Vote de la loi anticasseurs : les fractures idéologiques de la majorité se révèlent
Reprenant une proposition de loi conçue dans les forges LR, le gouvernement donne un nouveau coup de menton face aux Gilets jaunes. Mais cette fois, même les rangs de la majorité à l'Assemblée sont divisés à propos de la loi dite «anticasseurs».
La loi dite «anticasseurs» est débattue ce 29 janvier à l'Assemblée nationale mais elle suscite déjà la controverse dans les rangs de La République en marche (LREM), révélant les failles idéologiques d'un parti récent et composite. Ce texte est en réalité une proposition de loi issue des rangs des Républicains (LR) en juin 2018 pour répondre, à l'époque, à la menace publique que constituaient les groupes violents d'ultragauche dans les cortèges de tête des manifestations : elle était portée par Bruno Retailleau, président du groupe LR à la chambre haute du Parlement.
Mais dans le contexte des mobilisation des Gilets jaunes émaillées de faits de violence, le chef du gouvernement, Edouard Philippe, avait annoncé un tour de vis sécuritaire lors de son passage au journal de 20h sur TF1 le 7 janvier. L'exécutif a effectivement choisi de recycler cette proposition venue de l'ancienne famille politique du Premier ministre, mais 200 amendements ont déjà été déposés et les réticences ne viennent pas que de l'opposition de gauche, pour qui le texte constitue une atteinte au droit de manifester : les jambes droite et gauche de la majorité marchent-elles toujours dans le même sens ?
Selon les informations du Huffington Post, certains députés marcheurs auraient notamment tiqué sur la mesure prévoyant que le préfet puisse autoriser des palpations de sécurité et des fouilles de sacs «pendant les six heures qui précèdent» une manifestation et jusqu'à dispersion, «dans un périmètre délimité». Ces élus de la majorité se seraient inquiétés d'atteintes à la liberté d'aller et venir.
Par ailleurs, une trentaine de députés LREM ont réclamé en commission la suppression d'un autre volet du texte : la possibilité donnée aux préfets de prononcer des interdictions de manifester à l'encontre de certaines personnes précises, sous peine de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende pour les contrevenants.
La mesure a initialement été pensée pour contrer les membres des groupes d'ultragauche qui se montrent particulièrement violents dans les manifestations, mais elle pourrait finalement viser les Gilets jaunes : le préfet pourrait imposer une convocation à la personne concernée afin qu'elle ne se rende pas à une manifestation. Pour le moment, les marcheurs dissidents qui veulent faire valoir un risque de constitutionnalité concernant cette mesure n'ont pas été entendus et cette dernière tient bon. Le député LREM Matthieu Orphelin, qui siège à l'aile gauche de la majorité, a prévenu : «Cette loi doit veiller à ne pas altérer le droit de manifester.»
Pendant ce temps, l'étau se resserre : l'opposition de droite au Sénat, Bruno Retailleau en tête, estime que le gouvernement a déjà dénaturé son projet initial en cédant à la pression de sa jambe gauche à la chambre basse. Effectivement, le nouveau fichier initial qui devait être créé à l'occasion de cette loi et qui s'inspirait de celui des hooligans interdits de stade depuis 2007, a été revu par une marcheuse, rapporteur du texte (Alice Theurot) : le fichier dédié a cédé la place à une inscription au fichier des personnes recherchées (FPR) pour empêcher de manifester.
Pour ce qui est de la dissimulation du visage en manifestation, la gêne est là encore palpable au sein des rangs de la majorité qui a fait en sorte que le port du casque ou de la cagoule ne suffirait pas pour constituer le délit : ils ont ainsi voulu ajouter la démonstration formelle d'une intention de la personne de participer à des troubles.
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