Nicolas Sarkozy sollicite sa base sur les réfugiés, analyse d'une stratégie

Nicolas Sarkozy sollicite sa base sur les réfugiés, analyse d'une stratégie© Stephane Mahe Source: Reuters
Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon, tous trois candidats à la primaire du parti LR
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Il s'était fait péremptoire avec son fameux discours sur la fuite d'eau, puis très silencieux sur l'affaire du petit syrien noyé, Aylan. Désormais, Nicolas Sarkozy consulte les militants sur la question des réfugiés. Avec quelques arrières pensées...

Le chef des Républicains trouverait-il enfin des vertus à la démocratie participative? Les adhérents des Républicains (LR) doivent en effet se prononcer, via internet, sur une série de mesures concernant les réfugiés et l'immigration en général. Ces propostions comprennent une douzaine de questions: suspension «immédiate» de Schengen, traité fondé sur «une politique migratoire commune», limitation du regroupement familial, suppression de l’aide médicale d’Etat, autant de sujets denses.

Pourtant tout le monde ne voit pas d'un bon oeil cette consultation. Certains analystes se demandent s'il ne s'agit pas là d'une façon d'isoler Alain Juppé de la base militante. En effet, parmi les questions, les militant devront répondre s'ils désirent que les immigrés «s'assimilent» ou «s'intègrent». Or Alain Juppé, sur ce sujet, avait estimé que l’assimilation est un concept «hérité d’un monde qui n’existe plus» et qu'on ne pouvait prétendre effacer de prétendre «effacer les origines».  Alain Juppé prône donc l'intégration (coexistence des différences), alors que Nicolas Sarkozy souhaite l'assimilation (totale adhésion aux principes de la société de résidence). 

Pour RT France, Thomas Guénolé, spécialiste de la Droite en France, analyse les enjeux de cette consultation.

RT France: Avec cette consultation, Sarkozy est-il désormais acquis à la démocratie participative, lui qui s'était difficilement plié à l'idée de primaire dans son parti?

Thomas Guénolé (T.G): Fondamentalement, quand Nicolas Sarkozy installe un mode de production du programme en consultant la base du parti Les Républicains, parler de Démocratie participative n'est pas juste. Cette notion a été théorisée principalement par Jürgen Habermas: cela consiste à réunir des gens sur un pied d'égalité parfait, sans chef, dans une salle et personne ne sort avant qu'un consensus ait été décidé sur une question particulière.

Ce n'est absolument pas la même chose qu'un Nicolas Sarkozy qui convoque par référendum les adhérents de son parti pour leur dire de voter oui ou non aux différentes questions qu'il pose. Il s'agit là d'un modèle de référendum du Césarisme plébiscitaire: un chef qui communique avec sa base sans intermédiaire. C'est aussi une forme de Bonapartisme. Nicolas Sarkozy est donc dans la continuation d'une pratique qui fait partie du patrimoine doctrinal de la droite. 

RT France: Donc si cela donne l'impression d'ouverture vers sa base, il s'agirait là surtout d'un mini-plébiscite?

T.G: Le césarisme plébiscitaire suppose qu'il y ait un dialogue direct entre le chef et sa base. Cela renforce l'impression de lien direct entre le chef et sa base et permet à cette dernière de se sentir impliquée dans le processus de décision. Mais cela reste un rapport de soumission-fusion. Il s'agit de créer un lien direct et personnel avec le chef, mais en même temps, cela signifie que le chef tout seul pèse autant que toute la base des adhérents. Cela signifie aussi que Nicolas Sarkozy se pose en chef et cette posture affaiblit par définition tous ses concurrents. 

RT France: Est-ce aussi une façon de créer un socle commun à partir des réponses données?

T.G: Nicolas Sarkozy est en train de tenter de faire adopter un programme obligatoire de la droite pour la présidentielle; tout candidat désigné lors des primaires sera alors obligé de porter ce programme. Mais le piège est grossier: l'idée est de montrer que celui qui dirige ce programme sera évidemment le plus légitime à porter ce programme.  Or, c'est lui qui en dirige l'élaboration. En outre, il y a quelque chose qui ne tient pas debout dans cette idée: s'il y a une primaire qui suppose que chaque candidat propose son programme, ses idées, cela n'a aucun sens d'élaborer un socle commun juste avant. Pour résumer, la stratégie de Nicolas Sarkozy est à la fois incohérente et c'est un piège grossier à ses rivaux. 

RT France: Le but n'est-il pas aussi de mettre Alain Juppé à contre-courant du parti sur les questions d'immigration?

T.G: Pas seulement. Nicolas Sarkozy cherche aussi à affirmer par tous les moyens qu'il est le chef de la droite. Il surjoue le rôle de patron. Il surjoue celui de contre-Président face à François Hollande. Il surjoue aussi le rôle de chef de la famille de la droite; il parle ainsi beaucoup de la «famille». Il prend de fait une posture de chef et il y a quelque chose de très paternaliste, patriarcale, dans sa façon de gérer le parti. Il prend aussi une posture de garant de l'unité de la famille politique. Il cherche ainsi à faire rentrer dans les esprits que tous ses rivaux sont des fauteurs de troubles et des facteurs de division.

 Sur les questions d'identité, Nicolas Sarkozy fait du lepénisme light, au sens de Le Pen père 

RT France: Au regard des questions posées, la primaire de la droite tournera-t-elle autour des questions d'identité?

T.G: Il y a deux grands débats français actuels. D'une part le débat sur les valeurs, les enjeux de société. D'autre part, le débat sur les questions économiques, la politique qu'il faut mener dans ce domaine. A droite, il y a consensus sur ces questions économiques entre les candidats à la primaire. Ils sont tous pour la mondialisation, pour la dérèglementation, pour les privatisation, et pour la remise en cause du périmètre du service public en France. Ils ne vont donc pas se concurrencer la-dessus

En revanche, il y a de vraies différences sur les sujets de société, les valeurs, la définition de l'identité française. Nicolas Sarkozy fait du lepénisme light, au sens de Le Pen père. Il a des positions là-dessus qui sont les mêmes que celles de Jean-Marie Le Pen, en plus modéré. Alain Juppé a des positions qui sont plus proches de celles du centre-droit et du chiraquisme. C'est du Républicanisme de droite, mais du Républicanisme quand même. François Fillon ne parle pas de ces sujets sociétaux et n'évoque que l'économie. Bruno Le Maire est dans une tentative de construire quelque chose qui serait une sorte de néo-gaullisme sur ces sujets. Xavier Bertrand est plutôt sur une fermeté républicaine qui le rapprocherait d'Alain Juppé. En résumé, la campagne pour la primaire à droite ne pourra se jouer que sur les valeurs de société et la définition de l'identité française.

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