«Reprendre le contrôle de notre politique migratoire»: que retenir des annonces d'Edouard Philippe ?
Accompagné de quatre membres du gouvernement, le Premier ministre Edouard Philippe a détaillé 20 mesures et propositions grâce auxquelles le gouvernement entend «reprendre le contrôle» de la politique migratoire.
Le Premier ministre Edouard Philippe a présenté le 6 novembre lors d’une conférence de presse une liste de 20 mesures qui constitueront les grands axes de la nouvelle politique migratoire du gouvernement français. Entouré de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, Agnès Buzyn, ministre de la Santé et Amélie de Montchalin, secrétaire d’État chargée des Affaires européennes, le Premier ministre a introduit les mesures qu'entendait prendre le gouvernement en matière d'immigration.
Des quotas d'immigrés économiques
L’instauration de quotas d’immigrés économiques est la mesure emblématique du plan gouvernemental. L’objectif est de fixer chaque année par un arrêté les quotas de personnes qui pourront venir travailler de l’étranger dans des secteurs qui manqueraient de main-d’œuvre. Toutefois (comme c'est déjà le cas depuis 2007 pour certains métiers dits en «tension»), l’employeur n'aurait pas à prouver qu’il n’arrive pas à embaucher des résidents français. Ces «objectifs chiffrés» d'immigrés «professionnels» seront fixés après consultation des parlementaires, chaque année, dès l'été 2020.
Nous voulons mettre le paquet sur l’intégration par le travail. En même temps, notre rôle est aussi de protéger l’#immigration familiale en luttant contre certains détournements, ou encore de réaffirmer des exigences fermes et fortes pour l’accès à la nationalité française. pic.twitter.com/JkLL4ONhV4
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) November 6, 2019
«C'est la France qui recrute par rapport à ses besoins. C'est une approche nouvelle, un peu une approche qu'[ont] le Canada et l'Australie, c'est assez proche», a expliqué Muriel Pénicaud le 5 novembre sur BFMTV.
«On va revoir cette liste [des secteurs manquant de main-d'œuvre] chaque année [...] On commence dans quelques semaines avec les partenaires sociaux et les régions. La Dares [Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques] et Pôle emploi vont travailler pour analyser tous les métiers en tension [...] On vérifie que tous les efforts de formation ont été faits pour permettre à nos demandeurs d'emploi de prendre ces emplois et ensuite les réfugiés [...], on fixera le nombre de personnes par métiers et par territoire», a-t-elle détaillé. Les quotas ne seront cependant pas fixés en fonction du pays d'origine, selon la ministre.
Actuellement, pour pouvoir travailler en France, sept critères sont imposés à une personne étrangère. Cette procédure de délivrance des autorisations de travail devrait être simplifiée, le nouveau gouvernement abaissant les critères à trois.
Délai de carence pour la Protection universelle maladie
Le gouvernement a également instauré pour les demandeurs d’asile un délai de carence de trois mois pour que ceux-ci puissent avoir droit à la Protection universelle maladie (PUMA). Jusqu’à présent, les demandeurs d’asile y avaient droit dès le dépôt de leur demande.
Concernant l’Aide médicale d’Etat (AME), dispositif réservé aux sans-papiers qui bénéficie aujourd'hui à 318 000 personnes, certains soins non-urgents pourront faire l’objet d’un accord préalable de la Sécurité sociale.
Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, annonce notamment un renforcement des contrôles de l'AME pic.twitter.com/GPM8M74rCz
— franceinfo (@franceinfo) November 6, 2019
Par ailleurs, les étrangers sans-papiers, tout comme les individus déboutés de leur demande d’asile, ne pourront bientôt plus bénéficier d’un maintien de leur protection maladie que pendant six mois au lieu de 12 actuellement.
Enfin, un accroissement du contrôle des bénéficiaires de l’aide aux demandeurs d’asile (ADA), qui toucheraient indûment et parallèlement le revenu de solidarité active (RSA), sera acté dans le cadre de ce projet de loi.
Réduction des délais d’instruction des demandeurs d’asile
La réduction des délais d’instruction des dossiers de demandes d'asile constitue un autre élément essentiel de ce projet de loi. Le délai moyen actuel est de 12 mois, alors que le gouvernement souhaite l’abaisser à six mois. Pour ce faire, le ministère de l’Intérieur devrait augmenter tant les effectifs que les fonds de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Quelques autres mesures importantes
Plusieurs autres mesures sont également à noter. Le Premier ministre a affirmé porter à 0,55% du PIB l’Aide publique au développement pour 2022. Selon Edouard Philippe, ces fonds devront «se concentrer sur les zones à enjeux, sur des priorités thématiques bien définies pour que cela soit un vrai levier de la politique migratoire». 19 pays seront ainsi les bénéficiaires de cette aide, dont 18 en Afrique.
La France souhaite également attirer 500 000 étudiants étrangers d’ici à 2027, comparé à 325 000 étudiants étrangers actuellement. «Notre pays court aujourd'hui le risque de décrocher en termes d’attractivité internationale», a affirmé Edouard Philippe. Cette hausse des effectifs visée par le gouvernement s’inscrit dans le cadre de la stratégie «Bienvenue en France» lancée en 2018.
Notre pays court aujourd'hui le risque de décrocher en termes d’attractivité internationale
De son côté, Christophe Castaner a également promis l’ouverture de trois nouveaux centres de rétention administrative à Lyon, à Bordeaux et à Olivet (Loiret). «Je tiens à souligner que d’ici 2020 le nombre de places en centres de rétention administrative aura augmenté de 35% par rapport à la situation que nous connaissions au début du mandat», a-t-il souligné.
Enfin, le ministre de l'Intérieur a affirmé ne pas s'attaquer au programme de regroupement familial tout en assurant vouloir lutter contre toutes les «fraudes». «Nous avons un dispositif suffisamment carré pour que je considère que ce ne soit pas un sujet», a-t-il ajouté. «Par contre, nous luttons contre toutes les fraudes [qui peuvent exister y compris] au sein du regroupement familial», a-t-il précisé.
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