assène gratuitement un coup de pied dans le ventre. Résultat, aucune charge retenue contre l’individu. Et une nouvelle plainte IGPN sans doute étouffée.»

Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a directement répondu à la question : «Je vous invite à ne pas caricaturer, à ne pas travestir la réalité. A Bordeaux, les faits sont établis, un individu, qui se lie au Black bloc, qui se saisit de barres de fer, qui intervient contre nos forces de sécurité, qui est identifié, notamment par une vue prise d’hélicoptère, et par plusieurs d’officiers de police judiciaire, fait l’objet d’une interpellation parfaitement dans les règles, et vous le savez.»

Mais à peu près au même moment, Gabriel Lassort, l'avocat des deux mis en cause de Bordeaux (car il y en avait deux dans cette affaire), a publié un communiqué de presse pour «rétablir quelques faits», ainsi qu'il l'a expliqué à RT France le 12 février.

Dans ce communiqué, on apprend notamment que le jeune homme interpellé à la gare Saint-Jean a passé 30 heures en garde à vue, qu'aucune charge n'a été retenue à l'issue de son placement en garde à vue et qu'«aucune infraction ne lui a été reprochée».

Joint par RT France, l'avocat Gabriel Lassort a précisé : «Mes clients ont été placés en garde à vue à deux reprises, mais n'ont reçu aucune convocation du Parquet. Le ministre de l'Intérieur n'avait peut-être pas encore cette information au moment de sa prise de parole à l'Assemblée qui est intervenue à peu près au moment de notre communiqué.»

Interrogé sur la procédure habituelle dans des cas similaires, l'avocat qui défend d'autres Gilets jaunes mis en cause à Bordeaux par le passé a relevé que «normalement, il y a une réplique immédiate» de la part de la Justice, mais il ajoute que «cela ne présage de rien» pour la suite de l'affaire.

De façon plus générale, Gabriel Lassort déplore l'emploi courant des forces de sécurité à Bordeaux : «Il s'agit d'une ville où il y a eu une contestation sociale importante et je constate, de la même manière que les observateurs indépendants, une réelle volonté de faire peur, d'empêcher de manifester, d'intimider. On note la présence d'armes de guerre [l'arme longue HK G36 en dotation de la police nationale, notamment] sur les manifestations et le port de la cagoule par les policiers... C'est une guerre d'intimidation qu'on ne peut que regretter.»

Communiqués, vidéos, tweets, la guerre de l'image a-t-elle commencé à la police ?

Guerre de l'image également ? De fait, la prise de parole du ministre de l'Intérieur au sujet de cette interpellation à Bordeaux intervient à un moment où la police nationale – et au premier chef la préfecture de police de Paris – entend mener une contre-attaque sur les réseaux sociaux en conséquence des nombreuses accusations de violences illégitimes impliquant les forces de l'ordre, ainsi que l'a noté BFMTV dans un reportage du 6 février montrant les coulisses de cette bataille médiatique : 

A ce titre, on peut notamment relever un tweet en date du 11 février de la préfecture de police de Paris qui dénonce un certain «complotisme anti-police» de la part d'un vidéaste youtubeur : 

L'affaire de l'interpellation musclée à Bordeaux a en tout état de cause fortement secoué les réseaux sociaux depuis que la vidéo a émergé en ligne et les syndicats de police s'en sont rapidement saisie. Le syndicat Synergie, représentant les officiers de police, a notamment déclaré : «Interpellation dans les règles par les policiers d’un casseur devenu un embusqué au milieu de femmes et d’enfants. Un lâche comme la plupart de ses semblables.»

La très médiatique syndicaliste d'Unité-SGP, Linda Kebbab a pour sa part affirmé : «Repéré par hélicoptère dans une ville mise à feu, jetant avec ses complices régulièrement des projectiles dont des barres de fer sur les policiers. Identifié, il a fui une première fois et s’est mêlé lâchement aux voyageurs. Vous vouliez qu’on lui envoie une invitation ?»

Et L'avocat Gabriel Lassort de rappeler les faits : pour le moment, ses clients sont présumés innocents et, si une enquête préliminaire est en cours ainsi que le relève le site CheckNews citant un communiqué du parquet de Bordeaux, ils sont ressortis libres et sans convocation de leur deux placements en garde à vue successifs.

Le parquet de Bordeaux évoquait pour sa part le 9 février des «manifestants virulents qui commettaient diverses infractions» et d'ajouter : «Deux d’entre eux, visages dissimulés, étaient vus par un policier comme ayant jeté des projectiles sur sa personne. Repérés près de la Gare Saint-Jean de Bordeaux, les deux hommes étaient interpellés aux alentours de 16h30 [...] les mis en cause ont été entendus et seront reconvoqués. L’enquête ouverte contre eux se poursuit en préliminaire.»

«Communiqué contre communiqué» analyse donc le site de vérification de l'information impulsé par Libération.

Les pratiques qui ont cours à Bordeaux en matière d'opération du maintien de l'ordre ont déjà été épinglées par des observateurs indépendants, tels que l'Observatoire girondin des libertés publiques, et aussi médiatiques. On peut à ce titre citer l'enquête vidéo du journal Le Monde à propos de la blessure à la tête du Gilet jaune Olivier Béziade.

La décision de promouvoir l'ancien préfet de Gironde, Didier Lallement, à la préfecture de police de Paris en avril 2019, indique peut-être une validation de la méthode bordelaise en termes de maintien de l'ordre... En tout cas, on remarque à nouveau que la capitale girondine demeure un centre névralgique de la contestation sociale opposée à l'actuel gouvernement et que les manifestants qui s'y illustrent sont traités en conséquence. Bordeaux n'est pas tout à fait un laboratoire à ciel ouvert pour une expérience sociale, mais quelques questions peuvent être posées : cette nouvelle bataille de l'image ici testée fera-t-elle recette pour le gouvernement ? Les policiers de terrain et les syndicalistes se sentent-ils solidaires de cette nouvelle manière de communiquer sur les opérations de police ?

Contacté par RT France, un policier spécialiste du maintien de l'ordre a en tout cas assuré que l'administration encourageait dorénavant les fonctionnaires à filmer les interventions, quitte, même, à utiliser leurs téléphones portables : «Maintenant, la direction veut qu'on sorte les caméras à tout-va pour avoir des images et contrebalancer les images buzz. Et tous les moyens sont bons...»

Antoine Boitel

Lire aussi : Combats de rue et violentes interpellations à Bordeaux : 29 personnes en garde à vue après l'acte 65

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