Agitée, contestataire, insurrectionnelle ? Quel que soit l'adjectif choisi, force est de constater que l'année 2019 se termine comme elle a commencé en France : avec des dizaines de milliers de personnes dans les rues, rejetant en bloc les politiques gouvernementales ainsi que les personnalités qui les portent, au premier rang desquelles le président de la République, catalyseur de tous les mécontentements.
Au fil des mois, Emmanuel Macron a fait face à une levée de boucliers contre ses politiques. L'année a débuté avec l'inédit mouvement des Gilets jaunes qu'il n'avait pas su calmer en 2018. Elle s'est alors soldée par de grosses mobilisations contre la réforme des retraites illustrée par une grève nationale d'une ampleur comparable, voire supérieure à celles de 1995. «Macron démission !», «On est là ! Même si Macron ne veut pas nous on est là !», «Macron dégage !»... Le président en a pris pour son grade dans les slogans des manifestations qui ont ponctué l'année. Il a, en outre, été singulièrement chahuté dans beaucoup de ses déplacements publics.
Une gronde de la rue contre sa politique nourrie par les scandales entourant ses proches. L'affaire Jean-Paul Delevoye n'est, en effet, que la plus récente d'une série de révélations qui ont éclaboussé le chef de l'Etat, achevant de dévoyer totalement son appel à l'exemplarité. En conséquence, son image de «président des riches» ne cesse de s'accentuer, au point de lui coller littéralement à la peau.
De Benalla à Delevoye
C'est ainsi que le 16 décembre, le haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye, chargé de porter la réforme tant contestée, a démissionné car fragilisé par la révélation de l'«omission» de plus de dix mandats rémunérés ou non dans sa déclaration d’intérêts. Une ultime affaire venue clore une série de plusieurs autres qui ont écorné la crédibilité du gouvernement et du président.
Il y a d'abord celle concernant Alexandre Benalla. L'ancien chargé de la sécurité à l'Elysée est au cœur de plusieurs révélations : utilisation abusive de passeports diplomatiques, disparition d'un coffre-fort lors des perquisitions... L'ex-chargé de mission a été mis en examen dans pas moins d'une dizaine d'affaires dont celle portant sur les violences commises en marge du défilé du 1er Mai 2018. Benalla est devenu, pour les Gilets jaunes, l'incarnation des violences policières lors des manifestations. Sa figurine et son nom sont d'ailleurs légion dans les mobilisations.
Vient ensuite l'affaire des dîners fastueux de François de Rugy. Entre homards et grands crus, on apprenait grâce à Mediapart, au milieu de l'été, comment l'ancien président de l'Assemblée nationale et son épouse avaient donné des dîners privés fastueux à l'hôtel de Lassay entre 2017 et 2018. Même si l'enquête a conclu qu'il s'agissait de dîners professionnels, l'image des gouvernants qui ne se privent de rien pendant qu'ils enjoignent le peuple à effectuer des efforts s'est renforcée. De nombreux crustacés ont d'ailleurs fait leur apparition dans les manifestations des Gilets jaunes.
Le successeur de François de Rugy, Richard Ferrand qui avait été épinglé par Le Canard enchaîné en 2017 révélant qu'en 2011, les Mutuelles de Bretagne, qu'il dirigeait alors, avaient décidé de louer des locaux commerciaux appartenant à sa compagne, a été mis en examen, le 12 septembre, pour «prise illégale d'intérêts» dans cette affaire.
Pour ne rien arranger, toujours en septembre, plusieurs personnalités du MoDem, parti allié de la majorité présidentielle, ont été mises en examen eu égard à des soupçons d'emplois fictifs dans l'affaire des assistants parlementaires. En décembre, c'est François Bayrou, le président du parti centriste, qui a été mis en examen, poursuivi pour «complicité de détournement de fonds publics».
Dans ces conditions, il paraît difficile de demander aux Français de se serrer davantage la ceinture. Début décembre, juste avant le début de la grève, Emmanuel Macron et son Premier ministre Edouard Philippe recueillaient 29% d'opinions favorables, selon le baromètre Yougov. Une impopularité qui s'était également traduite dans les urnes plus tôt dans l'année, lors des élections européennes du mois de mai où la liste du Rassemblement national (RN), menée par Jordan Bardella, a remporté le scrutin, obtenant 23,31% des suffrages.
En cette fin décembre, la grève nationale se poursuit, toujours soutenue par une bonne partie de la population. Si le président persiste à ne rien céder et vouloir appliquer ses politiques coûte que coûte, 2020 pourrait avoir comme un air de déjà-vu.
Meriem Laribi
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