General Electric : une ancienne ministre soupçonne un proche de Macron de prise illégale d'intérêts

General Electric : une ancienne ministre soupçonne un proche de Macron de prise illégale d'intérêts© Charles Platiau Source: Reuters
Delphine Batho lors des questions au gouvernement du 14 octobre 2014, à l'Assemblée nationale, à Paris (image d'illustration).
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Venant confirmer des informations de L'Obs, Delphine Batho a annoncé saisir le procureur de Paris au sujet d'une possible prise illégale d'intérêts de la part du DG de General Electric France, Hugh Bailey, ancien conseiller de Macron à Bercy.

Déçue d’avoir vu l'un de ses amendements passer à la trappe dans le projet de loi énergie-climat, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 juin, Delphine Batho, ancienne ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie entre juin 2012 et juillet 2013, a annoncé sur Twitter son intention de saisir le procureur pour une potentielle «prise illégale d’intérêts» à l’encontre du directeur général de General Electric (GE) Hugh Bailey. La député a précisé à L’Obs avoir envoyé, toujours ce 28 juin, une lettre au procureur de la République de Paris Rémy Heitz, l’avertissant du supposé délit.

Selon la présidente de Génération écologie, en 2016, alors que Hugh Bailey est conseiller en charge du financement export d'un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, le conglomérat américain aurait reçu une garantie financière à l’exportation d’un montant de 70,3 millions d’euros pour l’acquisition de quatre turbos alternateurs destinés à la centrale irakienne de Bazian. Quelques mois plus tard, courant 2017, Hugh Bailey rejoint GE France en qualité de lobbyiste, puis en sera nommé directeur général en avril 2019.

C’est précisément ce qui pose problème à l’ancienne protégée de Ségolène Royal. Pour la député des Deux-Sèvres, le haut-fonctionnaire pourrait s’être rendu coupable d’une prise illégale d’intérêts. Elle avance l’article 432-12 du Code pénal qui le définit comme «le fait, par une personne chargée d’une mission de service public de prendre directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise dont elle a en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement».

General Electric : une ancienne ministre soupçonne un proche de Macron de prise illégale d'intérêts© Capture d'écran/legifrance.gouv
Article 432-12 du code pénal.

«L’un des plus stupéfiants cas de pantouflage»

En apparence, Hugh Bailey ne serait donc plus concerné, car n’exerçant plus de fonction étatique. Pourtant, selon L’Obs, ce dernier serait toujours fonctionnaire en disponibilité du corps des administrateurs civils, ce qu’a confirmé le secrétariat général des ministères économiques et financiers auprès du magazine. Il pourrait donc réintégrer la fonction publique à tout moment. L’Obs décrit un «grand écart» qui «constitue l’un des plus stupéfiants cas de pantouflage et de possible retropantouflage […] de l’histoire récente».

Interrogé sur le sujet, Hugh Bailey se défend en renvoyant la balle à la Commission de la déontologie de la fonction publique, qui avait validé cette transhumance vers le privé. Roland Peylet, président de la commission, tempère toutefois, expliquant, toujours à L’Obs, que l’entité ne dispose de toute façon «d’aucun moyen d’investigation».

La Commission spécifie à l’époque qu'Hugh Bailey doit «s’abstenir de toute relation professionnelle jusqu’au 1er septembre 2019 avec les membres de cabinet du ministre de l’Economie [Emmanuel Macron] […] ainsi que des contacts professionnels jusqu’au 1er novembre 2020 avec les services de la sous-direction du financement des entreprises de la direction générale du Trésor».

Selon les recommandations de la commission donc, de la date de sa nomination à septembre 2019, Hughes Bailey n’aurait pas pu entrer en contact avec son ancien employeur, Emmanuel Macron, devenu entre-temps président de la République, au sujet de GE, ou encore avec Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée et à l’époque directeur de cabinet du futur président. Une mission plus qu’acrobatique.

Le rapporteur du texte reconnaît une ingérence

Mais ce n'est pas tout. Face à l’étonnement de Delphine Batho après que son amendement n’a pas été conservé, le rapporteur du projet de loi énergie-climat, Anthony Cellier (LREM), avoue que suite «à certains coups de fils passés par des entreprises», il avait finalement décidé de renoncer à apporter son soutien à l’amendement (qui réclamait que les garanties à l'export qu'accorde l’Etat ne puissent plus bénéficier aux activités liées aux énergies fossiles). Et le député LREM de ne citer qu'une seule entreprise... General Electric. D’après lui, si le texte était adopté en l’état, GE risquerait en effet «de délocaliser une partie de sa production de la France vers les Etats-Unis». Et cela alors que l'entité française du géant américain de l'énergie fait aujourd'hui face à un plan social de grande ampleur comprenant 792 suppressions de poste sur le site de Belfort, annoncé au lendemain des élections européennes.

S’il est reconnu coupable de prise illégale d’intérêts, Hugh Bailey risque cinq ans de prison et 500 000 euros d’amende, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. Le procureur de la République de Paris, Remy Heitz, nommé récemment par Emmanuel Macron, trouvera-t-il matière à ouvrir une enquête ? Dans le cadre de l’affaire Benalla, il s'était notamment distingué en classant sans suite l’enquête pour faux témoignage qui pesait sur Patrick Strzoda, directeur du cabinet d’Emmanuel Macron, devant la commission d’enquête sénatoriale.

Alexis Le Meur

Lire aussi : Voté à l'Assemblée, le projet de loi énergie et climat déçoit les ONG

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